Jodhaa Akbar : Bollywood en DVD
Le 02/12/2008 à 16:33Par Yann Rutledge
Notre avis
Il y a fort à parier que même les plus réfractaires au cinéma bollywoodien se laisseront prendre au film tant celui-ci est à mille lieues de l'habituel esthétique factice et clinquante des grosses productions hindi. Ashutosh Gowariker, le réalisateur de Lagaan, offre avec Jodhaa Akbar une somptueuse histoire d'amour entre le Grand Empereur musulman Moghol Jalaluddin Muhammad Akbar (interprété par Hrithik Roshan) et la princesse Rajput, Jodhaa (la sublime Aishwarya Rai), deux êtres que la religion sépare mais que l'amour et le destin finiront par unir. Une histoire qui a certes été vue et revue un bon millions de fois mais qui fonctionne pourtant ici à merveille, aidée il est vrai comme dans toute production bollywoodienne par la prestation de deux interprètes au charisme fulgurant. Bien qu'elle ait dû porter des lentilles brunes sur ses yeux vert, Aishwarya Rai Bachchan est ici plus belle que jamais (elle est encore plus craquante lorsque ses yeux sont embrumés de larmes...), et Hrithik Roshan en homme droit, incorruptible et franc ferait presque oublier le grand Andy Lau. Même le spectateur qui considère qu'être fleur bleu signifie être une chochotte ne pourra se retenir de verser une petite larme à l'entracte pour finalement chercher gorge serrée du réconfort sur l'épaule de la jeune demoiselle assise à ses côtés. C'est ça l'effet Jodhaa Akbar.
Les fanatiques des films bollywoodiens vont en revanche être un poil déçus en constatant que les deux super-stars ne se lancent jamais dans un ou deux pas de danse et que ce n'est que timidement qu'ils se mettent à pousser la chansonnette. Ceux que les intermèdes musicaux bollywoodiens énervent à cause de leur déconnection totale du récit vont à l'inverse apprécier. Traités avec une très grande sobriété et sans jamais empiéter sur la trame principale, ces intermèdes font véritablement avancer l'histoire. Tout comme dans les bons wu xia pian (films de sabre chinois) où les séquences martiales ne font pas simplement office de remplissage mais sont littéralement les moteurs de l'histoire, alimentant celle-ci en enjeux et étoffant la psychologie des personnages, les séquences musicales de Jodhaa Akbar sont pour Ashutosh Gowariker l'occasion de présenter de façon purement cinématographique (avec une maigre utilisation de dialogue) le milieu dans lequel a grandi l'Empereur (séquence du chant qawali), la déclaration d'amour de l'Empereur et de sa femme, la gloire du peuple à son Empereur, etc. Chaque séquence possède une véritable utilité narrative et n'est pas présente par simple plaisir clipesque de voir ses idoles chanter et danser.
Côté déception, on regrettera tout de même que la toile de fond politique de Jodhaa Akbar se soit pas traitée avec autant de rigueur que son histoire d'amour. Ca a beau comploter dans tous les sens, on ne s'y intéresse finalement pas plus que ça, toute notre attention étant portée sur le couple. Dommage car ce portrait d'un Empereur qui en a assez de suivre les recommandations de ses conseillers et qui veut s'affirmer comme un rassembleur plus que comme un conquérant n'est pourtant pas sans intérêt, surtout dans le contexte socio-politique contemporain de l'Inde. On passera rapidement sur les influences qui se font sentir à la vision du métrage (du peplum épique Troie, à Hero et Tigre et Dragon pour les duels au sabre), Bollywood ayant toujours manifesté (à l'instar de Hong-Kong, d'ailleurs) une propension notoire à reproduire pour son propre compte les schémas et imageries populaires fonctionnant ailleurs. Ca fait partie du contrat tacite entre le spectateur et le film.
Mais ce ne sont que quelques menus défauts perdus au milieu de trois heures de vrai spectacle comme Hollywood n'en fait plus. En ces temps de crise, il devient plus que nécessaire de savoir s'évader devant un film simple et beau. Plutôt que de regarder pour la énième fois les Ch'tis, faîtes vous plaisir, ruez-vous sur Jodhaa Akbar.