Last Night in Soho : Edgar Wright a-t-il réussi son film d’horreur rétro ? Critique
Le 28/04/2023 à 15:05Par Pierre Champleboux
Actuellement disponible sur Netflix.
Critique publiée le 27 octobre 2021 pour la sortie au cinéma
Eloïse Turner (Thomasin McKenzie) est une jeune femme aspirant à devenir créatrice de mode qui décide de quitter sa douce campagne natale pour vivre son rêve à Londres. Bien qu’étant avertie par sa grand-mère des dangers et des désillusions que peut lui réserver la capitale britannique, Eloïse, portée par son insouciance et son envie de s’émanciper, va rapidement déchanter et découvrir que tout n’est effectivement pas aussi rose qu’elle se l’était imaginé.
C’est en emménageant dans une petite chambre éclairée par les néons de Soho que la jeune femme va se retrouver confrontée malgré elle à toute la noirceur de la grande ville. Depuis son lit, Eloïse suit chaque nuit le parcours de Sandie (Anya Taylor-Joy), une jeune femme qui, comme elle, a décidé jadis de tout quitter pour tenter de réaliser ses rêves coûte que coûte dans la cohue de Soho.
Car ces visions de Sandie prennent place quelques 60 années plus tôt, et si Eloïse est d’abord chavirée et enivrée par le charme des sixties, elle se retrouve bientôt submergée par les sinistres désillusions de Sandie, qui, peu à peu, découvre au contact du séduisant Jack (Matt Smith) que le rêve peut bien vite se changer en cauchemar.
Chaque jour, les visions de Sandie envahissent un peu plus le quotidien d’Eloïse, qui a de plus en plus de mal à vivre sa propre vie et devient obsédée par le destin de celle qu’elle voit dans ses rêves et dont les désillusions reflètent les siennes. Et comme si tout ça n’était pas assez déroutant, des silhouettes fantomatiques commencent à se manifester avec une intensité grimpante, plongeant progressivement la jeune femme dans un cauchemar étouffant qui menace de la faire basculer dans la folie.
Co-écrit avec Krysry Wilson-Cairns (à l’œuvre sur l’excellent 1917) Last Night in Soho propose un spectacle soigné, habité et indéniablement stylé, qui s’efforce de rendre hommage aux meilleurs thrillers psychologiques des temps passés. Mais c’est de cette volonté de singer le cinéma des temps passés que viennent aussi les défauts de Last Night in Soho.
Époustouflant visuellement, le film d’Edgar Wright laisse un sentiment de déjà vu et peine à surprendre. L’hommage est certes réussi, mais on aurait préféré que les divers influences auxquelles le réalisateur a fait appel soient mieux digérées et transcendées pour offrir quelque chose d’inédit, comme il l’avait fait avec les films de Romero à travers son Shaun of the Dead.
Divertissant, flippant, et incroyablement bien filmé, Last Night in Soho se présente comme une authentique lettre d’amour de son réalisateur au glamour et à la noirceur des sixties et du Londres de l’époque.
Presque trop bon élève, presque trop respectueux de ses classiques, Edgar Wright rate l’occasion de signer un film inoubliable qu’il se serait davantage approprié, mais nous plonge pour notre plus grand plaisir dans un agréable train fantôme haut de gamme, porté par une bande originale qui retranscrit admirablement l’ivresse des années 60. Un film d’horreur classieux mais un peu trop classique à côté duquel il serait néanmoins dommage de passer.