La Bande à Baader
Le 10/11/2008 à 08:05Par Yann Rutledge
Notre avis
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Dix années de lutte armée condensés en 2H30 de métrage, un défi qui paraît bien difficile au premier abord, mais c'est sans compter le talent de scénariste de Bernd Eichinger, déjà responsable du scénario des derniers jours d'Adolf Hitler (La Chute) et de l'adaptation de l'inadaptable Le Parfum et qui transpose ici La Bande à Baader de Stefan Aust, bouquin de référence sur le sujet. Il retrouve pour l'occasion le réalisateur Uli Edel vieux comparse dont il a produit les deux premiers films (le tétanisant Moi, Christiane F. ..13 ans, droguée et prostituée et l'électrisant Dernière Sortie pour Brooklyn) que nous pensions avoir perdu à tout jamais dans les méandres de la production télévisuelle américaine (son dernier film remonte à huit ans et s'intitule Le Petit Vampire : ceux qui l'ont vu ont tous été depuis atteint de cécité). Soyons honnête, le cinéaste n'a pas retrouvé le souffle d'antan mais arrive malgré tout nous tenir en haleine tout du long par sa mise en scène heureusement jamais emphatique (ne pas idéaliser le combat de Baader) mais toujours au plus proche des personnages.
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Car ce n'est pas tant les multiples événements et rebondissements tragiques qu'a connu l'Allemagne qui intriguent Edel et Eichinger, mais plutôt les raisons qui ont poussées de jeunes gens cultivés luttant pour le bien commun à commanditer meurtres et assassinats de sang froid en s'enfonçant dans le terrorisme et s'acoquiner avec des mouvements islamistes. La première partie se focalise d'ailleurs sur la brillante journaliste Ulrike Meinhof fascinée par le charismatique Baader et son engagement total dans son combat pour un monde plus juste. Idéaliste, elle se met pourtant à douter que ses édito feront changer le monde et de ce fait se lance elle aussi dans la lutte armée. Chargée au début de rédiger les revendications des attentats perpétués par le groupe, elle se verra progressivement se faire mettre à l'écart, ses positions n'étant plus considérées assez radicales par ses camarades. Les idéaux s'effacent au profit de la haine, la lutte armé contre un système corrompu et réactionnaire se transformant en effet en une cruelle lutte sanguinaire dont le moteur semble n'être que la vengeance. Vengeance d'avoir tué d'anciens camarades, vengeance de les avoir enfermés en prison, etc.
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Bien qu'elle ne soit pas généreuse d'un point de vue cinématographique (on ne sort jamais de son bureau), le cinéaste s'intéresse aussi à ce qu'il se passe de l'autre côté de la loi en suivant Horst Herold le chef de la police allemande chargé de pourchasser les membres de l'organisation terroriste. Paradoxalement, il est le seul membre de l'administration à comprendre Baader et sa bande, affirmant en réunion que la seule réponse possible au RAF n'est en aucun cas la police mais la politique (comprendre le dialogue).
Biographie certes romancée mais loin d'être consensuel, La Bande à Baader démontre à ceux qui en doutaient que malgré toutes les évolutions socio-politiques qu'ont connues les années 60-70, le monde aujourd'hui fonctionne encore selon les mêmes institutions et règles, le système conservateur d'alors étant plus que jamais encore en place trente ans plus tard. "The more things change, the more they stay the same" disait un copain borgne à nous...