Welcome
Le 13/03/2009 à 20:05Par Kevin Prin
Sur le sujet porteur de l'émigration clandestine, Welcome a beaucoup de choses à dire et prend parti pour une approche humaine, une intention 100% louable. Malheureusement à force de vouloir prendre parti, le film de Philippe Lioret cède à la caricature et surtout au tire-larme, notamment à travers une musique répétitive et à force insupportable. De plus, Welcome joue au grand écart entre plusieurs registres qu'on aurait aimé voir approfondis : la fable, la dénonciation sociale, le drame. A ce titre on sent dans la réalisation une absence d'inspiration, que Lioret retrouve tout de même dans la toute dernière partie du film. Si les acteurs sont irréprochables et le sujet passionnant, on sort quand même déçus et un peu plombé par la lourdeur du propos. Dommage !
En dépeignant les déboires d'un jeune réfugié irakien de 17 ans débarqué à Calais, parti de son pays pour rejoindre celle qui l'aime et qui vit en Angleterre, Welcome s'aventure sur les terres du film engagé en embrassant un drame romantique comme vecteur de son scénario. Une approche purement cinématographique, propice à faire passer un message efficacement, en dépeignant sous des dehors de fable un sujet social profondément ancré dans notre actualité. La politique de notre pays ne sera (presque) jamais abordée de front mais ses conséquences construisent tout le contexte du film. Dans la grisaille de Calais, Philippe Lioret filme son histoire avec un certain naturel, en évitant toutefois de tomber dans les travers cheap d'un "téléfilm France 3 Nord-Pas-De-Calais" et tout en gardant ses qualités indéniables de direction d'acteur. Que ce soit Vincent Lindon, Audrey Dana, ou les deux acteurs Firat Ayverdi et Derya Ayverdi composant le couple d'irakiens amoureux, chacun se montre d'une justesse donnant corps à leurs personnages et envahissant l'écran.
Mais jouer le funambule sur le drame de société, le drame romantique et la fable demande énormément d'adresse, une dextérité aux exigences auxquelles le réalisateur de Je Vais bien ne t'en fais pas ne répond pas tout à fait. Certes plonger dans une certaine forme de caricature quant à la dénonciation sociale du propos est pardonnable au cinéma quant on a un message fort à passer. Les bénévoles aidant les réfugiés sont très gentils, les représentant de l'Etat chargés sur le terrain de faire le ménage sont froids et insensibles. Un portrait néanmoins nuancé sur certains aspects mais dont le postulat de base possède, forcément, des traits forcés. Là n'est donc pas le reproche principal qu'on pourrait faire à Welcome. En revanche le bât blesse lorsqu'il s'agit de traduire tous ces éléments sous forme de film à l'aide des ingrédients propres au cinéma. La réalisation est très (trop) sage et ne servira la fable cinématographique inculquée volontairement (ou involontairement ?) au film que vers sa fin, lorsque le héros entreprendra enfin de traverser la Manche à la nage. Voir ce jeune homme nager le crawl au beau milieu d'une immense mer déchaînée reste l'image forte de tout le métrage, un instant assez inoubliable se nourrissant de nos frayeurs face à la solitude. En revanche lorsqu'il s'agit d'illustrer l'histoire à travers sa musique ou ses transitions d'un genre vers l'autre, la finesse n'est plus au rendez-vous. Le thème du film au piano, composé de quelques notes lourdement tristes, revient à chaque fois s'immiscer là où nous n'en avions pas besoin, pour surligner au triple stabilo les émotions dégagées par les personnages ou l'histoire, lesquelles viennent complètement dévorer les ambitions thématiques.
Rajoutons à cela un tissage maladroit entre le drame, la dénonciation politique et la fable, et Welcome se rapproche plus de la leçon de morale que de la dénonciation sociale percutante qu'il aurait pu et dû être. Le plus regrettable alors est de constater qu'il s'agit plus de maladresses que de mauvaises intentions. Car Welcome est, malgré ses défauts, profondément humain, humble, jamais condescendant ou cynique, autant de qualités malheureusement rares dans le cinéma français. A découvrir donc pour affûter sa sensibilité au sujet, mais l'impact du film n'ira pas plus loin.