Loin de la terre brûlée
Le 11/03/2009 à 15:14Par Elodie Leroy
Navigant avec fluidité entre le passé et le présent, Loin de la Terre Brûlée possède à la fois les défauts et les qualités d'un premier film, à savoir quelques imperfections dans la gestion du rythme mais une véritable humilité dans le traitement des personnages. Ebauchant avec humanisme deux portraits de femmes tourmentées, Guillermo Arriega offre de superbes rôles à des comédiennes habitées (Charlize Theron, Kim Basinger, Jennifer Lawrence), conférant au film une véritable profondeur en dépit de ses quelques maladresses.
Collaborateur privilégié d'Alejandro González Inárritu, puisqu'on lui doit les scénarios brillants d'Amour Chiennes, 21 Grammes et Babel, Guillermo Arriaga se lance enfin dans la réalisation avec Loin de la Terre Brûlée. Le cinéaste mexicain met ses talents d'écriture au service de son premier long métrage, destins croisés d'une mère et de sa fille à trois moments différents de la vie de cette dernière. Dès les premières images qui font apparaître successivement la caravane brûlée en plein désert mexicain et la détresse visible de Sylvia (Charlize Theron) une quinzaine d'années plus tard, Arriaga insuffle à son film une couleur tragique. On comprend immédiatement que la "terre brûlée" citée dans le titre ne désigne pas uniquement l'accident mystérieux survenu pendant l'adolescence de Sylvia et qui a coûté la vie à sa mère (Kim Basinger), mais aussi les démons du passé que la jeune femme tente désespérément de fuir. Loin de la Terre Brûlée est l'histoire d'un traumatisme, ce lac sombre dont les fantômes finissent toujours par émerger à la surface pour réclamer réparation. C'est aussi l'histoire de deux femmes tourmentées dont les destinées vont se heurter et trouver une étrange résonance à travers le temps.
Si Guillermo Arriaga ne possède pas encore la maîtrise narrative et formelle d'Inárritu, le montage péchant par quelques légères baisses de rythme ça et là, Loin de la Terre Brûlée n'en possède pas moins toute la profondeur que l'on était en droit d'attendre au vu de ses ambitions. Le cinéaste reprend les thématiques de la culpabilité et du pardon qui lui sont chères, réunissant les pièces de son puzzle pour former un tout d'une grande cohérence émotionnelle, servi par une bande son ambiante. Loin de la Terre Brûlée ébauche les portraits de deux femmes tout en nuance, émouvantes dans leur détresse comme dans leurs poussées d'égoïsme. Interprétée avec une sensibilité à fleur de peau par Kim Basinger, le personnage de Gina s'avère être l'une des meilleures surprises du film. Arriaga porte à ce titre un regard sur l'adultère qu'il est rare de retrouver au cinéma : en adoptant le point de vue de celle qui trahit sa famille pour retrouver le goût de vivre, le film dépeint le déchirement de Gina avec un humanisme et une humilité dénués de tout discours moralisateur, sans pour autant négliger les sentiments de ceux qui en subissent les conséquences. Révélation du film, la jeune comédienne Jennifer Lawrence incarne Mariana avec une étonnante intensité, dans ses échanges accusateurs avec Gina comme dans sa romance ambiguë avec Santiago (J.D. Prado, formidable). Quant à Charlize Theron, elle retrouve enfin un rôle à sa mesure et habite littéralement le film, le regard pénétré par la douleur de son personnage. Avec Loin de la Terre Brûlée, Guillermo Arriaga n'atteint certes pas la perfection mais offre trois superbes rôles à des comédiennes qui n'en méritaient pas moins.