Sans arme, ni haine, ni violence
Le 02/04/2008 à 17:03Par Michèle Bori
Les gangsters ont décidemment la côte en ce moment. Après Truands de Frédéric Schoendoerffer, Le Dernier Gang d’Ariel Zeitoun, Le Deuxième souffle de Corneau, voici que débarque Sans arme, ni haine, ni violence réalisé par Jean-Paul Rouve, biopic fantasmé de la vie de l’escroc Grand-Guignol Albert Spaggiari. Connu pour avoir été le cerveau du casse du siècle survenu à la Société Générale de Nice en 1976, Spaggiari restera surtout dans les mémoires pour avoir nargué la police française durant sa cavale qui durera jusqu’à sa mort, après une évasion spectaculaire le 10 mars 1977 (Spaggiari sauta par la fenêtre du bureau du juge Richard Bouaziz et atterrit huit mètres plus bas sur une voiture garée où l’attendait un complice en moto). Un phénomène donc, un personnage populaire aussi, qui en 1979 fit déjà l’objet d’un film réalisé par José Giovanni, Les Egouts du Paradis, tiré du livre éponyme écrit par Spaggiari himself.
Autant le dire tout de suite : en attendant L’Ennemi public de Jean-François Richet fin 2008 sur la vie de Mesrine, Sans arme, ni haine, ni violence avait la lourde tâche de relever un peu le niveau d’un genre dont on ne peut pas dire que le bilan soit totalement reluisant, les films cités plus haut n’ayant convaincu à leur sortie ni les critiques, ni le public. Un défi peut-être trop imposant pour Rouve (qui pour son premier film en tant que metteur en scène n’avait définitivement pas choisi la facilité en s’attaquant à la fois à une grande figure du banditisme français et à un genre au passé prestigieux) qui finit par botter en touche et donc par passer à côté de son sujet. Sans arme, ni haine, ni violence n’est donc pas un film sur la vie de Spaggiari, ni sur son célèbre casse, ni même sur son évasion (expédiée en guise de générique de début, alors que c’était peut-être la chose la plus spectaculaire à filmer) même s’il risque bien d’être vendu de la sorte. Un choix louable, certes, mais qui fait du film un portrait tout sauf romanesque, vite ennuyeux, et surtout sans véritable ambition cinématographique.
Basé sur une construction à la Amadeus, le film raconte comment un journaliste de Paris Match (Gilles Lellouche) va être amené à rencontrer Spaggiari (Jean-Paul Rouve) pour le besoin d’un article. L’histoire de ce dernier nous est donc racontée en flash back (voix-off plombante à l’appui), une technique narrative qui a fait ses preuves, mais qui ici tombe vite à l’eau, faute d’un véritable point de vue sur ce personnage. En effet, Spaggiari racontant lui-même sa propre histoire, le spectateur ne dispose pas d’une vision suffisamment objective pour se faire sa propre opinion sur le bonhomme et se perd vite à essayer de déchiffrer le faux du vrai, le véritable du romancé. Un choix peut-être intentionnel, mais qui fait que l’on finit par ne plus s’intéresser à cet autoportrait mythoné dont les enjeux ne sont jamais clairement exposés et dont l’intérêt se révèle vite limité.
De plus, dès lors qu’on semble trouver du sens au scénario (on peut finalement y voir une tentative de démystification d’une grande icône populaire), celui-ci s’embourbe dans une histoire policière totalement dispensable, qui fait tomber à l’eau toute la portée symbolique du film. Et comme ce n’est pas la mise en scène très plate et très monotone du film (où seule la reconstitution des années 70 semble avoir été un défi pour le réalisateur) qui relèvera la barre, Sans arme, ni haine, ni violence est au final un film pas vraiment divertissant, et qui en plus ne nous apprendra rien de plus que ce qu’on ne savait déjà. Qui était Spaggiari finalement ? Un baratineur / charmeur / facho (un point de sa personnalité qui avait été complètement oublié par Giovanni dans son film, et qui ici à peine abordé, alors que Spaggiari était connu pour ses affinités avec Pinochet), qui a eu une bonne idée dans sa vie et dont on a fait des montagnes. V’là le scoop comme dirait l’autre.