Bienvenue au Cottage : Interview
Le 08/07/2008 à 14:52Par Arnaud Mangin
Sortant cette semaine sur les écrans, Bienvenue au Cottage est le petit OVNI en provenance d'Angleterre qu'on ne peut que vous conseiller d'aller découvrir. Un peu fou, gore, drôle, et transpirant une vraie cinéphilie de genre, le film de Paul Andrew Williams s'impose comme un divertissement particulièrement soigné. A l'occasion de sa visite à Paris, nous sommes allés à sa rencontre, prendre un petit déjeuner en sa compagnie dans un petit salon niché au cœur de Montmartre.
Le croisement des genres si opposés est encore assez rare au cinéma aujourd'hui, parce qu'il faut qu'un film soit cohérent de A à Z pour que le public adhère. Comment avez-vous entretenu l'effet de surprise ici pour que l'on comprenne tardivement qu'il s'agit d'un film d'horreur ?
Je n'ai pas fait les choses délibérément pour entretenir l'effet de surprise. J'ai juste voulu me faire plaisir en racontant une histoire contenant les ingrédients qui m'amusent au cinéma. Néanmoins, je ne sais pas si l'on peut vraiment parler de surprise parce que chez moi, en Angleterre, le film a toujours été considéré et vendu comme un film d'horreur. Les gens savaient ce qu'ils allaient voir et, si ça ne tenait qu'à moi, je n'aurais jamais vendu la mèche. J'aurais vraiment, vraiment adoré que les gens ne sachent pas ce qu'allait devenir l'histoire dans la seconde partie. J'aurais aimé les surprendre, oui, comme j'ai pu être surpris à l'époque lorsque j'ai découvert Une Nuit en enfer de Roberto Rodriguez, qui bascule vraiment d'un genre à l'autre.
Pourtant Roberto Rodriguez et Quentin Tarantino ne s'étaient pas cachés à l'époque qu'ils préparaient un film de vampires. Durant les conventions et avant même de l'avoir tourné, ils excitaient les foules en déclarant la préparation du film.
Ils ont fait ça ? Oh non, c'est idiot, franchement... Quoique la communication autour des films aux Etats-Unis est encore différente de chez nous. Moi, j'ai découvert Une Nuit en enfer au cinéma et c'est vrai que les gens s'amusaient beaucoup durant la première partie. Et puis soudainement, je les entendais à voix haute en train de dire "Mais qu'est-ce que c'est que ça ?". Procurer cet effet-là aux gens doit vraiment être jouissif mais aujourd'hui, avec la vitesse à laquelle se propagent les informations avec Internet, c'est pratiquement impossible.
Et puisque l'on parle de différence, ce second film change radicalement de votre premier. Qu'est-ce qui vous a poussé à passer d'un style à l'autre ?
J'en profite pendant que je ne suis pas catalogué (rires). J'aime changer, je n'ai pas envie de rester enfermé dans quelque chose en particulier. Ca ne veut pas dire que je vais changer de style à chaque nouveau film. C'est juste que certaines histoires se prêtent plus à un style que d'autres. Si ça doit être gore, ce sera gore. Si ça doit être dramatique, ce sera dramatique. D'ailleurs mon prochain projet sera sans doute encore un film d'horreur dans le même style. Si je devais résumer les choses, les meilleurs restaurants sont ceux qui proposent différentes cuisines...C'était d'ailleurs un défi parce que mon premier film, London To Brighton a été très bien accueilli et quelque chose comme Bienvenue au Cottage avait intrinsèquement tout pour déplaire au même public. Il y avait là-dedans une part d'excitation et des enjeux parfaitement nouveaux, parce que ça a coûté plus cher et qu'on redoute toujours que le film soit mauvais, avec les retombées économiques qu'on imagine.
En termes de marketing, comment votre film a-t-il été vendu exactement à travers les pays puisque, comme vous l'avez dit, les cultures acceptent les films toujours d'une façon différente ?
En Angleterre, il a été vendu comme une comédie d'horreur. Je ne dirais pas que c'est un genre à part entière, mais dans notre pays on s'est habitué à voir ce genre de chose depuis Shaun Of The Dead ou Severance qui ont eu un fort succès. L'horreur graphique n'est pas réellement un tabou. Même les Monthy Python découpaient déjà des gens en morceaux et ça faisait rire le public. Aux Etats-Unis, il est considéré comme un film d'horreur pur et je m'y attendais. Des gens meurent, il y a du sang... C'est un film d'horreur, point ! Ceci dit, lorsque j'ai écouté les réactions en salle pendant les festivals, les gens riaient même pendant les scènes horrifiques, parce que c'est particulièrement burlesque. Par nature, un slaher un peu gore avec des gens qui hurlent, qui paniquent et qui courent partout est burlesque de toute façon.
La souffrance de personnages de cinéma est effectivement un facteur d'humour.
J'irais même jusqu'à dire que c'est l'une des bases de l'humour. Les personnages fictifs de cinéma sont un peu là pour encaisser les coups à votre place et pas besoin que ça se déroule dans un film d'horreur. Il suffit que quelqu'un glisse ou se reçoive quelque chose dans la tête. Il en est de même pour les cartoons comme Tom et Jerry qui sont hilarants parce que la douleur atteint un degré de surréalisme tel qu'on ne peut qu'en rire. Les films d'horreur gores, même s'ils sont plus violents que les dessins animés, s'orientent dans la même optique. Les gens explosent, finissent en charpie, etc. C'est plus rigolo que tragique. L'un des personnages de mon film en prend même un peu plus que les autres dans la tronche. En plus il y survit régulièrement, ce qui est parfois plus horrible parce qu'il enchaîne les situations désastreuses.
Vous avez cherché à éviter la parodie ?
Oui. Quand on fait une comédie d'horreur, on peut vite basculer dans le n'importe quoi et je n'avais pas envie de faire Scary Movie. Mon film est une comédie dans laquelle il se passe des choses horribles et qui peuvent elles-mêmes parfois prêter à rire comme je l'ai dit avant. Ensuite, tout est question d'interprétation parce que la violence graphique, même comme celle-ci, choquera forcément certaines personnes. Mais n'avais pas envie de faire des gags. Quand une situation est déjà burlesque en soit, rajouter des gags ne servirait à rien et tomberaient même à plat. D'une autre part, et je pense sincèrement que c'est le cas dans beaucoup de comédies, j'ai demandé à mes acteurs de jouer au premier degré, d'être sérieux. S'ils se mettaient à dire "Bouh ! Un tueur !" ou à essayer de le vanner, ça nous détacherait totalement du contexte.
Mais c'est tout de même amusant de jouer avec les clichés ?
Carrément ! C'était mon inspiration première lorsque j'ai écrit le script. Je me suis forgé une culture du genre avec des slashers comme Halloween ou Vendredi 13 qui proposent des personnages et des réactions de la part de ces personnages vraiment propres à ce cinéma-là. J'ai aussi beaucoup pensé à Scoubidou en le faisant. Bien sûr pour tout le côté horreur et les gentils qui s'enfuient dans une maison en courrant d'une pièce à l'autre poursuivis par le méchant mais aussi parce que c'était une série qui jouait avec les références. Les slashers se suivent et se ressemble avec un respect des codes qui me plait beaucoup. Quant on est fan, on aime même si on sait toujours ce qui va se passer. Et bien Scoubidou, c'était ça. L'art de vous procurer du plaisir chaque semaine avec un épisode différent alors que c'était toujours la même histoire. Mon film ne propose aucun twist mais s'adresse à ceux qui aiment ces codes.
Ce qui explique également les quelques références que l'on peut trouver discrètement éparpillées dans le film, comme Predator ou la transposition de l'histoire de Ed Gein.
Le cinéma d'horreur est un genre qui s'auto-référencie constamment. Un genre fait par et pour les fans. Le clin d'œil à Predator n'est pas non plus très évident, parce que les gens ne l'évoquent pas forcément quand ils me parlent de Bienvenue au cottage, mais à l'époque ou moi j'ai découvert le film, la scène en question m'a rendu dingue. Il y a eu des films, comme ça, qui vous font faire "Wooow !". Donc les réalisateurs de ce type de cinéma essaient de se faire plaisir et peut-être de séduire un public nouveau. Mais je crois que ça a toujours été comme ça, on a tous été conquis par quelqu'un à qui on veut rendre un hommage. Et puis les grandes idées d'antan sont parfois devenues des règles incontournables aujourd'hui. Ce qui explique les séquences avec les crochets, etc... Ce qui est en revanche très amusant, c'est que certaines personnes me remercient d'avoir fait référence à tel ou tel film alors que je ne les avais même pas vus (rires).
Quel est justement votre point de vue sur la vague de remakes qui déferlent aux Etats-Unis à propos de ces grands classiques ? On s'éloigne de l'hommage pour quelque de chose de typiquement commercial.
Tout a fait. Personnellement je trouve ça sans intérêt. C'est nul ! Aujourd'hui une grande majorité de films est accessible au public via Internet ou le DVD, même s'ils datent de 30 ans. Donc l'excuse de vouloir refaire découvrir au jeune public ces classiques ne me convient pas. Ce sont surtout ces fameux classiques refaits que l'on peut trouver désormais facilement et dans de belles éditions la plupart du temps. Parmi les remakes, il y en a bien sur quelques uns de réussis et qui apportent quelque chose de supplémentaire mais tout le monde s'accorde à dire que, globalement, ça ne fait jamais le poids face à l'œuvre d'origine. Le remake de Massacre à la tronçonneuse était pas mal par exemple. Ce n'est pas un mauvais film. Celui de Zombie était chouette aussi, mais pas comparable à l'original une seule seconde. Mais celui de La Malédiction est juste affreux. On est à la limite du blasphème là et je ne comprends pas pourquoi on a jugé bon de refaire un film pour que le résultat n'apporte absolument rien au concept d'origine et en plus en faire un truc totalement raté. Je n'aime pas non plus le remake d'Halloween. Je suis un fan absolu du film de Carpenter et l'idée même de le refaire m'a rendu immédiatement réfractaire.
Puisque l'on parle des méthodes américaines, l'idée de travailler à Hollywood ne vous intéresse pas ? Parce qu'en France, dès qu'un jeune réalisateur fait un petit film d'horreur, il se retrouve systématiquement catapulté là bas.
Le problème en France, c'est que la production des films d'horreur est hyper restreinte et je pense qu'Hollywood est un bon tremplin pour ceux qui veulent continuer dans ce domaine. Je pense à Alexandre Aja. En tout cas, je comprends ceux qui l'ont fait. En Angleterre, on est tout de même plus souples avec le cinéma d'horreur et depuis trois ans la production a pris un véritable essor. Le public aime et les financiers adhèrent au genre. Du coup, monter un film comme Bienvenue au Cottage n'est pas insurmontable. Ensuite, il y a mon point de vue typiquement personnel sur les méthodes hollywoodiennes qui ne me plaisent vraiment pas. Artistiquement parlant c'est un véritable massacre ce qui se passe là bas et à moins d'être un grand nom, il est difficile de s'imposer en tant que réalisateur. Je ne suis pas riche, je ne fais pas ce travail pour l'argent. Avoir toute une armée de gens derrière mon dos qui retoucherait mon œuvre pour la rendre plus accessible à tout le monde serait insupportable de toute façon. Le film n'étant d'ailleurs sorti qu'en Direct-to-video là bas, je ne me suis pas retrouvé sur les listes de yes-men potentiels.
Ce n'est donc pas plus difficile que ça de monter un film d'horreur en Angleterre ?
Dans l'absolu, c'est toujours dur de monter un film. Mais n'importe quel film, quel que soit le genre. En tout cas les producteurs ne sont pas réfractaires à l'horreur parce que c'est justement quelque chose de facilement vendable. Certains films, pour s'assurer une rentabilité, on besoin de stars avec tout ce que ça implique. Un film d'horreur est sa propre star et les gens veulent les voir pour ce qui s'y passe et pas pour ceux qui jouent dedans. Financièrement on s'y retrouve et la violence est justement un attrait. Même si c'est interdit aux moins de 13 ou 15 ans. Bienvenue au Cottage est interdit aux moins de 18 ans chez nous et ça ne gène personne...
L'interdiction au moins de 18 ans a beaucoup fait parler d'elle récemment chez nous avec Martyrs. Un film interdit au moins de 18 ans est tout simplement boycotté par les exploitants en France...
... Et ça nuit forcément à la carrière du film, j'en ai entendu parler. Chez nous, ce genre de répercutions arrive rarement. Peu importe l'interdiction, les exploitants ne sont pas aussi réfractaires et ont très bien compris le potentiel de films comme ça. Les gens se sont bousculés pour aller voir Shaun Of The Dead qui propose des images assez gores aussi. Les gens se disent que ça doit être dingue et veulent aller le voir, par curiosité. De toute façon, même en cas d'échec et d'une exploitation maigre de 15 jours, ces films là rencontrent un vrai succès en DVD. Moins de 18 ans ou non, les ados veulent le voir. Ca rentre dans les frais et tout le monde est content.
En tant que réalisateur, vous avez tout de même envie que le film soit projeté sur grand écran je présume. Le DVD retire la collégialité d'une salle de cinéma.
C'est sûr, et on est toujours un peu déçu d'apprendre que les Américains ne le découvriront qu'en vidéo, mais le DVD est un marché énorme. C'est incroyable à quel point la vie d'un film est décuplée avec ce truc là. Alors forcément, les échos que j'ai sont des témoignages que j'entends ici et là alors que j'aimerais entendre les réactions, c'est sûr. Mais pour ça, j'ai toujours suivi la carrière de mon film en festival et là c'est un truc de dingue. Le film en a fait plusieurs et je n'ai pas encore terminé, parce que je pars en Suisse après, mais la projection se transforme vraiment en spectacle où le public participe activement. Le BIFF, c'est vraiment surprenant. Ca crie, ça hurle, ça rigole. Dès que quelqu'un se fait tuer, il y a des hurlements de joie, comme si vous aviez marqué un but. Ca, c'est ma récompense. L'autre, c'est que j'ai eu aussi la chance de voir comment les gens réagissaient en Angleterre. Forcément, ce n'est pas le même comportement que les festivaliers, mais les réactions étaient très positives. Même si c'est violent dans l'image, il y a dans nos films d'horreur quelque chose de patrimonial. Il y aura toujours quelque chose de familier.
Ce qui est justement intéressant dans l'industrie horrifique anglaise, c'est qu'elle
s'inscrit vraiment dans une culture propre et votre film en est un exemple flagrant. Le déroulement de l'intrigue ne correspond pas à ce que proposeraient les films d'horreur d'autres pays comme la France ou les Etats-Unis. En montant un projet, pensez-vous à l'exportation et à la façon de le rendre plus abordable pour le public étranger ?
Ca peut paraître égoïste, mais je fais ce que je pense être juste pour les qualités du film. C'est vraiment celui que j'ai en tête et qui correspond au chemin que je veux lui faire prendre. Si on commence à calculer les choses en fonction de l'impact que cela pourrait avoir sur les Français, les Américains ou les Chinois, on dénaturerait totalement le film. D'ailleurs je ne cherche pas non plus à absolument plaire au public anglais. Ce sont des réflexions de studios typiquement américaines et c'est ce qui fait que beaucoup de blockbusters n'ont aucune identité. J'essaie vraiment de trouver mon public, pas en fonction de ses origines, mais plutôt en fonction de ses affinités avec les films d'horreur d'une manière générale.
Propos receuillis par Pierre Delorme et Arnaud Mangin