Les Lyonnais
Le 17/11/2011 à 09:00Par Michèle Bori
On attendant beaucoup des Lyonnais. Peut-être trop. Au fond, on espérait voir un Parrain made in France. Il faudra se "contenter" d'un bon film de gangsters, très sombre, superbement interprété et qui confirme qu'Olivier Marchal sait créer des personnages iconiques comme personne en France. Et quoi qu'on en dise, entre Gangsters, 36, MR-73 et ce film, Marchal a su créer une saga "flics & voyous" très cohérente, qui a sa place dans l'histoire du polar français. Découvrez ci-dessous Les Lyonnais : la critique !
Les Lyonnais : Critique
On savait Olivier Marchal amoureux de l’univers des flics. Il fût donc assez surprenant de découvrir qu’après trois films (Gangsters, 36 quai des Orfèvres et MR-73) et une série télé (Braquo) sur le sujet, le condé préféré des français a fait le choix de laisser les chats de côté pour s’intéresser aux souris. Pourquoi pas après tout, puisque les flics sont souvent les premiers spectateurs des agissements des truands et parfois même leurs premiers "admirateurs", voir Marchal faire un film sur une crapule faisait sens. Avec Les Lyonnais, il profite de la vague des films sur le grand banditisme (le diptyque Mesrine, Les liens du sang, Sans arme ni haine ni violence, Le dernier gang …) pour mettre en boite une libre adaptation de l’histoire d’Edmond Vidal, leader du gang des Lyonnais qui fit des ravages au début des années 70. La question que l’on se posait alors était de savoir quel regard l’ancien policier porterait-il sur ce voyou ? Serait-il procureur ou avocat ? Dédaigneux ou admiratif ? Resterait-il dans la neutralité, évoquant les péchés sans pour autant les juger … Au-delà de ces questions qui suscitaient forcément le questionnement, on espérait surtout que Marchal parvienne à nous rendre le monde de ceux qui se moquent des lois aussi poignant que celui de ceux qui les appliquent. Que l’histoire de son Vidal soit aussi belle que celle de son Louis Schneider, le héros torturé de cet MR-73 qui nous avait retourné l’estomac par sa noirceur extrême. Si ce pari là était réussi, Les Lyonnais se poserait donc en antithèse parfaite aux précédents films de Marchal, créant ainsi à travers sa filmo un panorama limpide du monde des flics et des voyous en France. Un pari osé. Un pari réussi … en partie.
Marchal ne s’est jamais privé pour donner des (grosses) parts d’ombre à des personnages censés être du bon côté de la barrière, parvenant par là-même à créer des figures claires-obscures aussi fascinantes que touchantes. De la même manière, il nous dresse ici un portrait de voyous qui, même s’ils naviguent en sous-marin sous les règles établies par la justice, se font un point d’honneur à vivre selon des codes qui leur sont propres. De cette moralité dans un monde immoral née l’empathie que l’on aura pour Vidal et ses comparses. Et si la figure du voyou droit dans ses pompes est connue de tous (Melville, Woo et quelques autres sont passés par là avant Marchal), elle fonctionne toujours aussi bien. D’autant que le casting des « méchants » du film (Gérard Lanvin, Tchéky Karyo, Lionnel Astier, Daniel Duval … soit le best-of ultime des gueules de notre PAF) donne naissance à une bande au capital sympathie énorme. On n’ira pas jusqu’à dire que, de par ce casting, Les Lyonnais c’est le Expendables made in France, mais on le pensera très fort. A la manière du film de Stallone, la présence à l’écran de la "team Vidal" sera souvent synonyme de très bon moment. Et ce, malgré la violence générale qui se dégage du film. Car sans être aussi radical que MR-73, Les Lyonnais s’avère par instant très sombre et même parfois franchement glauque. L’ambiance lourde est posée. Les personnages sont, comme souvent chez Marchal, ultra charismatiques. Ne restait plus qu’à savoir si l’histoire dans sa globalité tiendrait la route. Hélas, c’est sur ce point-là que Les Lyonnais trouve son talon d’Achille.
En voulant raconter à la fois la naissance d’une association de malfaiteurs dans les années 60, son ascension, sa chute en plus d’une trame contemporaine "fil rouge" censée résonner comme un épilogue à cette aventure humaine, Marchal a visé très haut en termes de narration. Trop haut peut-être. Il en résulte une bobine au rythme étrange, montée parfois comme une très longue bande-annonce, où la trame principale se voit constamment ponctuée de flash-back qui auraient mérités à eux seuls un film entier ! En y regardant de plus près, on pourrait dire que le problème des Lyonnais est qu’il tente de "condenser" des enjeux psychologiques et dramaturgiques similaires à ceux de Michael et Vito Corleone dans Le Parrain 2 (pour ne citer que la plus évidente des références) dans un même film. Un pari suicidaire, puisqu’il est inenvisageable de penser que la connivence personnage-spectateur sera la même dans un film de moins de deux heures que dans un de plus de trois heures, une suite qui plus est. Dès lors, même si la magie se créée par instant (le face à face Vidal-Bastiani autour d’une entrecôte est peut-être l’une des scènes de l’année), on sortira du film un peu frustrés de ne pas avoir assisté à ce qui aurait pu être une belle saga sur une figure emblématique de la pègre. Peut-être n’y avait-il pas la place, tout simplement …