Sa Majesté Minor
Le 01/10/2007 à 20:57Par Arnaud Mangin
Contrairement à ce que certains penseront, Sa Majesté Minor ne réduira pas son auteur et ne choquera pas. En revanche, cette œuvre atypique surprendra les plus réconfortés à travers une collection d'images un peu folles envoyant bouler la sagesse de ses œuvres récentes. Et quitte à rester immoral jusqu'au bout des ongles, la leçon à retenir de tout ça - lorsque l'on contemple les deux compères une dernière fois - c'est que le plaisir décomplexé ne paye qu'aux plus malins. Le cinéaste en premier lieu. Là où il y a de la gêne...
Après son Disneyien Deux Frères, Jean-Jacques Annaud avait fait deux promesses. La première consistait à succomber au désir de tourner à nouveau dans la langue de Molière. La seconde était de radicalement nous surprendre. Pour conjuguer les deux, il fallait nécessairement passer par la case délire franchouillard tant on imaginait mal cette Majesté Minor prendre vie dans un cadre international comme la plupart de ses œuvres précédentes. Il l'affirme lui-même " J'ai eu envie de me peindre le nez en rouge et de mettre mes chaussures de clown !". Un improbable retour en arrière où le réalisateur flirte avec ses premiers amours, aussi légères soient-ils. Ce qui ne l'empêche pas d'être dans le coup, ou mieux (mais plus dangereux), d'avoir une longueur d'avance passablement étrange. Il y a trente ans, on s'esclaffait de voir Patrick Daewere débarquer en plein repas municipal pour gifler quelques insupportables cols blancs dans Coup de tête. Neuf films plus tard, notre délirant Vincent Cassel national (le nouveau Daewere, justement) monté sur des cannes de bouc sodomise carrément José Garcia contre un arbre... Attachez vos ceintures !
Il y a deux choses essentielles qui ont marquées le cinéma d'Annaud. Tout d'abord son amour pour les cultures et les mentalités aux quatre coins du globe, leurs coutumes antinomiques et les mentalités contradictoires qui se sont côtoyés durant près de 30 ans sur une seule et même filmographie. Et à force d'avoir voyagé, observé, compris et adopté ces peuples, le réalisateur s'essaye à la conception d'une tribu qui est sienne. Issue de son propre imaginaire, pour justement mieux lui attribuer un psychologie assez surprenante, correspondant au second pivot de ses films précédents : l'amour physique sans complexe, sans tabou, et illustré dans son aspect le plus pur. Quitte à livrer des séquences devenues improbables dans l'imagerie moderne où l'acte est enjolivé par quelques bricolages de mises en scènes hollywoodiennes. Chose à laquelle le réalisateur ne s'est pourtant jamais laissé subordonner pour y aller tout de go. Y compris dans la splendide scène d'amour interdite de Stalingrad ou encore celle du Nom de la Rose.
Sa Majesté Minor semble boucler la boucle en liant ces deux éléments fondamentaux en un seul et même sein. De seins, il en sera d'ailleurs grandement question puisque allant chercher son inspiration dans certaines comédies françaises païennes des années 70, il nous livre une étonnante fable friponne. Friponne parce que l'on n'est ni dans le coquin modeste, ni dans le cul graveleux, mais à mi-parcours dans un univers mythologique qui ferait passer Songe d'une nuit d'été pour un sitcom dévêtu. Alors bien évidemment, découvrir Vincent Cassel en faune (coup de chapeau aux effets spéciaux) poursuivre José Garcia afin de le déflorer sans crier gare surprend. Mais comme il serait stupide d'y déceler là quelque chose de gratuit, la marginalisation du personnage s'impose comme l'essentiel grain de sable qui fait avancer les mentalités. La libération sexuelle en quelque sorte, à l'image d'un Woodstock (Faune, Centaures et autres nymphes vivent en babas-cool) qui bouleverse les us et coutumes pour mieux les tirer vers le haut.
En cela, Annaud n'affabule pas et étale d'une façon un peu grivoise ce qu'on essaye encore d'ignorer en 2007 : les plus grands empires se bâtissent et se démontent sur des coups de reins maladroits. Ici, l'homo erectus est porté aux nues, alors qu'il était considéré comme un cochon quelques jours auparavant, même si son redressement ne se situe pas forcément là où l'on attendait. On a en tout cas les idoles, le fanatisme et la société que l'on mérite dans cette improbable relecture de Tarzan (entre autres) voulant alléger quelques idéologies modernes. Quelques unes politiques et révolutionnaires ou, d'une façon bien plus fun, les petites crises familiales dans la veine du fameux "C'est ta mère ou moi !". Et grand romantique oblige, il nous livre un triangle amoureux aussi improbable que touchant.