Twilight Chapitre 3 : Hésitation
Le 07/07/2010 à 00:01Par Elodie Leroy
Adapter le tome 3 de Twilight n'était pas chose aisée puisqu'il s'agit du maillon faible de la série. Bonne nouvelle, le film contourne les défauts de rythme du roman en développant davantage sa part d'action sans toutefois négliger la romance, judicieusement condensée mais fidèlement restituée en dépit de quelques baisses de tension dramatique. Les fans se réjouiront par ailleurs du traitement réussi réservé à certains personnages secondaires (Jasper, notamment). En outre, si l'on reprochait au premier Twilight son style visuel trop lisse et au second de ressembler à un téléfilm de luxe, Twilight Chapitre 3 : Hésitation monte d'un cran les standards artistiques et techniques de la franchise. Epaulé par des effets spéciaux de qualité, David Slade confirme son sens esthétique aiguisé et délivre quelques séquences classieuses, à défaut d'améliorer le fond qui s'égare parfois dans des considérations en retard de plusieurs décennies. Les fans s'y retrouveront ; les autres se révèleront moins enthousiastes mais seront au moins convaincus par la qualité de la production.
Découvrez ci-dessous la critique de Twilight Chapitre 3 : HésitationCritique Twilight Chapitre 3 : Hésitation
On ne présente plus le phénomène Twilight, série de roman de Stephenie Meyer narrant les amours de Bella Swan et du Vampire Edward Cullen et vendue à des millions d'exemplaires à travers le monde. Un engouement qui s'explique en partie par la rareté des œuvres fantastico-gothiques s'adressant en priorité aux jeunes filles (en Occident du moins car les Japonais y avaient pensé bien avant dans leurs shojo mangas). Autour des deux personnages principaux, Stephenie Meyer a su créer son propre univers en reprenant de manière sélective les codes du genre pour y ajouter des éléments de son cru. Réalisé par Catherine Hardwicke et sorti début 2009, le premier volet de l'adaptation cinématographique parvenait à donner vie à cet univers grâce à une mise en place efficace mais décevait par des scènes d'action grandguignolesques. On lui reprochait en outre une esthétique certes soignée mais d'aspect trop lisse, trop papier glacé, en plus de quelques ratés dans les maquillages. Au contraire, le second film réalisé par Chris Weitz, Twilight Chapitre 2 : Tentation, jouait la carte d'un style visuel plus brut, davantage en accord avec le monde des Quileutes dont il était question à travers l'entrée en scène et la mutation de Jacob. C'est à David Slade (Hard Candy, 30 Jours de Nuit) qu'écope la tâche ardue de porter à l'écran le tome 3, certainement le plus difficile à adapter puisqu'il s'agit du maillon faible de la série. La bonne nouvelle, c'est que le réalisateur de l'excellent Hard Candy contourne la plupart des handicaps posés par le roman et monte d'un cran les standards artistiques et techniques de la franchise. Cependant, outre une tension dramatique inégale, certaines lignes de dialogues risquent de faire bondir...
Dans ce troisième volet, Bella (Kristen Stewart) a retrouvé son bel Edward (Robert Pattinson), plus amoureux que jamais et bien décidé à lui passer la bague au doigt. Le seul hic c'est que le père de la jeune fille n'a pas pardonné à son petit ami sa tentative de rupture. Un autre obstacle vient se mettre en travers du chemin d'Edward en la personne de Jacob Black (Taylor Lautner). Il faut dire que dans l'épisode précédent, ce dernier avait généreusement offert à la jeune fille son épaule musclée (et presque toujours nue) pour pleurer. Pendant que tout se beau monde tente de démêler l'affaire, la Vampire Victoria (Bryce Dallas Howard qui remplace au pied levé Rachelle Lefebvre) prépare sa vengeance... Disons le clairement, à moins d'être un fan inconditionnel de la série, le tome 3 de Twilight n'est pas très passionnant, avec ses 80% de bavardages plus ou moins utiles - sachant que l'écriture des dialogues n'est pas le point fort de Meyer - et son concentré d'action un peu confuse pendant les 20% restants. Sur le plan du rythme et du trop-plein de déclarations d'amour, le film Twilight Chapitre 3 : Hésitation s'en tire avec les honneurs grâce à l'écriture ingénieuse de Melissa Rosenberg. Respectueuse de l'œuvre mais consciente du déséquilibre du tome 3, la scénariste condense les échanges romantiques tout en conservant l'essentiel, et décide de montrer en parallèle certains événements censés se dérouler hors champ. Et ce dès la scène d'ouverture, à savoir le kidnapping de Riley (Xavier Samuel), une scène plutôt réussie qui flirte clairement avec le film d'épouvante grâce à la réalisation de David Slade. D'emblée, le cinéaste annonce ses intentions d'affirmer ses affinités avec le cinéma de genre. On assiste ainsi peu à peu à la montée en puissance de l'armée de vampires "nouveau-nés" que les héros combattront dans le climax, des séquences parfois très courtes mais efficaces grâce à un joli travail sur les ambiances, voire franchement classieuses lorsqu'ils font leur entrée dans la région de Forks.
David Slade nous avait déjà prouvé à travers son très inégal 30 Jours de Nuit l'importance qu'il accordait à l'esthétique de ses œuvres. Le cinéaste confirme cette qualité en redéfinissant de fond en comble le style visuel de Twilight : lisse dans le premier, fade dans le second, celui-ci devient tout simplement beau dans le troisième volet. Autant dire que David Slade insuffle enfin à la saga l'envergure qui lui faisait cruellement défaut, délivrant au passage quelques plans spectaculaires et bien dynamiques comme il faut dans l'action, le tout dans des décors somptueux et rehaussé par la composition de Howard Shore. A ce titre, il n'est plus question comme dans Tentation de faire reposer le montage sur les titres de la bande-originale. Les effets spéciaux ont eux aussi subi quelques réaménagements, notamment la meute de loups. Exit l'aspect peluche des grosse bébêtes constaté dans le second film : Jacob et sa meute bénéficient enfin d'une fourrure digne de ce nom. Avec de tels atouts dans son jeu, David Slade peut se lancer sans crainte dans des combats spectaculaires, révélant au passage un sens aigu du mouvement. Dommage que les effusions de sang présentes dans le climax du roman aient été évincées au profit d'un effet "bris de glace" lorsque les ennemis s'effondrent. C'est joli, certes, mais c'est trop propre.
Là où David Slade se montre moins convaincant, c'est lorsqu'il s'attarde sur le triangle amoureux formé par Bella, Edward et Jacob. L'humour fonctionne plutôt bien mais la tension dramatique n'est guère au rendez-vous, le final déchirant du roman ayant été évacué au profit d'un dénouement des plus niais. Sur ce plan, Chris Weitz montrait davantage de compréhension vis-à-vis des enjeux dramatiques. Cela dit, le jeu de Taylor Lautner surpasse une fois encore celui de ses deux camarades, dont les prestations s'avèrent comme toujours honnêtes mais finissent par révéler leurs ficelles. Plus que le triangle amoureux, ce sont les personnages secondaires qui valent le déplacement. A commencer par Jasper, un peu laissé à l'abandon dans les opus précédents et dont le passé se dévoile au travers un flash back morcelé et mis en scène avec élégance. Et lorsque Jasper entraîne ses troupes, Jackson Rathbone en volerait presque la vedette à Robert Pattinson. Xavier Samuel crée lui aussi la surprise dans le rôle de Riley, un personnage qu'il était si facile de faire sombrer dans la caricature et qui remportera sans mal l'adhésion des initiés. Toutefois, David Slade ne fait pas non plus de miracle : Twilight 3 ne parvient pas à redorer le blason des Volturi, décidément ratés, qu'il s'agisse de leur design manquant singulièrement de classe ou des répliques ridicules qui leur sont accordées (mention à Dakota Fanning).
Mais venons-en au sujet qui fâche. A la tirade que seuls les fans hardcore de Twilight pourront accepter sans broncher. Si passion il y a bel et bien entre Bella et Edward, force est de constater que nos héros se montrent pour l'instant extrêmement chastes. Le pompon arrive dans ce troisième épisode où Edward déballe ses théories réactionnaires sur le sexe avant le mariage. Au passage, on comprend mieux pourquoi Robert Pattinson, sans doute effrayé à l'idée de perdre en route une partie de son public, s'est dépêché avant la sortie de Twilight 3 de faire Remember Me, où il fume, boit et consomme avec sa copine ! Pour justifier les principes d'Edward, l'histoire présente le Vampire comme attaché aux idées de son époque - il est censé être né au début du siècle. La pilule a tout de même du mal à passer pour qui baigne dans une culture moderne. Cela dit, si l'on rejette Twilight pour cette seule raison, il faudra du même coup rejeter un grand nombre de productions Disney ou même de mangas pour ados. A ceci près que, dans Twilight, le sujet est abordé explicitement et c'est pourquoi on ne pourra s'empêcher d'y voir quelques relents moralisateurs. De manière complètement paradoxale, la franchise Twilight est aussi l'une des seules productions grand public pour ados où une jeune fille peut dire « je te désire » en toute simplicité à son homme. Consciemment ou non de la part de l'auteure du roman, Twilight pointe bel et bien du doigt que le désir sexuel féminin, même lorsqu'il est enfin exprimé, n'a pas fini de se heurter aux poids de traditions castratrices, toujours sous prétexte de danger. Et dans quelques décennies, lorsque l'on regardera Twilight comme le phénomène générationnel qu'il est, on y verra toutes les contradictions d'une jeunesse américaine en pleine crise de mœurs, tiraillée qu'elle est entre sa soif de modernité et les idéologies des militants pro-abstinence, très actifs depuis une dizaine d'années. Nous ne sommes pas obligés d'accepter cet aspect paradoxal de l'histoire, mais avouons au moins qu'il n'est pas dénué d'intérêt.
Date de première publication : 30 juin 2010 à 0h01