24 heures chrono : La dernière heure a sonné !
Le 26/05/2010 à 12:40Par Arnaud Mangin
Avec la conclusion de la huitième saison de 24 heures chrono ce lundi, c'est également un petit morceau de l'histoire de la télévision qui s'est achevé puisque nous avons assisté aux deux derniers épisodes de la série. En effet, même si 24 n'a eu de cesse d'empirer avec de nombreux coups de mou et quelques morceaux de bravoure d'une inégalité alarmante (en particulier cette année), gardons à l'esprit qu'il y a 9 ans, l'arrivée de Jack Bauer sur les écrans a fait l'effet d'une bombe. Concept original, plutôt bien emballé, parvenu à rendre culte une franchise, qui, malgré ses hauts et ses bas, ne s'oubliera pas de sitôt. N'ayons même pas peur de dire que "à l'époque", 24 c'était carrément du tonnerre : du pur thriller hollywoodien particulièrement audacieux qui nous permettait de vivre en temps réel la journée éreintante d'un groupe de personnes qui tentent le maximum pour empêcher le meurtre d'un candidat à la présidence, bourré de rebondissements. Mais avec le recul, la vraie force de 24 reposait sur le fameux Jack Bauer - de quoi relancer la carrière de Kiefer Sutherland au rang de star - qui entamait malgré lui une descente aux enfers. Héros parmi les héros lors de la saison 1, la meilleure idée de la série a été de le malmener d'année en année pour faire de lui un véritable monstre déshumanisé.
Alors que le concept même de la série pouvait la limiter à une seule saison pour la rendre d'autant plus efficace (à moins de renchérir avec un cadre et des personnages totalement différents), les créateurs ont persisté. Beaucoup persisté. Sans doute beaucoup trop. Si la seconde saison s'était montrée au moins aussi réussie que la première, c'est parce qu'elle avait totalement adopté le concept de suite, comme le fait traditionnellement le cinéma, en sachant rebondir de manière ingénieuse sur les bases de l'année précédente. L'enjeu était plus gros, les péripéties totalement différentes et on pouvait surtout enfin découvrir Jack dans ses véritables conditions de travail là où la première saison ne dévoilait qu'un homme piégé. La meilleure façon d'apprécier 24 est sans doute de se limiter à ce dyptique cohérent et admirablement formulé, qui fait passer les épisodes suivants pour de maigres tentatives de repompe de la saison 2. Après la bombe la nucléaire cette année là, il a ensuite fallu retrouver un virus mortel dans la suivante, quatre autres ogives dans une autre, une accumulation de chose tordues lors de la saison 4 - sans doute la pire - et une série globale de machins qui feraient beaucoup de mal à la populace américaine... En voulant faire à tout prix plaisir aux fans (le pire public possible et le moins objectif), les créateurs de 24 ont totalement perdu le fil de leur sujet et de ses outils.
Des saisons qui se sont suivies, avec des intrigues qui se sont ressemblées au point de rendre le visionnage accidentel de l'un des épisodes totalement inidentifiable. Entre les méchants exécutifs qui s'empilent comme des poupées russes, les intrigues secondaires à la chaine (Bauer a besoin des services d'un autiste l'espace d'un épisode de la saison 6), les résurrections surprises, le non respect du temps réel, les incohérences et les coups du hasard, les scénaristes ont peiné sérieusement pour relancer le bazar et faire tenir une histoire tangible sur 24 épisodes consécutifs. Si l'on excepte évidemment la saison 5, sympathique soubresaut dans un univers mollasson, qui jouait à fond la carte de l'ennemi d'état en plus de fournir le meilleur méchant de toute la saga, après la vipère Nina Myers. Mais dans l'absolu, tout au long de ces huit années, les atouts de 24 heures chrono se sont imposés en minorité. Cette dernière saison n'a guère été à la hauteur, embourbée dans un thème principal pas inintéressant (causes et conséquences d'un processus de paix entre l'orient et l'occident), appuyé par un regard pas trop idiot de la progression des femmes de pouvoir, mais malheureusement écrit avec les pieds. Les méchants ont une demi-douzaine de taupes infiltrées qui ne se connaissent même pas, menacent un homme pour obtenir une bombe... qui servira finalement à menacer à nouveau le même homme et ainsi de suite... Du grand n'importe quoi.
Attention : les révélations suivantes contiennent quelques spoilers !
Finalement, le vrai compte à rebours qui a plané au dessus de la tête de 24 a bien été l'annonce de l'arrêt de la série il y a quelques semaines, sitôt cette saison 8 achevée. Branle-bas de combat, les scénaristes se sont activés pour achever l'intrigue principale, pour amener les 6 derniers épisodes vers la conclusion précipitée d'un bazar qui a beaucoup trop trainé en longueur. La transition est faite, comme souvent, d'une façon pachydermique (entre deux gunfight, ce bon vieux Jack trouve même un épisode pour tirer sa crampe après avoir perdu un ami) et les créateurs de la série ont miraculeusement trouvé un fil rouge bien plus intéressant en transformant "soudainement" leur héros en une espèce de monstre sanguinaire, en utilisant ses douleurs passées comme appui. Difficile de trop en dire sans spoiler le dernier quart de cette dernière aventure, mais la saison 8 aurait grandement gagné à ne se focaliser uniquement sur cet aspect.... Ils y ont juste pensé trop tard. Une vendetta personnelle qui cible les grandes instances politiques (et nous renvoie un peu vers la saison 5 dans sa narration) et dévoile enfin le vrai visage de Jack Bauer : cet homme n'est pas un gentil. C'est même lui le vrai méchant de la saison 8.
Comme souvent, on aime bien ce concept de fond, qui dévoile un peu le revers de la médaille en expliquant les troubles qui font basculer dans le terrorisme (après tout, les méchants de 24 étaient, pour la plupart, des anciens agents des services secrets qui ont viré de bord) et comment les intentions les plus louables ne sont pas mises en valeurs. Sujet exploité en apothéose dans les deux avant-derniers épisodes qui font clairement tomber les masques en plus de basculer dans la boucherie pure et simple et qui excuseraient presque tout ce que l'on a subit plus tôt. Mais comme souvent, le résultat n'est que trop peu à la hauteur des intentions de départ et si le crescendo global se montre plutôt bien entretenu, l'épisode final retombe comme un soufflé. Peur d'aller jusqu'au bout et incompréhensible retournement de veste, le fameux grand final de 24 est certainement l'un des pires épisodes de toute la série dans sa globalité, en plus de basculer dans la pire caricature de pathos que l'on pouvait craindre.
Mince, alors ! La grande conclusion de 24 heures chrono est passablement indigne des attentes mais demeure - malheureusement - à la hauteur de son statut de série moyenne... A bien y réfléchir, le futur film de deux heures, d'ores et déjà en préparation, est sans doute la meilleure chose qui pouvait arriver à 24.