Le Jardin des Finzi-Contini
Le 03/10/2007 à 16:00Par Sabrina Piazzi
Si Le Jardin des Finzi-Contini parait aujourd'hui un peu daté dans sa réalisation (des zooms agaçants) et légèrement froid dans sa forme, le film reste l'un des plus marquants de la filmographie de Vittorio De Sica puisqu'il aborde de front la montée des répressions fascistes en Italie à l'heure où la Seconde Guerre Mondiale s'apprête à éclater. Un film délicat dont les scènes finales, brutales et d'une rare intensité, vous glaceront le sang.
Le réalisateur du Voleur de bicyclette adapte avec l'aide de son fidèle complice au scénario, Cesare Zavattini, l'oeuvre la plus traduite de l'écrivain Giorgio Bassani et dont l'histoire se déroule à Ferrare, ville du centre Nord de l'Italie où l'auteur a passé toute sa jeunesse.
Le film traite des bouleversements politiques et de la montée des répressions fascistes en Italie à l'aube de la Seconde Guerre Mondiale. La petite bourgeoisie israélite côtoie la grande dans ce jardin des Finzi-Contini, une grande famille juive issue de l'aristocratie, sorte de jardin d'Eden où la jeunesse estudiantine se retrouve pour s'amuser et jouer au tennis, discuter ou tout simplement flirter. Micol (Dominique Sanda toute en grâce), la fille des Finzi Contini, attise les regards de plusieurs hommes : celui de Giorgio qui est amoureux d'elle, du viril Malnate (Fabio Testi) mais aussi de son frère Alberto (Helmut Berger) qui entretient une relation trouble avec elle.
Au sein de cette vaste demeure, l'atmosphère y est calme et joviale alors que derrière les murs de l'enclos, l'agitation grandit et l'antisémitisme s'amplifie. Nous sommes en 1938. Le mouvement fasciste s'est radicalisé et les juifs voient leurs droits se restreindre. Giorgio se voit par exemple interdire l'accès à la bibliothèque. Ce personnage est certainement le plus lucide et clairvoyant du film ce qui lui vaut des affrontements d'ordres politiques avec un père (Romolo Valli) qu'il ne comprend pas, ce dernier ayant des sympathies fascistes. Giorgio se raccroche à Micol, trouble et insaisissable, qui finira par le rejeter totalement certainement pour mieux le protéger.
Si l'histoire met du temps à se développer insistant un peu trop sur l'idée du Jardin d'Eden peuplé d'anges blonds vêtus de blanc, le film parvient avec justesse à refléter la réalité de l'époque lorsqu'il retranscrit la brutalité imminente et la découverte (surtout pour Giorgio) de ce qui se trame à l'extérieur (les films de propagande projetés dans les cinémas, les rassemblements fascistes dans les rues de la ville). L'étau de l'antisémitisme se resserre progressivement jusqu'aux premières arrestations auxquelles ne réchappera pas la famille Finzi-Contini. Les dernières scènes sont à ce titre particulièrement déchirantes car elles contrastent avec les scènes de début et milieu de film, lorsque les personnages sont peu soucieux des menaces qui pèsent sur eux. A la fin du film, le père de Giorgio s'interroge encore sur les portées de ces (son) arrestations. Que vont-ils devenir ?
La caméra de De Sica scrute avec émotion les visages et les regards de ces victimes encore incrédules quant au sort qui leur sera réservé. On se souviendra encore longtemps de ces dernières images montrant toute la résignation des personnages.
Le grand Vittorio De Sica a été justement récompensé de l'Ours d'Or au festival de Berlin en 1971 et de l'Oscar du meilleur film étranger en 1972 pour cette œuvre puissante et mélancolique.