Mirrors
Le 10/09/2008 à 17:36Par Arnaud Mangin
Aie ! Après avoir trouvé aux Etats-Unis la reconnaissance qu'on ne lui aurait pas offerte ici, Alexandre Aja pèche par excès d'assurance et s'essaye au thriller fantastique rempli de spectres torturés sans trop vraiment savoir quoi y faire. Si ce n'est se fondre tant bien que mal dans le moule carbonisé des Ring, The Grudge et autres The Eye (avec Jessica Alba) dont il est un frère quasi siamois. Pour relever le plat, le jeune cinéaste envoie du sang partout comme un mixeur mal fermé (c'est ULTRA gore), parce qu'après tout c'est son domaine, mais ne fait pourtant pas illusion. C'est totalement hors contexte, ça ne sert à rien si ce n'est de proposer quelques interludes craspecs pour nous extirper temporairement de l'effrayante léthargie de 115 minutes qu'est Mirrors dans sa globalité. Une glace sans tain dont on serait du mauvais côté...
Sept ans de malheur, c'est ce qui arrive si l'on en croit les superstitions lorsqu'un miroir tout brillant, tout pimpant, vient à se briser. En dévoilant son film à la presse, c'est comme si Alexandre Aja avait lui-même jeté un marteau à travers. Fêlant (un peu seulement, parce que son appui technique est toujours à la hauteur) par la même occasion une partie de l'espoir que ses films précédents nous avaient fait naître à son égard. En l'état, puisqu'il n'est "que" le réalisateur, la réalisation est bonne. C'est le moins que l'on pouvait attendre, mais ce remake de Into the Mirror reflète exactement l'attitude actuelle des majors qui ne confient pas toujours le bon projet (en admettant que cela en soit un) à la bonne personne. C'est ici le cas, et si le jeune réalisateur français s'amuse comme un petit fou avec les bords tranchants comme à l'époque du Grand-Guignol pour déverser encore plus de sang que dans ses opus précédents, il se fourvoie dans la sempiternelle et ronflante intrigue du ghost-movie post-Ring où un type cherche à recaser des âmes torturées dans leur boite de pandore pour stopper un massacre inexplicable. Aja peut d'ailleurs déclarer qu'il a totalement retouché le scénario de l'œuvre originale (comme à l'époque de La Colline a des yeux), les différences sont extrêmement minimes (comme à l'époque de La Colline a des yeux aussi).
Pas de mystère, donc : ce film, d'une façon ou d'une autre, vous l'avez déjà vu. On l'a tous déjà vu, sous tous les angles, avec les mêmes intrigues et rebondissements enterrées pas trop profondément dans un terrain assez balisé désormais pour que personne ne s'en égare. C'est donc parti pour deux heures d'autosatisfaction méritée de la part d'un réalisateur qui sait parfaitement exploiter son contexte et remplit toujours son cadre avec ingéniosité. Ah ça, c'est beau. C'est inspiré, la caméra ne fait pas un seul pas de travers. Le problème, c'est qu'on voulait voir un film et pas un gars qui se regarde filmer. Satisfaction de réalisateur mais pas trop de spectateur qui semble parfois encore mieux en connaître les ficelles - ou alors on se repasse Silent Hill de Gans qui, sur le même terrain, avait au moins un univers atypique. Même pas une ouverture polie à la frayeur puisque les longueurs d'avance que l'on a sur tous les héros du film désamorcent totalement l'implication et Kiefer Sutherland (pourtant jamais en retard dans 24) nous fait du Sutherland : il murmure ce qu'il pense, il s'énerve, il crie et il pleure sur le même tempo... Bref il devient tout rouge ! Même là, on ne découvre rien...
En voulant prouver qu'il peut se diversifier, Alexandre Aja a finalement perdu du temps pour pas grand-chose et nous livre une œuvre franchement anecdotique dont les vrais moments inspirés sont paradoxalement dans la même veine que ses précédentes démonstrations. Celles dont il voulait un peu se dédouaner. Et quand bien même, lorsque ça pète, que ça saigne, que ça déverse des hectolitres d'hémoglobine par tous les tubes dont regorge le corps humain, ça ne fonctionne que trop peu. Au mieux, ça donne une séquence sympa jouant avec la flotte mais qui trahit totalement le concept de base du film (les uns sont attaqués par les reflets des autres et inversement), au pire ça bascule dans un délire final façon Evil Dead toujours aussi généreux mais toujours aussi hors de propos. On ne retiendra de tout cela qu'une angoissante chute façon Pierre Boule et surtout la pressante envie de découvrir son prochain Piranhas, vraie promesse de charcuterie qui ne s'embarrasse pas de mauvais prétexte.
On vous rassure, tout espoir n'est donc pas perdu...