.hack//G.U. Trilogy
Le 24/10/2008 à 16:57Par Caroline Leroy
Sorti en mars 2008 dans les salles japonaises, .hack//G.U. Trilogy marque une nouvelle étape dans la vaste saga dot hack, initiée six ans plus tôt par Hiroshi Matsuyama, président de Cyber Connect 2. Après s'être décliné en jeux vidéo, en séries télévisées, en mangas voire en jeux sur téléphone portable, le projet .hack s'empare à présent des écrans de cinéma, et ce non sans y mettre les moyens puisque le film est réalisé entièrement en images de synthèse. L'autre aspect inédit de .hack//G.U. Trilogy concerne son réalisateur : alors que toutes les séries TV et les OAV ( .hack//SIGN, .hack//Liminality, .hack//Legend of the Twilight, .hack//Roots...) ont été dirigés jusqu'à présent par Koichi Mashimo, c'est Hiroshi Matsuyama lui-même qui prend cette fois les rênes de ce qui apparaît comme le chapitre le plus ambitieux du projet multi-supports.
Pour resituer un peu la chronologie des événements, il faut savoir que .hack//G.U. Trilogy s'intègre dans le deuxième arc du projet, .hack//G.U.. Contrairement à ce que l'on observait dans le premier arc qui débutait en 2002 avec .hack//SIGN et se poursuivait notamment avec les jeux .hack//INFECTION, .hack//MUTATION, .hack//OUTBREAK et .hack//QUARANTINE, et les OAV .hack//Liminality ou encore .hack//Intermezzo, l'ensemble .hack//G.U. reprend les mêmes personnages d'un support à l'autre, parmi lesquels Haseo, le héros, Ovan et d'autres. Ce deuxième acte débute sur la série .hack//Roots, prequel des trois jeux .hack//G.U. dont .hack//G.U. Trilogy constitue en quelque sorte une version alternative. Le jeu virtuel The World vient de renaître sous sa forme The World R:2 après qu'un incendie a dévasté les locaux de CC Corp en 2015. S'il s'impose rapidement comme le premier MMPOG (jeu massivement multijoueurs) du monde, un gros souci demeure : il est à présent infesté par les PK alias "Player Killers", sombres individus à qui l'on doit les multiples rebondissements de .hack//Roots. C'est justement l'un de ces PK qui a tué Shino, l'amie de Haseo. Et c'est précisément aux conséquences de cette perte douloureuse pour le jeune garçon que préfère s'intéresser Hiroshi Matsuyama dans .hack//G.U. Trilogy.
Autant le dire tout de suite, le Haseo gentil et un peu à la masse de .hack//Roots n'est plus : il laisse place dans .hack//G.U. Trilogy à la "Terreur de la mort" comme on le surnomme, sorte de bête vengeresse plongé dans un état d'hystérie permanent et prête à tout pour dézinguer les bourreaux de la défunte Shino. Le hasard veut que Haseo fasse la connaissance de Atoli, une autre joueuse qui ressemble comme deux gouttes d'eau à celle-ci - phénomène dont l'explication se laisse aisément deviner puisque l'on se trouve dans un jeu virtuel. Mais Atoli n'est pas Shino, même si elle se prend rapidement d'affection pour Haseo. Contrairement aux séries animées .hack qui tournent autour de quelques protagonistes mais nous invitent simultanément à découvrir une multitude de personnages secondaires - même .hack//Roots -, le film se concentre sur trois individus seulement, les autres en étant réduits à faire plus ou moins tapisserie. Haseo, Atoli et le mystérieux Ovan sont ainsi au tout premier plan de ce drame d'action assez unique en son genre. Non pas que la dimension psychologique affichée soit des plus recherchées ; la quête de Haseo reste somme toute assez basique dans sa trame, de même que le tourment de Atoli, jeune fille très seule et incomprise que l'on aurait aimé voir étoffé davantage. Mais le fait que ce caractère dramatique soit si assumé tout au long de l'intrigue n'en demeure pas moins original, voire très surprenant lorsque l'on se rappelle que le film constitue la variante du scénario d'un jeu vidéo d'action.
Cette couleur dramatique voire tragique par moments s'intègre dans un ensemble étonnant lui aussi. L'intention de Hiroshi Matsuyama est clairement de fusionner les univers du dessin-animé et du jeu vidéo, et force est de constater qu'il y parvient. A la différence d'un Appleseed (et sa suite Appleseed: Ex Machina) où la 3D sert des desseins réalistes pour un résultat parfois déroutant, .hack//G.U. Trilogy ne souffre d'aucune dissonance avec son univers d'origine. Les personnages conservent un design stylisé similaire à celui qu'ils affichent dans .hack//Roots - Haseo est peut-être le seul à différer légèrement de son pendant 2D - et les légers flottements accusés par le procédé d'animation de synthèse ne dérangent cette fois pas outre mesure tant ils évoquent une version "upgradée" des cinématiques des jeux. Les décors variés au rendu particulièrement soigné représentent les éléments les plus réalistes du film, esthétiquement parlant, mais les personnages n'en donnent pas moins l'impression d'être parfaitement à leur place. Cette association entre animé et jeu vidéo distingue .hack//G.U. Trilogy d'un autre film-référence japonais en 3D lui aussi adapté d'un jeu, à savoir Final Fantasy VII: Advent Children. Si ce dernier s'impose comme indéniablement supérieur d'un point de vue technique, le film de Matsuyama ne souffre pas vraiment de la comparaison car la démarche n'est tout simplement pas la même.
Au vu de la réussite formelle que représente .hack//G.U. Trilogy eu égard aux intentions de départ, on ne peut s'empêcher de se dire que Hiroshi Matsuyama aurait peut-être justement dû pousser encore plus loin la singularité de ce cocktail en complexifiant l'intrigue et les personnages pour éviter les clichés. Le personnage de Ovan est en effet sans doute le seul à échapper à cet écueil, Haseo restant très unidimensionnel et Shino un peu trop nunuche pour émouvoir réellement. C'est d'autant plus dommage que la dernière partie du film réserve quelques moments de poésie qui auraient mérité de gagner en intensité. On regrettera par ailleurs une bande originale très fonctionnelle et impersonnelle, à des années lumières du travail de Yuki Kajiura sur .hack//SIGN ou de celui de Ali Project sur .hack//Roots. Tout cela n'empêche pas .hack//G.U. Trilogy de se laisser savourer comme un divertissement plaisant, à la fois rythmé et joliment mis en scène, notamment dans ses scènes d'action ultra dynamiques.