The Duchess
Le 07/10/2008 à 11:25Par Elodie Leroy
Portrait d'une figure historique flamboyante, The Duchess assume son caractère romanesque mais ne verse nullement dans la surenchère. Cette fresque historico-dramatique n'est pas exempte de quelques faiblesses, mais la mise en scène sobre et raffinée de Saul Dibb confère au film une émotion juste, tandis que le regard féministe porté sur le personnage évite tous les pièges du simplisme. Outre ses qualités d'écriture et sa direction artistique somptueuse, The Duchess mérite aussi d'être vu pour la prestation de Keira Knightley, éblouissante dans un rôle qui met à l'honneur à la fois son charisme et sa finesse d'interprétation.
Avec The Duchess, le cinéaste Saul Dibb fait une incursion dans le genre décidément en vogue de ce que la presse anglo-saxonne nomme volontiers le corset-ripper, une appellation désignant les drames historiques en costumes dominés par un point de vue féminin. Outre le très bon Elizabeth de Shekhar Kapur et sa séquelle, on citera bien entendu le sublime et très radical Marie-Antoinette de Sofia Coppola, ou encore le récent Deux Sœurs Pour Un Roi de Justin Chatwick. Adapté de la biographie Georgiana, Duchesse de Devonshire écrite en 1997 par Amanda Foreman, The Duchess s'inscrit directement dans cette lignée et semble guidé par les mêmes intentions : apporter un éclairage nouveau sur une figure historique féminine controversée. En l'occurrence ici, il s'agit de la Duchesse de Devonshire, personnage marquant de l'Angleterre du 18e, une femme connue pour son succès en société, son implication dans la vie politique mais aussi ses dettes de jeu. A l'instar de l'une de ses lointaines descendantes, une certaine Lady Diana, elle jurait dans le milieu rigide de la cour par sa personnalité peu conventionnelle, ce qui en faisait régulièrement la cible des media.
A la manière de Marie-Antoinette, The Duchess rompt d'entrée de jeu avec le romantisme de conte de fées qui a longtemps été de mise dans ce genre de film et adopte une approche réaliste des rapports conjugaux dans la haute société de l'époque. A 17 ans seulement, Georgiana (Keira Knightley) est mariée à un duc (Ralph Fiennes) aussi riche que distant et se voit rapidement mettre au parfum sur ses priorités : livrer au plus vite un héritier. Alors qu'elle séduit la cour par sa vivacité d'esprit et son goût pour les ambiances festives, la jeune femme se heurte à la froideur extrême d'un mari qui reste désespérément indifférent à ses charmes. Pour couronner le tout, celui-ci lui impose un ménage à trois avec celle qui fut sa meilleure amie, Lady Bess Foster (Hayley Atwell). Sur le papier, l'intrigue peut paraître un tantinet démonstrative, The Duchess pointant bien évidemment du doigt la condition de ces femmes dont le quotidien se devait de se résumer à des préoccupations restreintes. Georgiana se retrouve enfermée dans une véritable cage dorée et le film prend d'ailleurs parfois des allures de huis clos en jouant sur un nombre limité de décors, dont la somptuosité en devient oppressante. Pourtant, le regard féministe porté sur la jeune femme n'empêche nullement les autres protagonistes de trouver leur place. Au lieu de chercher à brasser toute la vie de la Duchesse, le film s'intéresse plus précisément à ses relations avec ses proches et notamment avec son époux, un parti pris qui a pour avantage de laisser la place à un développement des personnages secondaires, qui ont ainsi tout le loisir d'atteindre une réelle complexité.
Au contraire d'un film comme Deux Sœurs Pour Un Roi qui jouait volontiers la carte de la surenchère, The Duchess n'est pas dénué d'un certain lyrisme mais ne semble nullement courir après la larme facile. Conservant toujours une judicieuse retenue, la réalisation de Saul Dibb semble gouvernée par le désir de mettre en valeur les prestations des comédiens, à commencer par celle de Keira Knightley. Portant le film sur ses épaules, la jeune actrice assume le caractère tape-à-l'œil de son personnage sans pour autant en faire des tonnes, trouvant toujours le ton juste dans un registre émotionnel très étendu. Une confirmation de plus, si l'on en doutait encore depuis Orgueil et Préjugés et le récent Reviens-Moi, qu'elle est l'une des actrices les plus douées de sa génération. Le reste du casting ne manque pas de répondant : Ralph Fiennes s'avère étrangement touchant dans le rôle du Duc tandis que Hayley Atwell (Le Rêve De Cassandre) apporte beaucoup de nuances à un personnage qui aurait paraître conventionnel. Seul Dominic Cooper (Mamma Mia !) peine quelque peu à s'imposer au sein de cette distribution haut de gamme qui doit aussi compter avec la présence intimidante de Charlotte Rampling. On pourra reprocher une fin légèrement abrupte et surtout un emploi trop minimaliste des maquillages visant à vieillir les acteurs (les enfants grandissent mais les adultes ne changent pas d'un iota), mais ces quelques défauts n'empêchent pas The Duchess de mériter sa place au sein du genre auquel il appartient.