Wonderful Town
Le 12/03/2008 à 07:45Par Elodie Leroy
Notre avis
C'était il y a trois ans. En décembre 2004, un gigantesque tsunami s'abattait sur le sud de la Thaïlande, provoquant des milliers de morts chez les habitants comme chez les touristes, ravageant complètement la région de Phuket. A présent, le désastre commence discrètement à faire son apparition dans le septième art, comme vient en témoigner ce sublime Wonderful Town. Chef d'œuvre instantané, ce premier long métrage du Thaïlandais Aditya Assarat mérite bien les honneurs d'une diffusion mondiale, ainsi que la cascade de prix qui a déjà commencé à déferler sur lui.
Wonderful Town intrigue immédiatement par son atmosphère à la fois pénétrante et indéfinissable. Après un long plan sur une mer calme, presque berçante, le film amorce une première partie résolument romantique qui débute d'emblée par la rencontre de Na (Anchalee Saisoontorn), femme de chambre solitaire dans un hôtel vide, avec Ton (Supphasit Kansen), architecte en mission dans la région. Alors que ce dernier affiche clairement ses intentions de séduction, Na manifeste d'abord une certaine timidité, avant de se laisser finalement enlacer par les doux bras de l'amour. Avec une infinie délicatesse et une vraie pudeur dans l'approche des sentiments, Assarat s'attarde sur les émois amoureux de Na et Ton, qui semblent presque redevenir comme des adolescents au contact l'un de l'autre, comme si le reste du monde n'existait plus à leurs yeux. Prenant le temps de développer son histoire et d'élargir progressivement le champ de perception du spectateur sur l'environnement des personnages, un paysage en pleine reconstruction, Wonderful Town s'autorise quelques moments contemplatifs et fait partie de ces films dont le rythme s'impose avec évidence. C'est sans doute l'une des raisons pour lesquelles le glissement progressif de la romance insouciante vers la tragédie, voire le thriller, provoque une émotion et un effroi si profonds.
Au premier abord, l'après-Tsunami ne constitue qu'une toile de fond pour cette histoire d'amour simple et étonnamment touchante. Point de misérabilisme ni d'étalage des conséquences du désastre dans Wonderful Town, Aditya Assarat a le génie d'écarter d'emblée le caractère documentaire que l'on aurait pu imaginer avec un tel contexte, pour saisir de l'intérieur le traumatisme profond qui étreint les habitants et le traduire de la manière la plus inattendue. En dépit des apparences de normalité du mode de vie des personnages, l'ombre du tsunami plane bel et bien telle un fantôme sur les lieux, et cela tout au long de ce film aussi imprévisible qu'envoûtant. On la perçoit dans les bâtiments dévastés que traversent les personnages sans même plus y prêter attention, on la devine aux objets insolites laissés ça et là par quelque touriste mort ou vivant, on la décèle dans la lassitude et les regards tristes des villageois. On la ressent bien plus durement encore lorsqu'un homme et une femme deviennent la cible de persécutions pour avoir osé se rapprocher du bonheur. Une mise en relation entre le destin des êtres et celui de leur environnement qui provoque presque le vertige. En plus de révéler un réalisateur surdoué et deux comédiens exceptionnels d'authenticité, Wonderful Town est littéralement habité par la composition musicale sublime de Zai Kening, dont les guitares évoquent parfois celles d'un Gustavo Santaolla, et de Kôichi Shimizu, dont les ambiances aériennes nous avaient déjà hantées dans Syndromes and a Century ou encore dans le récent Ploy. En tout cas, s'il est une certitude après avoir vu Wonderful Town, c'est qu'il va falloir retenir le nom de Aditya Assarat.