Percy Jackson
Le 08/02/2010 à 18:08Par Elodie Leroy
Si Percy Jackson avait pour ambition de reproduire la magie Harry Potter, autant dire que le pari est raté. Après un démarrage poussif, ce nouveau film de Chris Columbus confirme son manque d'inspiration par des péripéties mythologiques porteuses d'un vrai potentiel mais plombées par des références constantes à la culture MSN, en plus d'une direction artistique inexistante. Avec Percy Jackson, c'est l'imagination qui abdique au profit de la référence immédiate. A l'exception d'une ou deux scènes presque réussies, le film semble avoir quinze ans de retard tant dans la forme que sur le fond, allant jusqu'à nous imposer des clichés racistes et sexistes que l'on ne pensait plus voir au 21e siècle. Un film qu'il serait finalement peut-être bon de déconseiller aux enfants.
Découvrez ci-dessous la critique du film Percy Jackson
Depuis le succès littéraire et cinématographique de Harry Potter, les histoires d'enfants ou d'adolescents qui se découvrent une destinée et des pouvoirs insoupçonnés sont plus que jamais au goût du jour. Ainsi a-t-on vu émerger ces dernières années des Eragon, des Assistant du Vampire et à présent ce Percy Jackson... J.K. Rowling n'a pas inventé le genre, mais elle y a indéniablement apporté sa touche bien à elle, avec son univers de sorciers un peu barré possédant ses codes, son vocabulaire et coexistant avec les humains à leur insu. De la même façon, Percy Jackson (Logan Lerman) va découvrir qu'il est un demi-dieu, à savoir le fils de Poséidon. Comme Harry, Percy a vécu dans un environnement familial peu propice à son épanouissement. Comme Harry, Percy s'est toujours senti différent des jeunes de son âge. Comme Harry, Percy va découvrir son appartenance à un autre monde peuplé de créatures magiques et soumis à ses propres lois. Le seul hic, c'est que les producteurs du film Percy Jackson n'ont pas vraiment compris la recette de la magie des aventures du jeune sorcier. Débaucher Chris Columbus, le réalisateur des deux premiers Harry Potter, c'était pourtant bien tenté.
Outre le lent et pénible démarrage du film, lequel ne décolle qu'au bout d'une bonne heure lorsque les trois héros quittent enfin leur camp d'entraînement pour se lancer dans une quête, l'un des gros défauts de Percy Jackson est certainement de ne pas pleinement assumer sa propre mythologie. Ainsi, de manière irritante, les personnages ont constamment besoin de faire référence à la culture jeune actuelle, histoire de ne pas perdre le spectateur enfant ou préadolescent. Un parti pris qui témoigne d'un triste constat dans ce type de productions : l'imagination abdique au profit de la référence immédiate. Comme si la jeunesse d'aujourd'hui était incapable de se détacher de ses préoccupations quotidiennes pendant deux heures (le succès de la saga Harry Potter prouvait justement le contraire). Ainsi, notre Percy Jackson combat la Méduse en regardant son reflet dans un iPod touch dernier cri, tandis qu'un autre garçon lui livrera des chaussures ailées qui s'avèrent être... des Converse ! En passant, on admirera le bel effort de diversification de la marque. Armés d'un tel équipement, Percy, son protecteur Grover (Brandon T. Jackson) et leur copine Annabeth (Alexandra Daddario) ont de quoi se rendre sans crainte au Royaume d'Hadès.
Tout cela aurait pu être amusant si seulement la plupart des péripéties rencontrées par nos héros n'étaient pas plombée par le manque d'inspiration criant d'une mise en scène en pilotage automatique. Percy Jackson ne possède d'ailleurs aucune identité visuelle. La direction artistique surprend par sa pauvreté et la photographie par sa laideur (les plans nocturnes souffrent de l'utilisation compulsive des filtres orange typiques des productions Fox), tandis que les effets digitaux naviguent entre la réussite (l'entrée dans le Royaume d'Hadès, bien gérée) et le kitsch le plus ringard (les apparitions de la mère de Percy dans une sorte de bouillie orange). Percy Jackson n'est cependant pas totalement une perte de temps puisque le film comporte une ou deux scènes sympathiques, à commencer par le détour des trois héros par Las Vegas qui utilise de manière originale un célèbre mythe grec - celui des Lotophages. Cette séquence, la plus réussie du film, a tout de même pour défaut de mélanger le mythe de Persée avec celui d'Ulysse... Qu'on ne vienne donc pas nous dire que ce genre de film est destiné à sensibiliser le jeune public américain à la culture. Même avec ses deux ou trois entorses à l'Odyssée, le dessin-animé Ulysse 31 était autrement plus enrichissant (et intelligent). Si les jeunes acteurs qui incarnent les trois héros de Percy Jackson sont mignons tout plein, il n'en va pas de même des interprètes des divinités. Kevin McKidd remporte la palme du jeu d'acteur le plus pitoyable en Poséidon, en compétition sévère avec Pierce Brosnan, pas du tout à sa place dans le film, et Uma Thurman qui fait une Méduse parfaitement ridicule (surtout quand elle parle).
Enfin, en termes de clichés nauséabonds servis aux jeunes sans aucun sens des responsabilités, on peut dire que Percy Jackson fait vraiment très fort. Pour commencer, notre héros, qui ne comprenait pas très bien pourquoi sa mère restait en couple avec un primate violent (il ne la frappe pas à l'écran, mais la scène de la bière est explicite), apprend par un tiers à considérer la beauté du sacrifice : elle faisait cela pour le bien de son fils, nous dit-on. De quoi donner quelques justifications aux violences conjugales et surtout à la loi du silence qui les entoure. Ensuite, notre cher Percy Jackson s'aperçoit que son meilleur ami n'est autre que son protecteur. A savoir un garçon de son âge moitié humain moitié bouc chargé de lui obéir et de le protéger quoiqu'il arrive, quitte à sacrifier sa vie (décidément). Pour une fois qu'une production destinée aux jeunes mettait un acteur noir dans un des trois rôles principaux, il a fallu qu'il joue le serviteur de son meilleur copain blanc... no comment. Si ce n'est que tous les pairs de Grover ont le type afro et que le garçon a la primeur en cours de route de monter en grade dans la hiérarchie des protecteurs. Serviteur première classe, quel honneur ! Pour finir, le film ne manque pas de glorifier le père qui a abandonné femme et enfant pour une destinée plus élevée. Si le retard de Percy Jackson : Le Voleur de Foudre sur le plan artistique s'estime en années, il semble que sur le plan idéologique il s'estime plutôt en décennies.
Date de première publication : 28 janvier 2010 à 20h12