Les 47 Ronins
Le 13/12/2007 à 09:40Par Yann Rutledge
Véritable mythe fondamental de l'histoire et de la culture nippone, l'histoire des 47 Ronins s'appuie pourtant sur des événements historiques avérés qui se sont déroulés sous l'ère Edo (de 1701 à 1703 plus précisèment) et qui ont vu 46 samouraïs se faire seppuku après avoir vengé l'honneur de leur défunt maître injustement déchu, le 47ème vassal restant en vie pour raconter leur histoire.
De par les valeurs indirectement promues par ces samouraïs, les codes du bushido en tête, et par cette incroyable force de volonté qui les a animé (près de deux ans se sont écoulées entre le suicide de leur maître et leur vengeance), le monde des arts (peinture, théâtre, littérature, cinéma...) fasciné a très rapidement repris leur aventure pour concevoir des oeuvres fortes auquel les spectateurs s'identiferont rapidement.
On ne compte plus aujourd'hui le nombre d'adaptations sur les écrans de cette histoire, l'industrie cinématographique japonaise produisant à peu de chose près une adaptation tous les deux ans et ce depuis près d'un siècle. Malgré tout, elles restent à chaque fois populaires, les Japonais ne se lassant pas de cette quasi-légende. On dit même que si un studio éprouve quelques difficultés financières, il lui suffit de lancer une adaptation des 47 Ronins pour se refaire, le succès public étant acquis.
1941, le Japon est en pleine guerre. Le gouvernement cherche par dessus tout à redonner du baume au coeur aux populations restées au pays et qui attendent fébrilement leurs fils partis au front. Le Comité de Censure donne le feu vert au lancement d'une nouvelle adaptation des 47 Ronins en espérant ainsi obtenir un film de propagande à la gloire de l'Empereur Hiro-Hito. La Shochiko engage alors le jeune Kenji Mizoguchi, récent réalisateur de deux films de commande patriotiques Ah ! Le Pays Natal et Le Chant de la caserne, et lui laisse carte blanche pour mettre en scène cette ôde à l'Empereur.
Cependant, pas très à l'aise avec les séquences épiques, le futur réalisateur de L'Intendant Sansho opte pour l'adaptation de la pièce Genroku Chushingura de Mayama Seika qui à l'inverse des précédentes relectures à grand spectacle de la légende s'intéresse plus à l'affliction intérieure qu'éprouve ses personnages. De même, fidèle à sa thématique sur la condition de la femme au coeur de la société nippone misogyne, Mizoguchi introduit quelques personnages féminins dans ce récit profondément masculin. A la fin de la seconde partie, Mizoguchi ira même jusqu'à occulter le suicide des 47 ronins au profit de celui d'une de ces femmes.
Tous les passages obligés de l'histoire sont ici délibérément cachés par Mizoguchi qui préfère s'axer sur l'individu et ses tourments intérieurs plutôt que sur les scènes de groupes, en particulier les scènes d'action. Passionnant dans son propos, Les 47 Ronins possède les mêmes défauts que tout autre film de Kenji Mizoguchi : probablement trop littéraires, ses récits ne sont pas assez visiblement marqués par son point du vue. Les 47 Ronins ne déroge pas à ce constat et malgré de nombreux extraordinaires mouvements de caméra et une composition savante du cadre, le spectateur d'aujourd'hui préfèra sans doute une version de la légende plus rythmée.