Melancholia
Le 07/08/2011 à 17:36Par Matthieu Morandeau
Très attendu lors du festival de Cannes, Melancholia n'est pas un grand film de Lars Von Trier. Un long-métrage finalement mal construit et laborieux, même si le cinéaste s'en sort tout de même lors d'une première partie magistralement menée, s'appuyant sur une palette d'excellent comédiens. La fausse science-fiction proposée par le réalisateur danois ne fait pas scandale (contrairement à son dernier film, Antichrist), et sans doute s'est-il senti obligé de faire des déclarations honteuses au cours de la conférence de presse cannoise pour faire parler du film... Dommage.
Après une introduction splendide, sorte de succession de tableaux apocalyptiques mettant en scène les protagonistes sur une musique de Wagner, Lars Von Trier divise son film en deux parties bien distinctes. La première s'interesse à la jeune mariée, Justine (Kirsten Dunst parfaite), et renvoie clairement à Breaking the Waves (1996) et surtout à Festen (1998), réalisé par l'ancien complice de Von Trier, Thomas Vinterberg - on y suit la jeune femme pendant sa soirée de noces, alors qu'elle prend conscience que sa famille ne vaut rien, que l'institution du mariage et la société en général la « détruisent »... Lars Von Trier aurait écrit le film en pleine dépression, et cette première partie est en quelque sorte une thérapie. Le pitch SF vendu par le synopsis est d'ailleurs à peine évoqué, Kirsten Dunst observant deux fois une étoile écarlate dans la nuit. Le cinéaste sous entend sans doute que le malaise de la jeune femme s'explique par la présence de cette étoile... On retiendra la performance de Charlotte Rampling, géniale en mère de famille blasée, et celle de Kiefer Sutherland, dans le rôle du beau-frère sûr de lui, sanguin et protecteur. La mise en scène du réalisateur de Dancer in the Dark est alors brillante, caméra portée, accompagnant parfaitement la lente dérive de son héroïne. Du Lars von Trier sobre, qui lui a valu ses lettres de noblesse, bien loin des excès d'Antichrist.
Faux film de science-fiction donc, il faut attendre la seconde partie laborieuse de Melancholia pour entendre parler justement de la planète Melancholia, sur le point de percuter la Terre. Lars Von Trier s'attache maintenant au point de vue de Claire, la soeur de Justine. La mariée, en pleine dépression, vit désormais chez sa soeur - Charlotte Gainsbourg. Si la comédienne est juste, son rôle est beaucoup moins captivant que celui de Kirsten Dunst, se résumant à celui d'une mère de famille paniquée, qui refuse de croire les prédictions de sa soeur "possédée", témoin, tout comme le spectateur, de l'effet de la planète sur elle (la fameuse scène de Kirsten Dunst nue sur les rochers notamment). Le cinéaste tente alors vainement d'entretenir un suspense finalement peu intéressant (l'Apocalypse entraperçu dans l'introduction n'est même pas repris). Peu inspirée et en restant dans un décor unique, cette seconde partie plombe définitivement le film, qui aurait sans doute gagné à prendre son sujet à bras le corps. Une légère déception qui mérite toute de même le coup d'oeil pour la performance de Kirsten Dunst, récompensée par le prix d'interprétation féminine lors du Festival de Cannes.
Critique de Melancholia publiée le 24 mai 2011.