Les Femmes de l'ombre
Le 24/02/2008 à 15:05Par Michèle Bori
Avec des « si », on mettrait Paris en bouteille. Avec des « si », Les Femmes de l'ombre aurait pu être un grand et beau film d'aventure, mêlant drame, trahison, sacrifice et espionnage dans la pure tradition du film de guerre. Hélas, le nouveau film de Jean Paul Salomé n'est au final qu'un énorme gâchis. On lui souhaite pourtant un succès populaire, juste pour éviter que nos amis les financiers du 7e Art n'en viennent à penser que le public français n'aime pas les films de guerre et à stopper sur le champ toutes productions de ce genre pour les quinze prochaines années. Car si ce devait être le cas, L'Ennemi Intime de Florent Siri n'aurait alors été qu'un coup de bâton dans l'eau.
Aujourd'hui encore, la question reste entière. Que s'est il passé entre la sortie de Restons Groupés et le tournage de Belphégor pour que Jean Paul Salomé ait gagné son étiquette de « réalisateur de films à gros budget » ? Car si ses deux premiers films (Les Braqueuses en 1993 et Restons Groupés) étaient d'honorables petites comédies, rien ne laissait présager des cataclysmes cinématographiques qu'allaient être Belphégor et Arsène Lupin. Des films chers (16 millions pour le premier, 22 pour le deuxième) dont les seules qualités furent de posséder des titres faisant appel à l'imaginaire collectif. Il faut le souligner : aujourd'hui, Salomé prend un risque en sortant Les Femmes de l'ombre. Un risque oui, car si le réalisateur pouvait compter sur l'attrait du public pour les mythes hexagonaux pour attirer les foules dans les salles (presque 3,2 millions de spectateurs entre Belphégor et Arsène Lupin), il en va autrement avec son nouveau bébé, qui ne contient pas de grande figure de la littérature française dans son histoire. Un mal pour un bien ?
Hélas non, un mal pour un mal. Car s'il est indéniable que le film dispose de grandes qualités, parmi lesquelles des moments poignants, des personnages intéressants, un travail de reconstitution des décors assez impressionnant et une construction narrative classique mais bien ficelée, force est de constater que toutes ces qualités sont désamorcées une par une par la réalisation de Salomé, constamment à côté de la plaque dès qu'il s'agit de faire passer un brin d'émotion à travers ses plans. Dès lors, chaque rebondissement semble arriver comme un cheveu sur la soupe, chaque scène semble devenir inutile à l'histoire, chaque ligne de dialogue semble risible et malvenue, le tout plongeant le spectateur dans un ennui profond que même les rares scènes d'action ne parviennent pas troubler. De plus, si l'on pourrait pardonner au réalisateur de ne pas savoir tenir une caméra (on n'espérait plus rien de ce côté-là après avoir vu Belphégor), il parait indéfendable que sa direction d'acteurs ne soit pas à la hauteur du sujet qu'il ambitionne. Lorsqu'on dispose d'une telle base de scénario et de tels personnages, laisser ses comédiens en roues libres faire ce que bon leur semble (décrédibilisant par la même n'importe quelle ligne de dialogue, du simple «bonjour » au plus long des monologues) est à la limite de la faute professionnelle. Deborah François (L'Enfant, La Tourneuse de Pages), Marie Gillain, Julien Boisselier ou encore l'international Moritz Bleitreu (Munich, L'Expérience) ont prouvé par le passé qu'ils étaient capables de grandes prouesses d'acteurs. Pourquoi donnent-ils l'impression dans ce film-là de sortir d'une sitcom AB ? La réponse est malheureusement évidente, et Salomé a vraiment sa part de responsabilité dans l'histoire. On suppose que le départ en plein tournage de Laura Smet a dû joué en défaveur du film, obligeant l'équipe à refaire de nombreuses prises et peut-être à réécrire des scènes. Malheureusement pour les Femmes de l'ombre, on juge un film sur ce qu'il est, pas sur ce qu'il aurait pu être.