Speed Racer
Le 01/06/2008 à 23:27Par Arnaud Mangin
Ce qui est génial avec le concept du "parti pris", c'est qu'il s'agit d'une formulation à bon dos sur laquelle on peut accoler tout et n'importe quoi. Et dans le genre, les frères/sœurs Wachowski sont les champions incontestés. Eux, ils l'ont gagné leur course... Parce qu'il peuvent se laver les mains à la pierre ponce d'un quelconque jugement, parce que Joel Silver en criera du bien sur les toits à grands coups de "innovant" et "jamais vu" sans même en avoir encore vu une traître bobine, et parce qu'il traînera toujours quelque part quelques geeks prêts à se faire conquérir comme des fleurs ouvertes. Ces fans en goguette qui font vivre l'empire Wacho comme un univers élitiste et dans lequel ne sont admis que ceux qui ont compris/apprécié... Les autres sont loin derrière puisqu'il n'ont pas pigé le parti pris en question, évidemment.
L'excuse pouvait encore passer sur la trilogie Matrix devant le portillon duquel se sont bousculé des intellos de carnaval. Mais là, quel public de plus de huit ans viendra défendre bec et ongle ce Speed Racer ingurgité comme un rail de coke ?
Donc oui, Speed Racer ne ressemble à rien, c'est très flashouille, ça pullule de tronches transitoires comme une orgie de mauvais goût, c'est sans doute le film que Nintendo a eu la décence de ne jamais faire, mais ne partez pas m'sieurs dames, c'est un parti pris. Ah d'accord ! Dans ce cas on reste jusqu'au bout alors... Ce qui relève de l'exploit ceci dit lorsque l'on découvre cette espèce de bouillie filmique très pimpante de loin, comme si on avait foutu Roger Rabbit et un flipper dans le même shaker, mais un peu plus indigeste une fois qu'on y goûte. Cinq premières minutes qui mettent le spectateur à l'épreuve et qui n'ont rien à envier à un pub pour Kinder : on a ici affaire à un film con comme un placard à balais, mais au moins on est averti dès le début. Il va falloir vivre avec pendant encore deux heures et essayer de s'occuper l'esprit entre deux scènes façon foire du trône.
L'astuce - le conseil filmsactu du jour - c'est de se la jouer un peu rétrograde, limite facho, et de se dire que les mecs savaient encore faire quelque chose d'une caméra lorsqu'ils avaient autre chose à filmer que des fonds verts. On pense à Bound, sulfureux et génial polar lesbien avec Jennifer Tily et Gina Gherson qui ne faisaient pas semblant. C'était chaud du caleçon, on n'allait pas forcément vers le film pour son intrigue et finalement le fond accompagnait la forme. Même topo pour le premier Matrix, si ce n'est que Keanu Reeves, lui, faisait semblant. Mais au moins ça nous murmurait quelque chose à l'oreille, même si bien secoué et dans un univers à mille lieues. Aujourd'hui rebelote, les Wachos fourguent à nouveau aux gens un machin auquel ils ne sont pas habitués pour voir s'ils sont open !
Speed Racer conforte donc Andy, Larry et tous leurs amis dans cette douce sensation de gêner, de malmener le grand public en lui explosant au visage quelque chose d'hyper prestigieux, mouvementé et étalant fièrement ses qualités techniques, mais avec cette vicieuse petite touche n'inaccessible : quand ça ressemble à un jeu vidéo, c'est rigolo mais sans vie et quand y'a des gens à filmer, c'est chiant comme un malabar qui aurait perdu son goût. Du coup "C'est pas mal mais.... Hummm... tu sais...". Voilà, on se croirait revenu huit ans en arrière. Bien évidemment, on pourrait toujours compter sur les fans évoqués plus haut pour venir à la rescousse mais la méthode "pas vu pas pris" de Matrix ne fonctionne pas à tous les coups non plus ! D'autant plus que le délire "film d'action kitsch où même les explosions changent de couleur" aurait bien marché s'il avait été exploité autrement que comme un prétexte pour faire voler des bagnoles. Là on se croirait juste, mais alors juste un petit peu, revenu aux premiers essais des incrustes sur fonds verts.
Finalement qu'est ce qu'il reste ? Christina Ricci, obligée de jouer un personnage de 15 ans de moins, Susan Sarandon qui fait des tartines au beurre de cacahuète, un singe échappé de Mookie et John Goodman qui s'est trompé de frères en pensant sonner chez les Coen pour finalement se bastonner contre des ninjas, déguisé en Super Mario. Pour un jeu vidéo live, c'est du bon sens.
Rendez-vous dans 20 ans alors, le temps qu'il a fallu à Tron pour être digéré.