Romaine par moins 30
Le 29/04/2009 à 18:48Par Elodie Leroy
Le personnage de Romaine n'est pas nouveau, Agnès Obadia l'a créé il y a dix-huit ans dans le cadre d'une suite de quatre courts métrages réunis par la suite en un long, Romaine, qui déboulait dans les salles en 1997. A l'époque, la cinéaste interprétait elle-même le rôle de cette étudiante maladroite qui ne savait déjà pas trop où elle allait. Douze ans plus tard, Romaine revient sur les écrans sous les traits de Sandrine Kiberlain pour de nouvelles (mes)aventures dans Romaine Par Moins 30. Si l'interprète a changé, l'héroïne, elle, reste fidèle à elle-même et cumule les ennuis à partir du moment où elle met le pied dans l'avion supposé la mener à Montréal. A trente ans, Romaine est une jeune femme incapable de prendre des décisions par elle-même, à l'inverse de son petit ami, Justin (Pascal Elbé), qui décide pour deux sans lui laisser aucune marge de manoeuvre. Romaine manque totalement de confiance en elle, enchaîne les gamelles, se fait arnaquer par son prochain et ne jouit pas au lit. Beau portrait. Pourtant, au lieu de se laisser abattre, Romaine se relève toujours et continue son petit bonhomme de chemin, même lorsqu'elle se fait larguer par son jules et se retrouve coincée dans le grand nord québécois, sans passeport, ni billet de retour, ni provisions sur son compte en banque.
Avec Romaine Par Moins 30, Agnès Obadia signe une comédie fantaisiste reposant sur une suite de catastrophes qui en d'autres mains auraient pu sembler improbables mais que la cinéaste parvient à faire avaler avec une étonnante facilité, grâce à une légèreté de ton particulièrement réjouissante. Pour ajouter un peu de sel, Obadia projette son héroïne dans un pays étranger, en l'occurence le Canada, dont le climat diffère radicalement de celui de la France. Ces contrées enneigées ont non seulement pour attrait de rendre l'épreuve endurée par Romaine encore plus difficile en lui conférant une dimension très physique, mais aussi d'ancrer l'histoire dans un décor, une qualité devenue rare dans le genre de la comédie bien de chez nous, qui se complait trop souvent dans un style télévisuel dénué de tout sens de l'évasion. L'humour de situation fonctionne à merveille tandis que les personnages sonnent admirablement justes, dans le burlesque comme dans les moments d'émotion, savamment distillés sans le moindre soupçon de miévrerie.
Car en plus de faire rire grâce à un réel sens du burlesque, Agnès Obadia dresse avec une dérision mêlée de tendresse le portrait d'une génération de trentenaires un peu paumés, tiraillés entre leurs frustrations et leur besoin de liberté. Romaine Par Moins 30 porte un regard très féminin sur sa galerie de personnages hauts en couleur, à commencer par ses contemporaines, égarées ou pleines de tocs (Elina Löwensohn, hilarante), frustrées sexuellement ou se jetant à corps perdu dans des relations sans avenir. La gent masculine passe elle aussi à la casserole, entre le petit ami gardant un contrôle obsessionnel sur la relation, le séducteur effrayé par toute notion d'engagement ou le célibataire désespéré et prêt à tout pour se marier. Au milieu de tous ces joyeux lurons qui reflètent les angoisses contradictoires de notre époque, Romaine se promène, l'air éberlué, et part sans s'en rendre compte à la recherche d'elle-même, de ses souhaits et de ses désirs, campée par une Sandrine Kiberlain irrésistible de drôlerie et de nonchalance. On ne tiendra pas trop rigueur à Agnès Obadia de la légère baisse de régime qui se fait ressentir dans la dernière demi-heure, la conclusion se révélant à la hauteur du cheminement accompli par son personnage.