Nouvelle Donne
Le 13/06/2008 à 17:22Par Elodie Leroy
Réalisé en 2006, Nouvelle Donne est le premier long métrage du cinéaste norvégien Joachim Trier et a déjà fait le tour du monde, raflant au passage une bonne pelleté de récompenses à l'international, dont ceux du jury et du public à Rotterdam en 2007. Amis d'enfance se destinant tous les deux au métier d'écrivain, Erik (Espen Klouman Høiner) et Philip (Anders Danielsen Lie) découvrent la rivalité lorsqu'ils tentent simultanément de faire publier leur roman respectif. Résultat, Erik se heurte à l'indifférence du public, tandis que Philip enthousiasme immédiatement les foules à l'échelle nationale. Pourtant, le plus malchanceux n'est peut-être pas celui qu'on croit puisque, quelques mois plus tard, le premier retrouve le second interné en hôpital psychiatrique. A travers les destins croisés de ces deux jeunes hommes tourmentés par l'existence, Nouvelle Donne dresse le portrait d'une jeunesse norvégienne bouillonnante, confrontée à ses rêves et à ses angoisses. Elevé aux films de la Nouvelle Vague française, Joachim trier révèle déjà une vraie sensibilité artistique et esthétique et signe une première œuvre très personnelle, imparfaite mais séduisante grâce à son énergie communicative et au mélange complexe d'émotions qu'elle transmet.
Entre créativité débordante et malaise existentiel, Erik et Philip expriment à eux seuls toutes les contradictions d'une génération désireuse de conquérir le monde mais qui ignore encore tout de ce dernier. Débutant par une séquence très cartoonesque, Nouvelle Donne joue tour à tour la carte de la distanciation à travers l'emploi de la voix-off, et de l'implication maximum en créant des ambiances intimistes. Naviguant constamment entre un humour décalé et une lancinante mélancolie, Joachim Trier tente de coller au plus près des émotions changeantes de ses personnages à travers une réalisation inspirée offrant quelques précieux moments de grâce, ainsi qu'une bande son judicieusement employée, alternant des titres punk rock avec une composition plus atmosphérique. Pour appuyer son propos, le cinéaste déconstruit la chronologie de la narration et multiplie les idées visuelles et narratives, au point que le récit pourra parfois sembler trop morcelé et le film un tantinet poseur, ce qui aura pour effet de mettre en quelque sorte le spectateur sur la touche. Une impression qui sera bien souvent de courte durée puisque le film brille par des portraits de personnages plus vrais que nature, interprétés qu'ils sont par des comédiens pour la plupart amateurs mais totalement habités par leurs rôles, à commencer par Anders Danielsen Lie.
Evoluant entre considérations intellectuelles et échanges superficiels, les dialogues écrits par Joachim Trier et son scénariste Eskil Vogt donnent lieu à quelques passages particulièrement savoureux, et ce même s'ils ne montrent pas toujours les jeunes garçons de cet génération sous leur meilleur jour - une intervention d'un de leurs amis atteint à ce titre des sommets de misogynie. Mais c'est exactement cette honnêteté, cette absence de volonté d'enjoliver la réalité qui fait toute la valeur et l'authenticité de Nouvelle Donne. Et si ce premier film joue parfois un peu trop sur la forme et sur les ellipses narratives, il sait néanmoins parler directement à nos émotions et révèle déjà une forte personnalité de réalisateur.