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Le Traquenard

Le 05/12/2007 à 13:54
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Notre avis
8 10 Après s'être fait la main sur différents courts métrages et documentaires, Hiroshi Teshigahara se lance dans le long métrage avec Le Traquenard, une oeuvre où toutes les influences du cinéaste transpirent à chaque image. Au croisement de la satire sociale et politique que l'on trouve chez les surréalistes, Buñuel en tête, du cinéma sensitif proche d'un Antonioni ou d'un Resnais, de la tragédie de l'absurde de Kafka et des délires de Lewis Caroll, Le Traquenard est un premier film singulier et maîtrisé comme rarement le cinéma nous aura offert.

Critique Le Traquenard

Otsuka, un mineur sans abri et son jeune fils errent pour trouver du travail. Au cours de leur voyage, ils sont photographiés de loin par un mystérieux homme vêtu de blanc. Le mineur arrive dans un village fantôme, abandonné depuis la fermeture de la mine, où demeure la propriétaire d’un magasin de confiseries qui attend des nouvelles de son fiancé...

 

En installant son histoire au sein de l'industrie du charbon en pleine déliquescence, Teshigahara nous offre une radiographie de ces mineurs auxquels il ne reste rien, et qui, pris entre deux feux avec les patrons d'un côté et les syndicats de l'autre, triment toute la journée pour un salaire de misère. Dans le désir de l'auteur de filmer les injustices et la corruption, on sent réellement l'influence du documentariste Fumio Kamei que Teshigahara a assisté à ses débuts sur Ikite ite yokatta/Still its good to Live (1956) et sur Sekai wa kyofu suru/The World is terrified l'année suivante. Cependant, le cinéaste se distingue de son mentor par ses aspirations à conter une histoire à la lisière de la réalité. En effet, Teshigahara fera assassiner son personnage principal et le fera revenir à la vie sous forme de fantôme errant incapable de communiquer avec le monde des vivants. On pense ainsi d'emblée à Buñuel, cinéaste qui savait élégamment jongler avec des éléments provenant aussi bien du cinéma fantastique que d'un cinéma réaliste. Le cinéaste japonais se déclare d'ailleurs grand admirateur de Los Olvidados, ce qui ne nous étonnera guère à la vision du Traquenard.


Critique Critique Le Traquenard

Renvoyé du parti communiste quelques années avant la sortie du film, Abe Kobo prend ici sa revanche en y présentant à travers les guerres intestines du syndicat minier clairement les affrontements entre les différents courants de gauche pendant les années 60. En cela, Le Traquenard s'approche d'un autre cinéaste à la frontière du social et de l'avant-garde, Nagisa Oshima et plus précisément Nuit et Brouillard au Japon.

Même si Teshigahara s'intéresse énormément à la mise en scène de ses films, au point d'en faire de véritables expériences visuelles et sonores, il ne délaisse en aucun cas ses acteurs.Hisashi Igawa se défend bien dans le rôle du mineur fantôme, mais Kunie Tanaka, malheureusement peu connu en Occident et qui joue ici l'assassin, lui vole la vedette en nous offrant une prestation des plus inquiétantes.

 

Le Traquenard signe le début d'une fructueuse collaboration du cinéaste avec le romancier Abe Kobo et avec le compositeur avant-gardiste Toru Takemitsu. Une collaboration qui en trois films ne fera qu'aller plus loin dans une expérimentation formelle et narrative audacieuse et risquée.
Un premier film majeur qui révèle un cinéaste à l'univers sibyllin et sophistiqué.






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