Paranormal Activity : Pour / Contre
Le 02/12/2009 à 10:01Par La Rédaction
Avec des moyens ridiculement petits, Oren Peli signe un long métrage efficace, immersif et oppressant, reposant sur des effets simples mais habiles. Si l'expérience est loin d'être aussi viscérale que Le Projet Blair Witch, dont elle s'inspire ouvertement, et comporte quelques longueurs, Paranormal Activity n'en met pas moins au tapis la plupart des remakes de films d'horreur qui fleurissent depuis quelques années dans le circuit mainstream. Et ça fait plaisir.
CONTRE : 5/20
Survendu mais vraiment sous-fait, Paranomal Activity est la réponse du cinéma au succès de petites vidéos horrifiques qui cartonnent sur youtube. Pas le même format, pas le même public, pas le même effet, mais un talent presque similaire font de cet incompréhensible succès surprise d'Outre-Atlantique l'une des plus grosses arnaques jamais subies dans le genre. Sans doute le film dont Blair Witch aurait honte !
CRITIQUE POUR - par Elodie Leroy
Si Paranormal Activity est aujourd'hui qualifié a posteriori de « coup marketing » en raison de son succès surprise au box-office américain (le film a établi un record historique en 3e semaine en atteignant les $49379 de moyenne par copie), on ne saurait perdre de vue que l'objet a été écrit, réalisé et monté avec des moyens ridicules par un cinéaste inconnu, Oren Peli, et aucune tête d'affiche ou argument choc à valoriser devant les distributeurs. L'acheminement du film vers les salles fut d'ailleurs un parcours du combattant. L'idée est d'une simplicité enfantine - un couple vit dans une maison hantée - et puise davantage dans les peurs d'enfance basées sur les légendes urbaines que dans le voyeurisme à la mode sur les écrans depuis quelques années. Au final, qu'on aime ou non son parti pris de faux documentaire à la première personne façon Projet Blair Witch, référence dont Oren Peli ne se cache pas, et que l'on tremble ou non devant les phénomènes dont Katie (Katie Featherston) et Micah (Micah Sloat) sont victimes, Paranormal Activity mérite le respect. Ne serait-ce que pour réussir à offrir 1h26 de tension avec 15000 dollars de budget, une seule caméra, deux acteurs principaux et trois seconds rôles (dont une n'apparaît qu'en photo), et avec pour tout décor la propre maison du réalisateur. Au moyen de sons presque anodins (des pas, des grattements, un grondement sourd annonçant chaque phénomène) et d'effets visuels réalisés avec trois bouts de ficelle, Oren Peli fait habilement monter la sauce, petit à petit, laissant le spectateur s'immerger dans le quotidien du couple, d'une banalité presque dérangeante.
Alors oui, Paranormal Activity mérite au moins sa réputation sur un point : celui de procurer quelques frissons rappelant inévitablement des souvenirs de nuits passées à guetter le moindre souffle ou craquement suspect. Pour autant, l'expérience proposée par Oren Peli n'atteint pas les sommets du Projet Blair Witch qui saisissait davantage aux tripes en allant crescendo dans la terreur. Paranormal Activity n'est d'ailleurs pas exempt de quelques longueurs, des moments toujours sauvés de justesse par l'excellent jeu des comédiens, à commencer par Katie Featherston qui impressionne par le réalisme de sa prestation. Le film se démarque aussi par un effet de répétition qui divisera inévitablement le public puisque les moments forts reposent sur des plans fixes toujours cadrés à l'identique - vue sur la chambre, le lit du couple à droite, une porte ouverte donnant sur le couloir à gauche, avec le timing défilant à l'écran. Mais à l'heure où le cinéma cherche à pousser toujours plus loin le spectaculaire, pour le meilleur et pour le pire, on ne pourra que saluer l'audace d'un tel parti pris. Mine de rien, à défaut de révolutionner le genre, Oren Peli donne une petite leçon de cinéma à ses confrères faiseurs de remakes de tous poils (de classiques du genre ou de films asiatiques et bientôt scandinaves). Il leur rappelle que le frisson repose parfois sur les choses les plus simples, quitte à ce que certains procédés évoquent directement les vidéos circulant sur youtube, une manière terriblement maligne de titiller l'inconscient collectif. A ce titre, Paranormal Activity requiert une certaine concentration et trouve presque sa limite dans une salle de cinéma, où se font inévitablement entendre quelques gloussements à chaque montée de tension, et risque fort d'être réévalué à la hausse lors de sa sortie DVD, surtout par ceux qui auront le courage de le visionner seuls, chez eux, devant leur écran de TV ou d'ordinateur. Dans ces conditions, l'effet risque d'être décuplé.
CRITIQUE CONTRE - par Arnaud Mangin
Dans le genre escroquerie de premier ordre, Paranormal Activity se pose là. On a beau avoir pris l'habitude de se faire gentiment beurrer la raie en tant que spectateur par certains films, la plus belle arnaque du moment provient d'un petit auteur indépendant, sans doute bourré de bonnes intentions, mais entrainé malgré lui dans une machine de guerre implacable que l'on appelle "le buzz". Une bien belle chose qui peut éclairer les aveugles, mais aussi faire passer les vessies pour des lanternes. En l'occurrence, le buzz en question met sur un piédestal un type qui a tenté sa chance avec un exercice de style à l'inspiration médiocre démontrant seulement qu'on ne devient pas cinéaste en achetant un caméscope. Ah, ça, pour marcher, ça marche ! Le public de festival y croit à fond les ballons et pousse des hurlements lorsqu'un drap bouge. L'affiche emprunte même une tagline d'une efficacité dévastatrice : ''Terrifiant ! Bonne chance pour dormir après''... On y croirait presque.
Nous, on confirme ! Bonne chance pour dormir après... Parce qu'une fois que l'on a bien pioncé devant ce mauvais bricolage DV se résumant à raconter le quotidien d'un couple de péquins pas foutus d'accrocher un lustre proprement, il est effectivement difficile de retrouver le sommeil. Ah si... parce que mine le rien, il y a un postulat là dedans : on essaie de nous y expliquer, via ce cinéma vérité d'une exaltante originalité, qu'un démon poursuit mademoiselle en tapant des pieds dans les escaliers comme Jennifer Beals dans Flashdance et en tambourinant les murs. En gros, prenez, au choix, [Rec.] ou Blair Witch et retirez-leur toutes les trouvailles qui les rendent efficaces, et vous obtenez Paranormal Activity, un film qui fait peur parce qu'un copain du réal s'amuse à éteindre et allumer la lumière des toilettes au bout du couloir. Une bande de potes à qui quelqu'un devrait expliquer qu'un concept, ça s'exploite, ça ne s'étire pas. Ensuite, on pourra toujours chercher à savoir ce qui est le plus consternant là dedans : cette espèce de modération outrancière qui nous ferait autant flipper si c'était une vraie vidéo qu'elle nous laisse radicalement de marbre dans une fiction sur grand écran, ou l'impossible sensation d'assister à une version longue (mais longuuuueee) des petites vidéos idiotes mais amusantes que l'on trouve sur Youtube.
Et c'est certainement là que ça devient le plus folklo, finalement. Toujours dans cette démarche destinant à entretenir le buzz (ahhh, le buzz... bon copain des causes perdues) "la production demande expressément aux journalistes et autres privilégiés qui voient le film de ne surtout pas en dévoiler la fin" (on cite le dossier de presse). Oh là.... Ca se préserve ce genre de chose. Si l'on comprend qu'il est bon d'entretenir le mystère et la surprise, encore faut-il que mystère il y ait vraiment. Nous, on veut bien ne pas révéler la fin, aucun souci là-dessus. Mais encore aurait-il fallu que la bande annonce (visible partout) s'en abstienne aussi et surtout que la dite fin ne soit pas un copié/collé des scare-jumps à trois francs dont regorge le fameux youtube, en mieux fichus la plupart du temps.
Il n'y a rien à la fin... Mais comme de toute manière il n'y a rien au début, ni au milieu non plus, ce désolant essai garde au moins cette cohérence assommante qui confond "atmosphère lancinante" et "ennui à crever". Quoique, certains effets sonores risquent de déranger les chanceux qui ont piqué du nez. Si l'on garde en plus à l'esprit que le machin ose s'appuyer sur la naïveté de certains spectateurs croyant dur comme fer à ce genre de chose, comme si les événements à l'écran étaient réels, on est effectivement devant un vrai foutage de gueule dans les règles !
Première publication le 21 octobre 2009 à 0h01