The Hobbit La Désolation de Smaug : Critique
Le 11/12/2013 à 16:25Par Jonathan Butin
CRITIQUE : THE HOBBIT 2
Retour en Terre du Milieu et cette fois le rythme s'accélère. Si l'on a parfois reproché à Un Voyage Inattendu sa lenteur et débattu de son statut de prologue péniblement étiré, La Désolation de Smaug ne risque pas de souffrir des mêmes critiques. Dans ce second épisode de la trilogie The Hobbit, préquelle du Seigneur des Anneaux, les choses se mettent en branle et les événements s'enchaînent à vitesse grand V. Passée la courte introduction destinée à rafraîchir les mémoires et mettant en scène dans un flashback le chef nain Thorin « Écu-de-chêne » (Richard Armitage) et Gandalf le Gris (Ian Mckellen), attablés dans une célèbre auberge, La Désolation de Smaug prend la forme d'une course-poursuite de 2h30 qui ne laisse que rarement le temps de souffler et trouve son apothéose dans la rencontre tant attendue avec le dragon qui donne son nom à l'épisode.
Le voyage vers la Montagne Solitaire et la cité naine d'Erebor, domicile du redoutable dragon Smaug, se complique significativement pour la (pas si) joyeuse troupe de nains (et un hobbit...et un magicien) qui se retrouve tour à tour les proies de Beorn (une créature que l'on pourrait nommer ours-garou, parfois homme, parfois ours, une forte pilosité dans les deux cas), d'araignées géantes et d'Elfes de la Forêt Noire, la moins raisonnable des branches elfiques. Ce ne sont là que quelques-uns des innombrables périls qui jalonnent la route de la petite équipée qui pourra cependant compter sur le soutient ô combien précieux de Legolas (Orlando Bloom) qui revient en grande forme et accompagné par la ravissante elfe guerrière Tauriel (Evangeline Lilly). Bien qu'issue de l'imagination de Peter Jackson et non de celle de J.R.R Tolkien, Tauriel est aussi gracieusement mortelle que son homologue masculin et les chorégraphies de leurs combats, à l'arc comme à la dague, sont renversants. L'intégralité des séquences d'action bénéficie d'ailleurs du même soin apporté à la construction (la scène de « rafting en tonneaux », qui voit s'affronter nains, orcs et elfes dans un joyeux chaos, à du être un véritable casse-tête à réaliser). Ceux qui reprochait à Un Voyage Inattendu d'être un peu avare sur l'action seront comblés.
Un nain dans un tonneau c'est rigolo mais c'est...
Pour autant, l'action frénétique ne prend jamais le pas sur le gout et le souci du détail qui caractérisait déjà le travail de Peter Jackson sur Le Seigneur des Anneaux et The Hobbit. Le dédale sinistre, anxiogène, qu'est la Forêt Noire, l'enclave humaine périclitante et gelée de Bourg-du-Lac, l'opulente salle au trésor d'Erebor qui ferait passer le coffre-fort de l'Oncle Picsou pour un vulgaire cochon tirelire, chaque haut-lieu de l'univers de Tolkien est animé d'une énergie nouvelle, d'une beauté tantôt lugubre (la forteresse décatie et corrompue de Dol Guldur), tantôt lyrique mais toujours à couper le souffle... Qui aurait pu soupçonner qu'un simple plan de Bilbon passant la tête à travers la canopée baignée de soleil (alors que lui et ses compagnons cherchent désespérément un moyen de s'échapper de la Forêt Noire) puisse se révéler à ce point bouleversant ?
Jonglant ainsi entre scènes d'action décoiffantes et instants de poésie visuelle, Peter Jackson trouve tout de même le temps d'approfondir un peu plus ses personnages et d'en introduire de nouveaux. Outre Tauriel (dont l'intérêt, il est vrai, se limite strictement au champ de bataille), Bilbon et Co. vont croiser la route de l'archer Barde (Luke Evans) et du capricieux Maître de Bourg-du-Lac (Stephen Fry) sans oublier le morceau de choix, le terrifiant dragon Smaug, auquel Benedict Cumberbatch prête sa voix et ses expressions faciales (le face à face avec Bilbon, interprété par Martin Freeman, aura d'ailleurs une résonance particulière pour les amateurs de la série Sherlock). La bête est immense, son effroyable aspect seulement contrebalancé par son goût pour les tirades. Smaug peut passer de la plus exquise des politesses à la furie destructrice que l'on est en droit d'attendre d'une créature de cette taille en un battement d'ailes. Dans cet état, toute tentative d'entente revient à dialoguer avec le cœur fumant d'un volcan en éruption."Et mes cheveux ? tu les aimes mes cheveux ?"
Thorin et Bilbon restent néanmoins les personnages-pivots de cette suite. Tous deux commencent à ressentir le poids de leurs fardeaux respectifs qui les aliènent sensiblement. Bilbon devient de plus en plus violent à mesure qu'il succombe à l'emprise de l'anneau dérobé à Gollum dans le film précédent tandis que Thorin est prêt à un nombre croissant de sacrifices dans sa quête de l'Arkenstone, la pierre des rois nains. Le ton nettement plus sérieux permet à ces deux acteurs de grand talent d'explorer une facette plus sombre de leurs personnages. Freeman ajoute ainsi un côté sociopathe à son interprétation du maladroit et involontairement comique Bilbon Sacquet alors que, de son côté, Armitage incarne un Thorin plus imprévisible que jamais.
Benedict Cumberbatch prête sa voix au dragon Smaug
La Désolation de Smaug entre, sans se ménager, dans le vif du sujet et retrouve par la même occasion le souffle épique qui manquait cruellement à Un Voyage Inattendu. Ce segment médian de la trilogie The Hobbit n'est pas seulement plus mature, il est aussi mieux rythmé, plus dense et plus profond que son prédécesseur. Voilà qui laisse augurer du meilleur pour la suite qui sera peut être, et à notre grand dam, l'ultime excursion de Peter Jackson en Terre du Milieu.