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La Légende de Fong Sai-Yuk

Le 14/01/2009 à 07:38
Par
Notre avis
9 10

Quinze ans après sa sortie à Hong Kong, La Légende de Fong Sai-Yuk n'a pas pris une ride et reste non seulement l'une des meilleures réalisations de Corey Yuen mais aussi l'un des films les plus réjouissants de la filmographie de Jet Li. Divertissement populaire assumé, La Légende de Fong Sai-Yuk n'en est pas moins un film d'aventures artistiquement ambitieux, un film d'action de haute volée mais aussi une comédie très attachante. A la différence du tout venant du cinéma populaire local de l'époque, La Légende de Fong Sai-Yuk bénéficie en effet d'un scénario digne de ce nom qui s'intéresse au parcours initiatique de son héros tout en dressant une vraie satire de la famille chinoise traditionnelle. Enchaînant les situations rocambolesques à une cadence effrénée, le film met en scène une galerie de personnages hauts en couleur dont on retiendra surtout le tandem irrésistible formé par Fong sai-Yuk et sa mère, campée par Josephine Siao.

Dans les séquences d'action époustouflantes qui ponctuent le film et qui participent d'ailleurs pleinement à développer le récit, Jet Li est défié par des adversaires toujours plus redoutables, parmi lesquels on découvre pour la première fois Zhao Wen-Zhuo, impressionnant, le temps de deux séquences mémorables mêlant avec bonheur le kung-fu traditionnel et la fantaisie avec une inventivité de chaque instant et une formidable gestion du rythme. Un pur régal, un classique du genre.

La Légende de Fong Sai-Yuk

Réalisé en 1993, La Légende de Fong Sai-Yuk marque la première collaboration à l'écran entre l'icône des arts martiaux Jet Li et le chorégraphe et réalisateur Corey Yuen Kwai. A l'époque, Jet Li vient tout juste de quitter la saga Il était une fois en Chine et de mettre fin à sa collaboration avec Tsui Hark. Afin de s'affranchir de la Film Workshop et de la Golden Harvest, il fonde sa propre compagnie, la Eastern Productions, qui produira entre autres sept films dont il sera la vedette : les deux Fong Sai-Yuk (1993), les classiques que sont Tai Chi Master (1993) et Fist of Legend (1994), les très divertissants La Légende du Dragon Rouge (1994) et Dr Wai (1996), et le nanar hilarant Bodyguard from Beijing (1994). A la sortie de La Légende de Fong Sai-Yuk, le pari de l'acteur devenu producteur s'avère gagnant puisque le film connaît à Hong Kong et en Asie un grand succès auprès d'un large public, au point qu'une suite verra le jour immédiatement dans la foulée.

 

La Légende de Fong Sai-Yuk

 

 

Si La Légende de Fong Sai-Yuk surfe indéniablement sur la vague Il était une fois en Chine, qui avait remis au goût du jour et renouvelé le cinéma d'arts martiaux en costumes, cette savoureuse comédie d'action signée Corey Yuen n'en demeure pas moins l'une des meilleures productions que le genre nous ait offert durant cette période regrettée du cinéma d'action de Hong Kong. Un cinéma qui savait offrir du divertissement à l'état pur, qui savait toucher tout autant l'amateur d'arts martiaux de haut niveau que le public de ces comédies loufoques dont l'ex-colonie britannique avait alors le secret. Bénéficiant d'un véritable scénario, La Légende de Fong Sai-Yuk joue sur les deux tableaux avec le même succès, déployant des trésors d'inventivité dans les scènes d'action tout en enchaînant gags et situations rocambolesques avec un rythme effréné. Les superbes démonstrations de kung-fu traditionnel s'agrémentent d'ailleurs de touches d'humour presque cartoonesques sans jamais verser dans la vulgarité comme cela aurait été le cas dans une production Wong Jing (auquel un clin d'œil est fait dans le film, d'une manière qui lance une véritable pique à Tsui Hark). Le tour de force est d'être parvenu à instiller un peu de drame à cette histoire à dormir debout, à travers des scènes d'émotion qui fonctionnent toujours aussi bien, même lorsque l'on redécouvre le film des années après.

 

La Légende de Fong Sai-Yuk

 

 

Comme dans tout récit épique qui se respecte, La Légende de Fong Sai-Yuk est une affaire d'héroïsme, le personnage titre effectuant tout au long de l'histoire un véritable parcours initiatique. Présenté d'abord à travers ses exploits, il apparaît cependant vite comme un garçon turbulent, puéril voire arrogant - aux antipodes de l'image du sage qui collait à la peau de Jet Li suite aux Il était une fois en Chine. Pour son passage à l'âge adulte, Fong Sai-Yuk se confronte à la notion de choix, de responsabilité et d'engagement, doit faire face à la mort et à la perte d'un être cher. Et comme c'est presque toujours le cas dans les récits héroïques, il découvre bien sûr ses premiers émois amoureux, ce qui peut paraître comique quand on sait que l'acteur était alors âgé d'une trentaine d'années. Outre Fong Sai-Yuk lui-même, l'autre attraction du film s'avère bien vite être sa mère, interprétée par Josephine Siao Fong-Fong, star du cinéma cantonais des années 50-60. Une mère qui, comme le souligne Corey Yuen dans l'interview présentée sur le DVD, se comporte davantage comme une soeur, voire comme une enfant, entretenant avec son fils une complicité hors du commun, au point que le père incarné par Paul Shu Kong (The Killer) semble vite hors du coup. Josephine Siao se glisse dans la peau de son personnage avec un rare sens de la comédie et on lui doit la plupart des fous rires provoqués par le film. A noter que la comédienne retrouvera le trio Corey Yuen/David Lai/Jeff Lau non seulement dans le second opus mais aussi dans le sympathique Mahjong Dragon trois ans plus tard.

 

La Légende de Fong Sai-Yuk

 

 

Si la loyauté et la piété filiale sont au cœur des préoccupations comme dans bon nombre de films du genre, La Légende de Fong Sai-Yuk est pourtant loin de représenter la cellule familiale de manière idyllique. Le thème des violences familiales est amené de manière pour le moins originale puisque, comme pour ne pas brutaliser le public du film, le ton reste décalé et léger tout du long. Il n'empêche que les joutes familiales dont la maison des Fong est le théâtre fustigent au passage l'obsession du paraître chez l'homme chinois traditionnel, qui doit montrer le visage d'un chef de famille dominateur devant de ses pairs, au mépris du bien être de ses proches. Dans les deux familles, celle des Fong et celle de Tiger Liu (Chan Chun Yun, impayable), ce sont les femmes qui maîtrisent le kung-fu, comme pour signifier que ce sont elles qui encaissent les coups durs, leur devoir consistant à faire en sorte que leur époux récolte ensuite tous les mérites. Mais si les scènes de ménage des Fong se cantonnent au registre comique, le versant tragique du propos s'exprime bel et bien à travers le destin de la famille de Tiger Liu, dont l'égoïsme pathologique finira par coûter cher aux siens. A travers ce personnage, le père de famille traditionnel en prend décidément pour son grade. En outre, l'incroyable quiproquo entre son épouse Siu-Wan (Sibelle Hu) et la mère de Fong Sai-Yuk, déguisée en jeune homme pour le tournoi de kung-fu (le fameux Fong Tai-Yuk), s'avère mine de rien très subversif. Faisant d'une pierre deux coups, ce malentendu constitue bien entendu une évocation de l'amour lesbien, thème nécessairement abordé de manière détournée puisque l'homosexualité est alors passible de prison à Hong Kong (dans la même lignée, on citera He's a Woman, She's a Man de Peter Chan où un homme se croit homosexuel lorsqu'il tombe amoureux d'une femme déguisée en homme). On peut aussi décrypter ce malentendu sous l'angle de la découverte du désir de romance et de la sexualité par une femme mariée depuis son plus jeune âge et habituée à s'effacer derrière son époux. Soulignons au passage l'utilisation tout au long du film de la poésie pour se substituer totalement au sexe.

 

La Légende de Fong Sai-Yuk

 

 

Le passage à l'âge adulte de Fong Sai-Yuk se concrétise aussi par une prise de conscience de son environnement politique. Car il n'est point de héros sans contexte d'oppression qui lui permette d'exprimer sa loyauté envers les siens. Si le leader de la Red Flower Society apparaît sous les traits d'Adam Cheng (Zu, les guerriers de la montagne magique), la tyrannie mandchoue est personnifiée par le Gouverneur des Neuf Portes, campé par un certain Zhao Wen-Zhuo (en cantonais Chiu Man-Cheuk) que les fans de Tsui Hark connaissent bien. Deux fois champion de Chine de Wushu, recruté directement à l'université de Pékin par Corey Yuen et Jet Li, le jeune acteur alors âgé de 19 ans fait ici ses premiers pas au cinéma avant d'être récupéré par Tsui Hark pour prendre la succession de Jet Li dans la saga Il était une fois en Chine, interpréter le moine de Green Snake et bien sûr camper le sabreur manchot de The Blade. Dans La Légende de Fong Sai-Yuk, il est le principal challenger de Fong Sai-Yuk, dont le côté superhéros est mis à mal dès lors que ce sombre personnage entre en scène. Exploitant comme toujours habilement les particularités martiales de ses combattants, Corey Yuen assisté de Yuen Tak met l'emphase sur la différence de gabarit entre les deux acteurs mais aussi leurs points forts respectifs, pour Jet Li la vivacité et le jeu de jambes, pour Zhao Wen-Zhuo la force et la virtuosité des techniques de bras. On obtient deux séquences aussi époustouflantes qu'esthétiques, les deux opposants virevoltant à cent à l'heure au rythme de chorégraphies recélant au moins une trouvaille à la seconde. Autres scènes d'action marquantes, l'affrontement contre Siu-Wan et l'intrusion de Fong Sai-Suk au palais pour venir chercher son ami, toutes ces séquences s'intégrant magnifiquement dans la narration, accompagnées qu'elles sont d'une bande originale très entraînante.

 

La Légende de Fong Sai-Yuk

 

 

Véritable régal à tous les niveaux, La Légende de Fong Sai-Yuk n'a pas pris une ride et méritait bien une belle restauration. Le second opus qui suivra, La Légende de Fong Sai-Yuk II, sera plus bancal - la légende veut qu'il aurait été mis en chantier avant que le scénario ne soit achevé - mais offrira tout de même un divertissement de qualité. Fong Sai-Yuk sera pris entre deux femmes farouches et devra une fois de plus faire face à une galerie de méchants redoutables, ce qui donnera lieu à un climax comportant quelques moments d'anthologie.






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