Inglourious Basterds : le nouveau montage

Suite à la projection cannoise de Inglourious Basterds qui engendra un accueil au mieux mitigé mais souvent très négatif, Quentin Tarantino annonça qu'il retournerait en salle de montage pour modifier son film, sans plus de précisions. Il n'en fallait pas moins pour lancer les rumeurs les plus folles, notamment celle annonçant que Tarantino allait baisser la durée de son film de 2h28 à 2h00, pour permettre un plus grand nombre d'entrées par jour au cinéma lors de sa sortie. En effet, la situation de la Weinstein Company est critique depuis quelques mois et la rumeur cours que Inglourious Basterds et Halloween 2 sont les films de la dernière chance pour Bob et Harvey, qui misent tout dessus.

Après vision du nouveau montage de Inglourious Basterds, la première surprise est de taille : la durée du film est toujours de 2h28 ! Quentin Tarantino n'a apporté que de très légères modifications à son montage, enlevant un ou deux bouts de plans, changeant le montage de deux autres, et rajoutant un bout de scène. Des changements qui ont tout de même des conséquences mais nous sommes très loin des longues coupes espérées ou craintes selon les penchants.

Le générique :

Un commentaire sans réel fondement revenait souvent à la sortie de la salle à Cannes, affirmant que le générique de début de Inglourious Basterds n'était pas terminé. Un commentaire totalement erroné puisque celui-ci est strictement identique dans le montage définitif, jusque dans le mixage du début de la première scène du film où les dialogues sont "anormalement" noyés par la musique. Un effet 100% volontaire, en hommage certainement aux mixages un peu faits à la va vite dans certains westerns spaghettis, un genre auquel cette première scène rend hommage. Oui le parti pris est (très) contestable, mais indéniable en tant que tel.

Introduction du personnage de Mélanie Laurent :

Montage Cannes : Dans la version présentée à Cannes, le film basculait à Mélanie Laurent au bout d'une demi-heure, laissant de côté tous les personnages évoqués jusqu'à ce moment. 20 minutes encore plus tard, apparaissait subitement le Colonel SS Hans Landa (Christoph Waltz), engendrant la pétrification du personnage de Mélanie Laurent : un plan-flashback très rapide nous permettait alors de comprendre qu'il s'agissait en fait de Shosanna Dreyfus, quatre ans après la première scène du film, où elle avait survécu à Landa qui venait de tuer toute sa famille. L'effet était vraiment efficace : après 20 minutes passées avec elle, on comprenait d'un seul coup qui elle était vraiment et qu'elle vivait donc dorénavant sous un faux nom.

Montage cinéma : La première apparition de Mélanie Laurent à l'écran est dorénavant accompagnée d'un carton "Shosanna Dreyfus - 4 ans plus tard". Tarantino a décidé de faire une croix sur ces vingt minutes de mystère, une décision assez incompréhensible puisque la double lecture qu'elles entraînaient donnait de la consistance à l'histoire de Shosanna. Tarantino avait-il peur de perdre ses spectateurs en ne leur révélant que vingt minutes plus tard sa véritable identité ?

Mais là où le bât blesse est dans la présence, toujours, du plan-flashback quand 20 minutes plus tard le colonel Landa apparaît. Non seulement on nous explique dorénavant d'entrée de jeu la véritable identité du personnage de Mélanie Laurent, mais dorénavant on nous l'explique une seconde fois vingt minutes plus tard ! Une erreur qui alourdit la narration !

L'auberge

Une autre scène a subit une "grosse" modification, de seulement deux minutes en fait. Dans le chapitre du film "Operation Kino" où Michael Fassbender interprète un officier anglais s'infiltrant chez les allemands, le premier plan montrait une auberge dans le village de Nadine. Si dans la version cannoise nous passions directement à la salle de l'auberge où allait se dérouler toute l'action, et où nous découvrions des allemands en train de jouer et de boire, une petite scène a été rajoutée, se déroulant au premier étage de l'auberge où se planquent les Basterds. Brad Pitt, Eli Roth et Til Schweiger participent à cette scène, discutant des dangers de ce lieu de rencontre, truffé de nazis alors qu'il ne devait y en avoir aucun.

Si cette scène donne un tout petit peu plus de consistance au personnage de Til Schweiger alors qu'il était quasiment inexistant dans le montage présenté à Cannes, ainsi qu'à Brad Pitt qui gagne une scène de plus alors qu'il n'en avait que six, elle n'apporte pas grand chose à l'histoire. Tout juste sommes-nous plus conscient du danger qu'encourent dans la suite des évènements les personnages, infiltrés en nazis, ce qui explique la nervosité de celui incarné par Michael Fassbender. Mais était-ce vraiment nécessaire ? Non, là encore l'histoire est "plus" expliquée au spectateur.

Conclusion : Même si les conséquences sont minimes, elles sont bel et bien là : l'histoire est aplanie sur deux scènes, le but étant de moins perdre le spectateur et être sûr qu'il comprendra tout de cette histoire de 2h28. De la part du réalisateur des complexes Pulp Fiction et Jackie Brown, ces modifications suivent donc un raisonnement aberrant (et seront autant de pièces prouvant que le Tarantino d'avant n'est vraiment plus celui d'aujourd'hui). Mais il faut néanmoins relativiser : l'histoire de Inglourious Basterds est très linéaire déjà à l'origine.

Retrouvez notre critique complète de Inglourious Basterds, rédigée à Cannes et qui, vu le peu de différences proposées par le montage modifié, reste d'actualité.