Memory of Love
Le 18/08/2009 à 09:07Par Elodie Leroy
Après Voiture de Luxe, Wang Chao change de registre et nous conte avec Memory of Love une histoire d'amour mélancolique à travers un scénario surprenant et remarquablement écrit. La réalisation pleine de délicatesse nourrit une palette subtile de sentiments exprimés avec pudeur par des acteurs habités, parmi lesquels Yan Bingyan prouve une fois encore qu'elle est l'une des actrices chinoises les plus prometteuses du moment.
Connu pour ses chroniques sociales explorant la condition des couches défavorisées de la société chinoise, Wang Chao change de registre avec Memory of Love, une histoire d'amour peu conventionnelle dont les protagonistes sont issus de la classe moyenne. Le point de départ du film, la découverte par un homme de la trahison de sa femme lorsque celle-ci est victime d'un accident de voiture avec son amant, rappelle celui du film coréen April Snow mais la comparaison s'arrêtera là. Car au lieu de se concentrer sur la douleur et la déchirure provoquée par l'adultère, Memory of Love s'intéresse à la reconstruction du couple. En effet, lorsque son épouse Sizhu (Yan Bingyan) s'éveille du coma, Lixun (Li Naiwen) découvre avec un mélange d'effroi et d'espoir qu'elle a perdu la mémoire et que son souvenir le plus récent provient de la période où elle était folle amoureuse de lui, où tout était encore possible. Plutôt que de se complaire dans la rancune et l'abattement, le mari décide alors de jouer le jeu et de laisser une seconde chance à leur couple. Commence alors un étrange cheminement pour la jeune femme à mesure qu'elle va se reconnecter, pas à pas, avec les quelques années perdues de son passé.
S'appuyant sur un scénario remarquablement écrit comportant judicieusement très peu de personnages - une femme, son mari, son amant et un ami -, Memory of Love questionne l'impact de la mémoire sur les sentiments et a l'audace de faire de l'adultère le point de départ d'une ode à l'amour conjugal, et ce sans jamais céder à la tentation de se poser en juge des personnages. Il ne s'agit pas de mettre en doute la loyauté de ces derniers mais de les comprendre, semble nous dire Wang Chao à travers le personnage de Lixun qui en dépit de la gifle qu'il encaisse de plein fouet parvient contre toute attente à prendre du recul, à se remettre en question et à aller de l'avant, démontrant non seulement une grande maturité mais délivrant par son geste une immense preuve d'amour à la femme de sa vie. A mesure que Sizhu retrouve ses marques dans sa propre existence, le passé amoureux du couple se dessine peu à peu et se teinte d'une émotion profonde distillée avec pudeur. En quelques films, la réalisation de Wang Chao a bien évolué depuis ses débuts avec L'Orphelin d'Anyang. Dans Memory of Love, le cinéaste délivre un film rythmé, jamais poseur, portant son attention sur des regards mais aussi des lieux pour traduire la relation que Sizhu entretient avec les deux (ou trois) hommes qui l'ont aimée. Les jeux de caméra, sobres et subtils, s'allient à une belle utilisation de la musique pour nous submerger d'une douce mélancolie - la scène mutique d'adieu sur quelques pas de danse est à ce titre d'une grande élégance. Memory of Love est aussi l'occasion de retrouver dans le rôle de l'épouse tiraillée entre deux hommes l'actrice Yan Bingyan, découverte dans Teeth of Love et vue récemment dans Portrait de Femmes Chinoises, et qui prouve une fois encore toute la richesse de son registre.