The Unseeable
Le 20/03/2009 à 01:18Par Elodie Leroy
Après le western parodique Les Larmes du Tigre Noir et la comédie romantico-fantaisiste Citizen Dog, Wisit Sasanatieng s'essaie à un registre plus conventionnel, le film d'épouvante, un genre qu'il aborde avec un peu plus d'humilité que les précédents. Si The Unseeable laisse parfois apparaître quelques ficelles évidentes du genre, le cinéaste apporte l'élégance de sa mise en scène à une histoire plutôt bien menée, soutenue par une atmosphère visuelle et sonore inquiétante laissant parfois place à quelques notes de poésie. Un bel exercice de style.
Si les fantômes thaïlandais n'avaient jusqu'à présent guère réussi à nous faire trembler, les quelques réussites du genre (Nang Nak, Le Pensionnat) valant davantage pour leur charge émotionnelle que pour leur potentiel horrifique, ce nouveau film de Wisit Sasanatieng fait un léger pas en avant en nous plongeant dans une ambiance oppressante pendant un peu plus d'une heure et demie. Plantant son décor dans une vieille auberge cernée par la forêt et où se réfugient des femmes errantes, ce huis clos nous introduit progressivement dans un environnement hanté par des spectres en tous genres sur fond de drame sentimental. Personnage récurrent dans les films d'épouvante s'inspirant du folklore thaï, la femme enceinte occupe le devant de la scène. Lancée à la recherche de son mari, dont elle attend un enfant depuis plusieurs mois, Nualjan s'installe dans ce lieu inquiétant et tente de percer le mystère qui entoure ses habitants, soupçonnant un lien avec la disparition de l'homme qui lui est cher.
A la différence de ses précédents longs métrages où il avait à cœur d'imprimer sa marque à chaque plan, au point de verser dans l'overdose d'idées visuelles et d'en devenir presque irritant, Wisit Sasanatieng s'assagit légèrement avec The Unseeable puisqu'il œuvre dans un genre encadré par des conventions précises. Conventions dont il ne cherche pas à s'affranchir mais qu'il tourne intelligemment à son avantage en créant un véritable univers visuel et sonore pour accompagner la quête étrange de son héroïne. Les lentes explorations de cette dernière dans la demeure de Madame jouent tout autant sur le hors champ que sur les brèves apparitions de fantômes en arrière plan, conférant l'impression permanente que les moindres faits et gestes de la jeune femme sont observés.
Si l'on décèlera sans mal les ficelles utilisées pour créer l'effroi, notamment l'utilisation parfois abusive d'effets sonores, force est d'admettre que l'on se laisse happer par cette histoire moins prévisible qu'il n'y paraît. A défaut d'être révolutionnaire, le scénario réserve quelques surprises et met à l'honneur la confrontation entre des personnages ambigus à souhait joués par des comédiennes impeccables. L'élégance de la réalisation est soutenue par une unité visuelle des plus agréables à l'œil et fait poindre quelques notes de poésie au sein de cette noirceur, le cinéaste prouvant une fois de plus son goût pour les esthétiques rétro (ici, les années 30). Certes, The Unseeable n'est pas l'œuvre la plus personnelle de Wisit Sasanatieng, mais elle n'en demeure pas moins un bel exercice de style, que l'on peut voir soit comme un long métrage plus humble que ses précédents soit comme un intermède plaisant en attendant ses prochaines expérimentations.