Le Dernier Maître de l'air
Le 29/07/2010 à 18:02Par Arnaud Mangin
CRITIQUE POUR : 13/20
Par Kevin Prin
Haï, détesté, conspué, insulté, Le Dernier maître de l'air ne mérite évidemment pas le triste sort qui lui est réservé. Certes, ses défauts sont très importants, à savoir son casting à 90% à côté de la plaque et son script boiteux, parfois pénible, enchaînant les explications de texte, les allers-retours incessants, et des ruptures de rythme incompréhensibles. Fatals pour n'importe quelle grosse production américaine, ces points sont contrebalancés par le réalisateur, M. Night Shyamalan, qui a conservé toute sa foi pour son baptème du feu en matière de blockbuster, réussissant ici à insuffler une vie à son film, un souffle dans la réalisation lui permettant même d'y insérer sa patte. Le résultat donne un blockbuster un peu vain, mais beau, parfois atmosphérique et dévoilant une nouvelle direction que pourrait prendre son metteur en scène.
CRITIQUE CONTRE : 7/20
Par Arnaud Mangin
Pavé d'intentions louables, dont celle -très respectable - de changer de registre pour son réalisateur, Le Dernier Maître de l'air est malheureusement un film objectivement raté. Si l'on excepte une mise en image particulièrement soignée, surtout dans ses combats, le nouveau film de M. Night Shyamalan se suit péniblement et affiche un manque de style et de vie trop édifiante pour susciter le moindre plaisir. En s'essayant à quelque chose de nouveau, le cinéaste s'en embarqué dans une aventure plus grande que ses propres limites. Le dernier courant d'air du maître...
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CRITIQUE POUR
Par Kevin Prin
M. Night Shyamalan, réalisateur de films ambitieux certes mais qui ne rentraient pas dans la catégorie des "grosses productions de l'été" et des contraintes qu'elles engendrent, se lance dans un blockbuster. De quoi engendrer quelques craintes, à commencer par le risque qu'il y laisse des plumes en perdant par exemple tout son style entre deux effets spéciaux ou qu'il s'abandonne en simple faiseur. Evidemment les (très nombreux) détracteurs de Shyamalan balayeront ces craintes terre à terre par d'autres, plus faciles à répéter, se demandant s'il va nous proposer un récit et des personnages aussi tartes que dans Phénomènes, une remise en question face caméra comme dans La Jeune fille de l'eau ou un récit raconté avec de gros souliers comme dans Le Village. Evidemment, c'est faire fi d'un élément primordial : qu'on l'aime ou non, M. Night Shyamalan est sans conteste l'un des réalisateurs les plus doués de sa génération, sachant parfaitement mettre en place une ambiance et, par exemple, foutre la pétoche à l'écran avec un élément invisible comme le vent. Combien de metteurs en scène peuvent aujourd'hui se venter d'un tel exploit ? D'autant plus que chez Shyamalan, il ne s'agit pas de cas isolés : absolument tous ses films depuis Sixième sens contiennent à de multiples reprises des éléments aussi fulgurants.
Alors bien sûr, lorsqu'un auteur comme Shyamalan se tourne vers les blockbusters, on ne peut que prendre peur, les exemples de cinéastes prometteurs se cassant violemment les dents à cet exercice étant nombreux, l'un des plus récents, Gavin Hood (My name is Tsotsi), nous ayant carrément livré en 2009 un Wolverine proche de l'incident industriel à tous les niveaux. Mais non, M. Night Shyamalan est un dur et n'a pas perdu son identité avec Le Dernier maître de l'air, bien au contraire ! Là où il rencontre des difficultés demeurerait justement dans sa capacité d'adaptation à son sujet (un blockbuster censé aller à 200 à l'heure) ou à sa cible, les enfants. Des problèmes synthétisés par un script totalement bancal, très mal narré, où il est difficile de comprendre ce qui se passe réellement et même de s'intéresser à cette histoire ressemblant plus à un mauvais prétexte qu'à autre chose. Un défaut accompagné en plus d'un casting composé à 90% de têtes à claques jamais crédibles dans leurs rôles, à commencer par les héros principaux dont le fameux dernier maître de l'air, tout droit sorti d'un mauvais sitcom américain.
Le Dernier maître de l'air accumule donc les tares. Et pourtant s'en sort ! Pourquoi ? Simplement parce que le réalisateur derrière la caméra est un metteur en scène hors pair qui a su apprivoiser les autres ingrédients des blockbusters, à commencer par leur ampleur visuelle en utilisant les sfx pour créer un monde et prendre son temps pour le filmer, et ensuite leurs possibilités logistiques en enchaînant les combats en plans séquence ou du moins peu découpés pour un maximum de clarté et d'implication dans l'action. Des ambitions, des résultats parfois excellents, parfois moins, et une fascination du réalisateur pour son sujet, une naïveté affichée bien propre à lui, assurent au Dernier maître de l'air d'enchaîner tout son long (et même crescendo) des scènes dont on retire forcément quelque chose. Certes il s'agit du film le plus mineur de Shyamalan depuis Sixième Sens, mais par ces aspects, Le Dernier maître de l'air demeure un blockbuster qui en a dans le ventre et qui a des choses à proposer à l'écran. Combien de ses homologues peuvent se venter de telles qualités, surtout en ce moment ?
CRITIQUE CONTRE
Par Arnaud Mangin
Seuls quelques comparatifs hasardeux permettront de comprendre le ressenti extrêmement pesant que constitue le visionnage du dernier Shyamalan. Imaginez-vous devant un match de boxe. Un vrai match, un truc costaud, du genre George Foreman contre Mohamed Ali, durant lequel les deux adversaires expliqueraient, avant chaque coup, pourquoi ils vont frapper et quel est le sens profond de l'uppercut en question. C'est un peu ça Le Dernier Maître de l'air, un parti pris chargé de spiritualité jusqu'à l'excès qu'il en étouffe mortellement son statut de divertissement populaire à grand spectacle et féérique. D'autant plus qu'ayant le fondement entre deux chaises, le réalisateur tente de garder à l'esprit qu'il s'adresse aux plus petits et peinturlure des esquisses pachydermiques des codes enfantins. Trop lourd pour divertir, trop bêtifiant pour être accepté au premier degré. En un mot comme en cent : M. Night Shyamalan était tout sauf le l'homme de la situation, effleurant l'entreprise du bout des doigts là où il aurait fallu s'en emparer à bras le corps ! Un cartoon live sans énergie, c'est déprimant... On ne part à l'assaut d'un champ de bataille la fleur au fusil, quand on n'a pas la hargne suffisante pour rentrer dans le tas.
Le Dernier Maître de l'air, ça parle donc d'un monde régit par quatre nations dont les emblèmes respectifs sont ceux des éléments naturels. A savoir l'air, l'eau, la terre et le feu. Et la cohabitation n'est pas des plus idylliques puisque côté feu, on est très méchant et on veut régner sur les autres coins du globe. On arrive, on fait du bruit, on sert les poings avec la grosse musique qui va bien. Des méchants très méchants, même, puisqu'ils ont la peau sombre, habillés en noir, naviguant sur des gros bateaux avec une fumée dégueulasse et dirigés par un jeune prince un peu rebelle depuis qu'il a gagné des millions de roupies chez Danny Boyle. Mais pour empêcher le chaos, il y a l'Avatar (d'où le titre de la série animée dont le film s'inspire), un petit bonhomme qui a le contrôle de l'air - le dernier, donc - et qui peut faire des prouesses avec en dansant la Macarena au ralenti. En effet l'air est l'élément le plus puissant (puisqu'après tout, il y a bien du Co² dans les autres), ce qui fait bien évidemment de lui la cible première des antagonistes de l'histoire. Mais pour les vaincre, il doit apprendre à manipuler les autres éléments en parcourant la planète sur le dos de son bison-loutre volant...
Evidemment, raconté comme ça, Le Dernier Maître de l'air, c'est plutôt funky et annonce volontiers de l'entertainement familial pur jus sauf que comme évoqué plus haut, malgré son immense talent, M. Night Shyamalan n'est définitivement pas un touche-à-tout de génie. En gros, contrairement à ce qu'il revendique, il n'est ni Steven Spielberg, ni Alfred Hitchcock... Dans le cas présent, juste un touriste qui tente un pari plutôt audacieux. On peut lui reconnaitre ça. A la tête d'une entreprise colossale (150 millions de dollars, multiplié par deux si l'on inclut la promotion), le réalisateur change de registre mais pas de méthode. Si l'on a toujours su apprécier sa grande sobriété, il faut parfois se shooter au Guronsan sans vergogne pour gravir des montagnes. Dès les premières minutes on se rend compte que poser une ambiance, dépeindre une atmosphère (qui fonctionnait à merveille dans Signes, Incassable, Le Village et même le mal aimé Phénomènes) n'a strictement rien à voir avec la narration d'une grande épopée d'aventure. Chose qu'il applique pourtant, au détriment d'une narration qui manque de vie et de souffle, ne décollant jamais et enchainant les séquences comme des bulletins d'infos (les gentils sont ici, les méchants arrivent par là) sans prendre le soin de dresser des portraits ou même de simuler des transitions élégantes...
C'est bien là le problème essentiel du film, qui devient vite tout bonnement insupportable à suivre. Il s'agit d'une œuvre totalement morcelée, targuée d'une histoire riche mais même pas racontée, parce que Shyamalan retrouve des tics qui ont paradoxalement fait son succès : Il limite les éléments de l'intrigue à leur simple évocation (le grand entrainement dont le héros a besoin n'est dévoilée qu'une dizaine de secondes), piégé par sa suprématie du suggestif au détriment du démonstratif. Une manœuvre qui estompe le simple plaisir de visionnage instantanément (parce que c'est raté dès le début) et qui ne parvient surtout pas à rendre attrayante une imagerie pourtant parfois somptueuse. Le bonhomme sait remplir son cadre, c'est un fait. Les plans, les images, prises indépendamment du contexte sont un véritable émerveillement visuel mais n'arrivent malheureusement pas à exister, tuées dans l'œuf par un rythme assommant, un scénario inexistant et surtout une direction d'acteurs franchement à côté de ses pompes. Un comble de la part de celui qui savait raconter des histoires comme personne et qui faisait exister ses personnages (ou mieux, des enfants) avec maestria...
Un gâchis, une erreur d'orientation, du temps perdu... Du vent !
Première publication : 06/07/2010