Bill Hader : de SNL et South Park à la série BARRY pour HBO - interview
Le 09/04/2018 à 17:35Par Olivier Portnoi
Bill Hader est Barry, tueur à gages surdoué mais dépressif qui décide d'abandonner son Midwest natal pour devenir acteur à Los Angeles. Malheureusement, pour lui il n'est pas simple de quitter un tel passé criminel. D'autant plus quand on est très mauvais comédien... Face à Bill Hader, Henry Winkler, l'éternel Fonzie de Happy Days, en coach de théâtre pour un rôle qui lui convient à la perfection.
Barry est une surprenante comédie à l'humour noir et cinglant. A la fois sombre, intelligente, violente, drôle et mélancolique, cette saison 1 constituée de 8 épisodes de 30 minutes est une excellente surprise.
On a eu la chance de pouvoir en discuter avec Bill Hader à Los Angeles. Voici de larges extraits de notre conversation qui a aussi porté sur les auditions, Saturday Night Live, South Park ou encore Star Wars.
"Je travaille en tant qu’acteur depuis 10 ans et personne ne m’a jamais gueulé dessus pour me soutirer une performance."
En tant qu’acteur, on est surpris de te voir si sobre dans cette série. Quand on pense à une comédie de Bill Hader, on t’imagine bien plus incontrôlable. D’où est venue cette envie d’un rôle différent ?
Bill Hader : Alec Berg et moi échangions les idées de pitch pour une série sur HBO. Pendant un mois et demi, on a tenté différentes choses avant de se rendre compte que toutes nos idées étaient nulles. Puis frustré, je lui ai balancé ‘et si j’étais un tueur à gages ?’ ‘Je déteste les tueurs à gages’ m’a-t-il répondu. ‘Ils sont nazes avec leurs deux flingues, leur costard etc ‘. ‘Et si c’était un ex militaire ?‘. On a développé à partir de là puis est venue l’idée qu’il suive des cours de comédie. L’histoire nous est venue progressivement. Mais au moment de tourner le pilote, je me suis rendu compte que je n’avais jamais réfléchi à la manière de jouer Barry. Et je ne savais pas quoi faire (rires). On a commencé par la scène avec les deux tchétchénes près de la piscine et je ne prononce pas un mot. Dans ma tête je me disais, mais qu’est ce que je dois faire ? (rires). Tout ça pour dire que l’histoire vient en premier. Je suis d’abord monté à Los Angeles pour être réalisateur et scénariste. Je me suis toujours placé avant tout au service de l’histoire.
As-tu assisté à des cours de comédie pour t’inspirer lors de l'écriture de Barry ?
Oui, d'autant plus que je n’en avais jamais suivi. J’avais pris des cours d’impro mais jamais ce genre de cours pour les acteurs. Et on a vu, comme dans la série, ce prof qui hurle sur une actrice, qui la brise afin qu’elle soit en condition pour jouer une scène. Elle finit par le remercier alors qu’il l’a littéralement humiliée. Je n’en revenais pas. C’était tellement inconfortable. Je travaille en tant qu’acteur depuis 10 ans et personne ne m’a jamais gueulé dessus pour me soutirer une performance (rires). Je n’avais jamais vu ça. C’est horrible !
"J’ai travaillé en tant qu’assistant sur une émission de Playboy... Mon job consistait à aller chercher des cafés pour des pornstars."
Quelle est la pire chose qui te soit arrivée quand tu es venu à Los Angeles pour être acteur ?
La pire ? J’ai travaillé en tant qu’assistant sur une émission de Playboy appelée Night Calls (appels nocturnes). Mon job consistait à aller chercher des cafés pour des pornstars. J’allais à Starbucks. Et après avoir commandé, le vendeur criait « la commande pour Candy, Cynthia, Asha, Aaliyah ». Que des noms de pornstars ! Comment te faire vraiment remarquer ! J’ai tenu une semaine avant de me décider à être chômeur (rires).
Barry est présenté comme une comédie. Mais sa violence est tout sauf drôle.
Oui. On a beaucoup parlé d’Impitoyable de Clint Eastwood pendant l’écriture. Quand ce film est sorti, on avait tous vu de nombreux westerns mais pas où l’on visualisait vraiment ce que c’était que de réellement tuer quelqu’un. Il n’y a pas de glorification de la violence dans Impitoyable. Tu te sens juste mal après ces scènes. Cela a une conséquence sur l’âme du tueur. On s’est demandé ce que cela ferait si Barry rencontrait un type, le tuait puis croisait son père. Quand cela arrive, Barry n’a jamais pensé à la vie de ses victimes. Il s'imagine être le bon qui tue les méchants. Alors que là non. Ryan, le comédien qu’il tue, n’était pas un méchant. Son père est détruit par son meurtre, et Barry ne sait plus comment réagir. On ne voulait pas que cette violence soit drôle et facile. On voulait qu’elle soit réaliste, cruelle et triste. Barry est doué pour le meurtre mais a une vie sinistre. On comprend mieux pourquoi il désire se lancer en tant qu’acteur, alors qu’il est mauvais comédien. Il vit dans l’ombre dans un monde de merde et d’un coup, il aperçoit un monde lumineux, plus sociable qui lui parait excitant. C’est la dualité de Barry.
Le film Get Shorty vient d’être adapté en série. Le concept est proche avec ce tueur qui vient à Hollywood…
Je n’étais pas au courant de son existence pendant la création de Barry. Par contre j’ai vu le film avec John Travolta et Gene Hackman quand il est paru début des années 90. Mais c’est une comédie assumée contrairement à Barry. J’adore Elmore Leonard (auteur du livre qui a inspiré Get Shorty) et son ton est très différent du nôtre. La violence est toujours fun et absurde chez lui. C’est pour cela que Tarantino aime autant cet auteur.
"Je ne sais pas si vous avez déjà passé une audition mais c’est affreux. C’est la pire expérience au monde."
Avez-vous pensé à d’autres références en tournant Barry ?
Oui Boogie Nights, mais pas pour le cul (rires). Dans Boogie Nights, tu suivais ces acteurs porno qui étaient franchement cons. Mais au bout d’un moment, tu finissais par avoir de l’empathie pour eux et tu souhaitais vraiment qu’ils s’en sortent. J’avais envie que l’on éprouve ce genre de sentiments pour nos acteurs ratés ou losers. Ces personnes qui auditionnent se mettent en péril tous les jours. On peut se moquer au premier abord mais au final, j’ai énormément de respect pour elles. Je ne sais pas si vous avez déjà passé une audition mais c’est affreux. C’est la pire expérience au monde.
Quels souvenirs conserves-tu de tes années à passer des auditions ?
C’est horrible. Tu entres dans une pièce, tu fais ton truc devant des gens qui parfois ne te regardent même pas et semblent royalement s’en foutre. Tu peux bien jouer ta vie, offrir la meilleure performance de l'histoire du cinéma, pleurer toute les larmes de ton corps, et ils te balancent un « merci » sec et sans chaleur. Puis tu apprends ne pas avoir eu le rôle sans que l’on ne te dise jamais pourquoi. Mais c’est ton job. Ne pas avoir son rôle, c’est ne pas pouvoir payer ton boulot ou ne pas manger.
Dans Barry, le prof de théâtre joué par Henry Winkler continue de passer des auditions.
Dans ses cours, c’est lui le boss. Mais en dehors, il est juste un acteur de plus qui galère. Il y en a tant comme ça dans la réalité. Sally (Sarah Goldberg) est la meilleure de son cours. Et de loin. C’est une bonne actrice mais rien ne se passe pour elle. Pourquoi ? Je n’en sais rien. Pourquoi est-ce que d’autres filles sont choisies à ses auditions et pas elle ? Je connais tellement de gens dans cette situation.
Comment encaissais-tu les rejections quand tu passais des auditions ?
Pas très bien. Je demandais même à envoyer des cassettes vidéos plutôt que d’auditionner. J’étais nul aux auditions. Je n’arrivais pas à conserver mon calme. Je devenais frustré et je m’énervais tandis que les gens face à moi ne regardaient même pas ce que je faisais. Mais j’ai eu de la chance. J’ai été découvert alors que j’étais encore étudiant et j’ai pu faire Saturday Night Live très jeune. J’ai sauté des millions d’étapes. Mes copains me disent souvent que je n’ai pas intérêt à me plaindre. Et c’est vrai. Je n’étais bon à rien d’autre. Je savais juste que j’aimais les films et que je voulais en faire.
A quoi a ressemblé ton audition pour SNL ?
Je suis monté sur la scène où ils font les monologues et j’ai fait des imitations pendant cinq minutes. J'ai un souvenir flou de cette audition. J’'ai imité Al Pacino, Tony Blair, James Mason, Peter Falk. J’étais vraiment stressé.
"Je suis fier d’avoir été l’artiste derrière BB-8."
Tu participes à South Park depuis 2009 en doublant des voix de personnages mais aussi en collaborant aux scénarios. C’est quelque chose que tu aimes faire ?
Oui j’adore. Il n’y aucune limite. J’ai rencontré Matt Stone pendant le tournage de Sans Sarah rien ne va à Los Angeles. Edgar Wright nous a présenté. On a commencé à traîner ensemble et on a vraiment sympathisé. Puis il m'a présenté Trey Parker et le reste de l’équipe South Park. Un an plus tard, ils m’ont proposé de participer à une de leur ‘south park retreat’ (villégiature South Park) qui consiste à passer une semaine dans un hôtel et à brainstormer les pires conneries tous les matins pour écrire des épisodes. J’y suis allé et depuis ils m’invitent à chaque fois.
Tu doubles des voix pour South Park et Bob's Burger. J’a cru comprendre que tu avais aussi participé à l’invention de celle de BB-8 pour Star Wars ?
Mon premier souvenir d’une salle de cinéma, c’est la fin de l’Empire Contre-Attaque quand Han est prisonnier dans la carbonite. J’ai paniqué et mon père a dû me sortir de la salle tellement j'étais horrifié. Un jour, des années plus tard bien sûr, J.J Abrams m’a appelé alors qu’il préparait Star Wars 7 et m’a demandé si je voulais l’aider à travailler sur des voix de nouveaux personnages. J’avais doublé la voix de l’ordinateur du vaisseau USS Vengeance sur Star Trek Into Darkness. On a testé des sons sur son iPad avec une talk box à la Peter Frampton. J’ai essayé toutes sortes de voix débiles mais je ne savais pas que c’était destiné à BB-8. Je suis fier d’avoir été l’artiste derrière BB-8 (rires). Le plus dure a été de devoir garder le secret pendant de longs mois. Désormais, je peux être invité à la Comic-Con jusqu’à la fin de ma vie. Juste pour avoir testé des sons pour BB-8 (rires).