Interview : Bill Nighy (Petits Meurtres à l'Anglaise)
Le 09/07/2010 à 14:22Par Elodie Leroy
Filmsactu.com : Avant de recevoir le scénario, connaissiez-vous Cible Émouvante, le film original ?
Bill Nighy : Non, je ne l'avais jamais vu, et quand j'ai reçu le scénario, j'ai choisi de ne pas le regarder. Je suis un grand fan de Jean Rochefort et je ne voulais pas me laisser influencer. J'avais peu d'avoir son interprétation en tête en permanence et que la mienne soit sapée. Je pense voir le film bientôt. J'ai vu beaucoup de films avec Jean Rochefort et Le Mari de la Coiffeuse fait partie de mon top 5 de tous les temps. Pour Petits Meurtres à l'Anglaise, je me suis quand même laissé pousser la moustache en hommage à Jean Rochefort mais c'était le maximum que je pouvais faire.
Qu'est-ce qui vous a particulièrement plu dans le scénario ?
Tout. C'était amusant et d'une manière très décontractée, très chic, très française. Mon rôle était formidable parce que j'aime beaucoup jouer ce genre d'homme très solitaire et isolé, qui contient ses émotions, qui a des problèmes relationnels. Tous les éléments du scénario se mariaient bien ensemble ; c'était à fois drôle et touchant.
Selon vous, comment la scénariste et le réalisateur ont-ils donné au film un côté "british" ?
Pour tout vous dire, je ne sais pas ce que veut dire "british". Je ne peux pas définir le terme parce que je suis moi-même british. Vous devez être étranger pour être capable d'observer cette tonalité en tant que phénomène. J'aime à penser que le ton du film est international. Je trouve la scénariste très douée. Elle s'appelle Lucinda Coxon et son style d'écriture est très spirituel, ses dialogues sont à la fois cool et plein d'humour. Mais je ne saurais vous dire ce qu'il y a de particulièrement "british" là-dedans.
Quelle est votre scène préférée du film ?
Celle où je fais un massage du pied à Emily (Blunt, ndlr) était l'une des scènes les plus difficiles à tourner sans rire, parce que je lui chatouillais les pieds et que j'incarnais un cliché à moi tout seul. C'était très drôle et la scène était très bien écrite. J'avais déjà travaillé avec Emily auparavant et elle jouait ma fille. Elle était brillante et nous avions sympathisé, mais sa blague favorite à l'époque était de dire que si mon personnage avait eu une petite amie auparavant, elle en aurait eu la nausée rien que d'y penser. La simple fait de m'imaginer ayant des rapports physiques avec l'autre sexe était censée la dégouter, comme les filles avec leur père. C'était sa blague favorite. Et dans ce film, elle devait m'embrasser, ce qui était un cauchemar pour elle mais très agréable pour moi, comme vous pouvez le deviner. Elle devait embrasser ma moustache, ce qui était encore mieux. Pourquoi je vous raconte cela ? Je ne m'en souviens plus ! (rires)
Nous parlions de votre scène préférée...
Ah oui! La scène du massage de pied. Il y en a aussi une autre : j'aime beaucoup le moment où elle débarque dans ma chambre, dit qu'elle n'arrive pas à dormir et qu'il en comprend pas où elle veut en venir. Il est tellement bête qu'il ne comprend pas que, quand une fille entre dans sa chambre et dit "Je ne peux pas dormir" (il imite le ton pleurnichard, ndlr), c'est qu'elle lui fait probablement une proposition. Je trouve cela très touchant. J'aime beaucoup la manière dont la scène est écrite parce qu'il a l'air tellement stupide...
(rires) Donc vous voyez votre personnage comme un homme stupide ?
En fait, non. Il est intelligent mais son expérience du monde des femmes est tellement limitée qu'il en devient bêta. En plus, il est tellement complexé qu'il en est aveugle. Je trouve cela émouvant.
Comment avez-vous travaillé avec Rupert Grint sur la relation mentor/apprenti ?
Nous avons répété de manière classique, mais les choses sont venues très naturellement. Il est très facile à vivre. J'ai travaillé deux fois avec lui maintenant, puisque je lai revu sur le tournage de Harry Potter, et il est très agréable en tant que collaborateur.
Que pensez-vous de ses prestations dans les premiers Harry Potter ?
Je n'ai jamais vu un seul film Harry Potter, ni lu un seul livre Harry Potter. C'est un scoop, c'est un choc. Je suis dans un des films et, bien entendu, je connaissais les enjeux de mon personnage. Donc je ne peux pas vous parler de lui dans les Harry Potter mais je l'ai vu au travail sur ce film, et j'ai beaucoup apprécié cette collaboration.
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre personnage dans Harry Potter ?
Je joue un sorcier et je suis Ministre de la Magie. (rires) Mon nom est Rufus Scrimgeour. C'est un homme très bien. Ce n'est pas un très grand rôle mais c'est un très bon rôle. J'ai un superbe chapeau et un très beau costume. C'est tout ce que je peux vous révéler.
Vous jouez aussi bien dans des films à gros budget que dans des films indépendants. Dans quel registre vous sentez-vous le plus à l'aise ?
C'est la même chose, sauf que dans le second cas, votre loge est plus petite, votre voiture est plus petite, et bien sûr votre cachet aussi. Mais en termes de travail, c'est toujours la même chose : il y a des jours avec et des jours sans. En général, il y a toujours des moments où vous vous amusez sur un tournage, et c'est quelque chose qui ne varie pas en fonction du budget. Vous avez autant de moments de détente sur les petits films que sur les gros. Et quelque soit la taille du plateau, même si elle est énorme, au bout du compte tout se passe entre les êtres humains. On pose la caméra à côté de vous et on vous dit "Action!". C'est le même travail, que l'on vous paie 20 millions de dollars ou 100 000 euros.
Et en termes de liberté d'action ?
C'est à peu près la même chose. Mais la plus grande différence, c'est le temps qui vous est imparti. Plus vous avez d'argent, plus vous avez de temps. Vous pouvez donc vous permettre de faire plus de prises et vous avez plus de latitude pour trouver le ton juste. Cela dit, cela ne veut pas dire que vous serez meilleur, que vous jouerez mieux. Pour des raisons mystérieuses, parfois tout se passe bien et parfois tout va mal. Mais vous aurez à coup sûr plus de chances d'y arriver avec plus d'argent. C'est différent sur les petits films. J'ai joué dans des films pour lesquels je n'ai pas été payé un centime parce qu'ils n'avaient pas d'argent, mais dont j'aimais le scénario. Je me disais que ces films devaient être faits et je me suis lancé tête baissée avec le reste de l'équipe. Mais dans ce genre de cas, si vous n'êtes pas bon dès la première prise, c'est problématique parce qu'ils ne disposent que de très peu de bobines. En réalité, cela a à voir avec la quantité de bobines disponible. Vous pouvez à la limite tenter une seconde prise mais c'est déjà très risqué. Si vous ratez, cela reste pour l'éternité, ils le montreront à la télévision des années après à vos petits enfants...
Êtes-vous ouvert à tous les genres de films ou avez-vous une préférence ?
Oui, je suis ouvert à tout. Je passe de l'un à l'autre et je trouve cela très satisfaisant. J'ai été zombie, vampire, calmar... Tout le monde ne peut pas se vanter de cela. D'ailleurs, j'adore quand les films tombent dans ce genre de bêtises. Maintenant, si vous me demandez ce que je préfère à présent, je souhaite surtout tourner dans des films contemporains, réalistes et avec de l'humour.
Y a-t-il un acteur qui vous a donné envie de faire ce métier ?
Je n'ai jamais eu de vocation. Je suis devenu acteur parce que j'étais amoureux d'une fille quand j'étais jeune, et qu'elle m'a dit que je devrais être acteur. J'ai juste fait ce qu'elle m'a dit. Si elle m'avait demandé d'être astronaute, j'aurais tenté ma chance en tant qu'astronaute. Quand j'ai débuté en tant qu'acteur, je ne pensais pas que cela durerait, je ne pensais pas en faire mon métier pour le reste de ma vie. Mais si vous voulez savoir qui sont les personnes qui m'ont inspiré, qui m'ont rendu fier d'être acteurs, je vous dirais que les deux comédiens actuels que je considère comme les meilleurs sont Isabelle Huppert et Christopher Walken. Ce sont mes préférés, ce sont des génies tous les deux, ce sont de grands artistes. Personne ne remettra cela en question. Il y en a beaucoup d'autres que j'apprécie. Sur la scène, j'ai joué avec Judi Dench et elle a été une grande source d'inspiration pour moi. Je citerais aussi Anthony Hopkins parmi mes sources d'inspiration. Enfin, je n'ai jamais manqué un seul film de Gene Hackman, parce que c'est un acteur brillant et parfait.
Que pensez-vous de l'évolution actuelle du cinéma, avec notamment l'invasion de la 3D ?
Cela ne me dérange pas même si je suis un peu sceptique. On m'a offert une télévision 3D cette semaine, mais je ne me vois pas m'installer dans mon salon avec des lunettes - ce serait tellement triste que je me suiciderais. Mais cela ne me dérange pas et j'ai d'ailleurs moi-même déjà fait partie d'un film 3D expérimental. Mais je préfère les films où les gens fument, boivent et bavardent. Et quand ils s'embrassent, pourquoi pas. Des films qui se déroulent de préférence à Paris, de préférence avec Isabelle Huppert. Et si quelqu'un arrive à réunir Isabelle Huppert et Christopher Walken dans le même film, je serais heureux pour le restant de mes jours.
Dans quel film vous reverra-t-on prochainement ?
Mon prochain projet est un film de Sir David Hare, avec qui j'ai travaillé toute ma vie et qui a récemment écrit le scénario de Le Liseur et un peu moins récemment celui de Les Heures. C'est un dramaturge très célèbre en Angleterre et j'ai joué dans plusieurs de ses pièces. J'ai notamment joué à Broadway, aux côtés de Julianne Moore, dans une pièce de lui intitulée The Vertical Hour qui était mise en scène par Sam Mendes. David Hare réalisera mon prochain film qui est un thriller politique dans lequel j'interprète un espion. Ce qui me fait très plaisir.
Propos recueillis par Elodie Leroy