Le Chat du Rabbin
Le 29/05/2011 à 20:33Par Aurélie Vautrin
Il y a quatre ans (déjà), Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud bousculaient les idées établies avec Persepolis, l'adaptation en long-métrage de leur bande-dessinée ô combien biographique. Aujourd'hui c'est au tour de Joann Sfarr, autre symbole de cette nouvelle génération de BD à la française, de passer à la moulinette du cinéma... Tout en gardant, lui aussi, son éthique et son style ô combien audacieux. Ainsi, le petit Chat n'a toujours pas sa langue dans sa poche, les dialogues sont toujours aussi piquants et les dessins bourrés d'un charme à l'ancienne qui flatte la rétine. Plus qu'un dessin animé, Le Chat du Rabbin est une bande-dessinée animée, une sorte de mélange entre 2D et 3D, de relief et de dessin traditionnel à l'ancienne, à la plume et l'encre de chine. Beaucoup plus proche d'un Azur et Asmar que d'un Toy Story, les environnements sont très détaillés, très colorés, très chauds également, avec en prime une impression de profondeur par étape rendue par une 3D assez douce, qui vient donner un peu de modernité à des dessins rétro à la Sylvain Chomet. Si la forme titille les yeux, le fond s'avère tout aussi fabuleux.
Car à la suite de ce chat athée qui souhaite faire sa Bar-Mitsva pour plaire à sa jolie maîtresse, on part à la recherche de réponses dans les rues d'Alger et le désert africain, sur Dieu, la religion, la vie, les écrits et Adam et Eve, sur ce qu'implique le fait de croire, et même sur une Cité Interdite où les hommes vivent en paix dans la plus grande des tolérances. Un rêve utopique dans lequel on se plonge à corps perdu, tant les dialogues sont savoureux, l'humour ravageur et le propos intelligent. Car l'Algérie d'avant-guerre dans lequel évolue notre héros à quatre pattes, c'est la France multicolore et multiculturelle d'aujourd'hui. Les questions sont les mêmes, les préjugés et les rejets au nom d'une idée reçue aussi. Mais loin d'un pamphlet religieux teinté de prosélytisme, Le Chat du Rabbin se joue des sujets graves avec une modernité profonde, résolument ancrée dans les interrogations politiques actuelles. Ici, pas de blasphème, pas de rejet du culte : en s'intéressant aux enfants d'Abraham, Joann Sfar tente de dédramatiser les conflits à sa façon. Un juif et un musulman voyagent ensemble en cherchant des réponses aux mêmes questions, croisent des extrémistes, des tolérants étroits d'esprits et des princes accros à la violence et au sang. Mais avec ses mots, ses images et son style, Joan Sfar nous dit simplement qu'il faut aimer son prochain, quelque ce soit des croyances, sa couleur de peau ou son pays d'origine... Et que, d'une certaine manière, la bêtise humaine n'a pas de limites. Chacun en prend pour son grade – même la BD en tant que telle, avec un sacré clin d'oeil à ronronner de plaisir.
Après neuf ans d'existence dans les rayons BD, Le Chat du Rabbin prend donc vie d'une manière tout à fait merveilleuse au cinéma : celle d'une fable multicolore, universelle et qui force la réflexion sur soi et les autres, porté par le son enivrant des darbouka.
Première publication de la critique du Chat du Rabbin le 27 avril 2011.
MAKING OF DU CHAT DU RABBIN