La Graine et le mulet

La Graine et le mulet a établi définitivement le réalisateur Abdellatif Kechiche dans le cinéma français. Lauréat du prestigieux Prix Louis Delluc 2007, prix spécial du Jury à la Mostra de Venise en 2007 (ex-aequo avec I'm not there), en cette année 2008 l'Académie lui remettait également les Césars du meilleur réalisateur, meilleur scénario original, meilleur film de l'année et pour couronner le tout, meilleur jeune espoir féminin pour l'étonnante Hafsia Herzi (déjà couronnée du Prix Marcello Mastroianni à Venise).

Succès critique dithyrambique et public avec près d'un million de spectateurs dans les salles, La Graine et le mulet s'impose comme l'un des plus beaux films français de l'année. Epaulé par Claude Berri à la production puis par une ribambelle de comédiens non professionnels, l'histoire touche le spectateur en plein cœur. Le cinéaste filme ses personnages de très près, les regarde patiemment, photgraphie des êtres brisés par les années mais où bouillonne toujours une rage de vivre inégalable. Depuis longtemps, le cinéaste avait pour idée de faire tourner son père. C'est pour lui qu'Abdellatif Kechiche écrit le rôle de Slimane mais son père décède entre temps. Il décide alors de se tourner vers Mustapha Adouani qu'il a déjà fait tourner dans son premier film mais l'acteur meurt également brutalement fin 2006. Il contacte alors un ancien ami de chantier et collègue de son père, Habib Boufarès. En voyant le film, on a du mal à croire que ce dernier réalise ici sa première performance devant la caméra. Son visage exprime la dureté de la vie passée sur les chantiers, la nostalgie du bled, le courage de se relever la tête après s'être fait limoger comme un malpropre après plus de 30 ans de dur labeur.

Tout le mérite revient évidemment au cinéaste qui s'attache à suivre ses personnages dans leur intimité en parvenant à faire oublier la caméra. Loin des clichés habituels, Kechiche dépeint une famille franco-arabe moderne (les parents sont divorcés, le père refait sa vie avec la patronne d'un petit hôtel et élève la fille de celle-ci) désirant avant tout avoir les mêmes chances et l'envie de réaliser ses rêves. Le réalisateur possède le don de nous intégrer dans la famille ici dépeinte, lors du repas familial notamment au sein duquel le spectateur est littéralement immiscé. La Graine et le mulet est un film organique, qui se sent et qui se touche. Il est un vibrant hommage à la famille et à ses valeurs. Abdellatif Kechiche signe sans doute ici son plus beau film.