See No Evil
Le 16/12/2008 à 15:21Par Arnaud Mangin
Cela faisait bien, allez... quelques jours qu'on n'avait pas vu un massacre d'adolescents dans un film américain. En revanche, la dernière fois que le spectacle valait le détour remonte à quelques dates éloignées dans nos souvenirs. "Ping, pang, boum, j't'écrase, j'te tue, tu cries !" : c'est toujours à bras ouverts que l'on accueille un bon slasher des familles s'il est fait avec un certain amour - ou au moins respect - du genre. Or, excepté quelques surprises sympa (Jeepers Creepers, La Maison de cire), et suites ou remake plus ou moins dignes, le dernier vrai bon gros boogeyman barbare à s'être manifesté sur les écrans doit actuellement s'offrir une petite retraite pépère. Le relais ayant été pris malheureusement par une tendance foireuse d'assassins qui passent des coups de fil planqués dans le placard. Amis du Z sans prétention, réjouissez vous, car See No Evil répare - un peu - ce manque en proposant un film d'horreur vraiment calibré pour un public pré pubère et sans surprise, mais surtout un méchant comme on les aime : bourrin, musculairement privilégié, et ne faisant jamais dans le détail. Images à l'appui. Avec son visage de bovin agité mais au regard d'agneau, Jacob Goodnight (c'est son nom, interprété par le catcheur Kane) est surtout un fier représentant de la laïcité démonstrative. Ben oui, la morale puritaine ça va deux minutes...
See No Evil se paye donc un boogeyman de luxe, et c'est ce qui en fait son meilleur atout. Son truc à Jacob, ce sont les yeux. Et son vrai gros kiffe, c'est de carrément les arracher à mains nues, avec ses gros ongles dégueulasses, sur ses victimes encore conscientes. Et par conséquent, pas consentantes. Il les aime les yeux, il les récupère et il les collectionne dans des bocaux parce que son gros trauma freudien remonte bien évidemment à l'enfance (Jason, Michael Myers et consorts sont aussi passés par là), lorsque sa fanatique de mère l'obligeait à se farcir des bondieuseries à tour de bras, enfermé dans une cage. Jacob ne fait donc plus dans le détail et supprime toutes les laideurs du monde à leur source, dans le regard innocent de la nouvelle génération. En s'acharnant un peu plus explicitement sur ceux qui sont porteurs de signes religieux plus ou moins ostentatoires. Dans le doute - parce qu'au pays de Jésus et ses potes, rien n'est certain - il préférera d'ailleurs massacrer tout le monde. Quelles que soient les valeurs intrinsèques définitives de Jacob, en tuant tout le monde, il aura eu raison. Pour connaître le fin de mot l'histoire, on vous laisse découvrir le film et ses deux ou trois révélations sympas...
En tout cas, pour Jacob c'est la fête puisque c'est dans son hôtel, dans son trou à rat, que les petites frappes sont invitées à faire le grand nettoyage sans même se douter qu'ils feront eux-mêmes office de balais serpillières. Celles qui ont les cheveux longs sont donc condamnées d'avance. Nous voila à peine entrés dans le décor macabre, et c'est le second atout du film qui fait son apparition : si le montage, la réalisation et le rythme sont par moments discutables, plastiquement le film est réellement splendide. Loin des résidences pavillonnaires et forêts qui font généralement office de terrain de jeu pour ce genre de production, on nous dessert ici plus ou moins volontairement un léger hommage à Robert Wise, en lâchant un assassin dans un vrai décor de maison hantée. La photographie n'est pas en reste, et impose un style visuel vraiment soigné. Tout est là, parfaitement en place pour l'ambiance, les djeuns correspondent aux clichés qu'on attendait (beaux, stupides, branchés, frimeurs, et portés sur le frotti-frotta tout habillé), et les portes sont verrouillées à double tour. Le spectacle peut commencer !
"Youpi Tralala... je meurs dans 15 secondes..."
Et le spectacle commence très rapidement. Une bonne chose, malgré le fait qu'on n'échappe pas aux conventionnelles présentations avec des personnages dont on se fout royalement (et diablement mal interprétés) ainsi que le minimum syndical de mise en place. En revanche, c'est dans sa seconde partie que le film acquiert son statut de divertissement honnête en restant dans son genre, mais en y allant franco et crescendo. D'une part, les scénaristes ont pigé que sur 1h20 de métrage, on avait largement la place de débiter des sosies de (ici sosie de Paul Walker, de Heather Graham, etc), mais aussi celle de raconter l'histoire de son monstre en détail, avec la quasi certitude de nous épargner de futures suites/préquelles devenues à la mode. Et une histoire loin d'être inintéressante par ailleurs - dans le registre, soyons clairs - puisqu'elle suit de près son charismatique personnage, pour la première fois dans le vrai rôle principal, en train d'évoluer. Une évolution psychologique (eh oui !) mais aussi une évolution tactique puisque l'on comprend enfin pourquoi les méchants costauds sont toujours cachés juste derrière les jeunes filles apeurées, pile au bon moment. C'est pas forcément fin (pas plus que la réalisation qui plonge sa caméra dans la cavité oculaire toute fraîche d'une jeune femme), mais être au plus près de l'assassin qui poursuit ses victimes plutôt que le contraire donne une petite sensation de renouvellement.
Là où le film se lâche totalement, et c'est un peu ce que nous en attendions, c'est bien évidemment dans ses scènes de meurtres. Une fois encore, un slasher, c'est un porno, et on s'empressera systématiquement de foncer sur les séquences de charcutage qui ont ici le mérite d'aller jusqu'au bout de leur idée. D'une part, c'est très souvent grotesque et forcément savoureux (le style Jason Vorhees est bien là), avec des idées de mise à mort d'une grande efficacité. On crève bien évidemment d'envie de vous en citer quelques exemples, mais les petits effets de surprise valent franchement leur pesant de cacahuètes. La mort finale étant un summum d'acharnement. Guettez d'ores et déjà les lances à incendie servant de corde ou les téléphones portables qui trouvent ici une nouvelle propriété. Mais c'est surtout assez gore et poussif, au point de contredire les anciennes maximes sur l'efficacité de la suggestion. Une gorge trouée est une gorge trouée, et la moindre perforation est longuement mise en évidence avec un certain sadisme, dévoilant ici et là, os ou morceaux de cuir chevelu. Les coups de couteaux hors champs, c'est du passé...
Ne nous y trompons pas. See No Evil ne réinvente absolument rien, ne pisse pas très loin, et se contente d'exister sans tambour ni trompette avec ses défauts (déjà vu, rythme inégal, quelques mauvais tics clipesques) mais surtout avec sa qualité. Celle de vouloir amuser en restant honnêtement et fidèlement dans la tradition d'un sous-genre trop mal aimé. Avec quelques éclats de rires francs du collier provoqués par des meurtres qui ne le sont pas moins, See No Evil peut trôner fièrement aux côtés des maîtres incontestés du genre que sont Freddy et Jason. C'est tout ce qu'on lui demandait, les érudits apprécieront.