On se plaint (trop) souvent des lacunes techniques des titres Warner, mais certains sortent radicalement du lot. La Légende de Beowulf est de ceux-là. D'un support 100% numérique à un autre, le transfert du film de Robert Zemeckis s'effectue sans la moindre faille et étale à l'image une copie forcément d'une propreté confondante. Là encore, ce type de programme se retrouve grandit en Haute Définition et si certains défauts, propres à la technologie du film, se remarquent un peu plus (certains personnages font encore trop toc), les qualités sont d'autant plus flagrantes. La réalisation millimétrique du cinéaste permet en tout cas profiter d'une série de plans absolument splendides (larges comme serrés), ayant bénéficié d'une direction artistique riche, où les gammes de couleurs et le travail de la photo nous en mettent plein la vue à chaque instant.
Retrouvez nos captures HD ci-dessous :
Néanmoins, quelques mauvaises habitudes semblent ne pas évoluer. Comme une prise d'otage technique, ceux qui voudront en prendre plein les oreilles devront se retourner vers l'unique piste Dolby True HD 5.1 anglaise, tandis que toutes les autres pistes n'auront droit qu'à un petit Dolby Digital dignes d'un DVD. On ne va pas polémiquer à nouveau sur le remplissage du disque par un grand nombre de pistes médiocres histoire de contenter plusieurs pays (une spécialité de Warner) mais tout ceci semble bien maigre pour un film d'une telle ampleur. Seule le Dolby Digital True HD sort donc son épingle du jeu, même si ce dernier ne propose rien de fondamentalement surprenant, ne délivrant pas plus que ce que nous étions en droit d'attendre d'un tel spectacle. Pour finir sur une note positive, le final mérite à lui seul de faire grimper un peu le volume (la musique d'Alan Silvestri y est pour quelque chose), encourageant les anglophiles à s'essayer à la langue de Shakespeare.
On passera rapidement sur le module intitulé Les Diverses étapes de la production de Beowulf, qui reprend de façon condensée ce qui sera expliqué plus tard dans les mini modules présents dans la section intitulée Préparer le voyage. On apprendra entre autres que pas moins de 95 marqueurs sont nécessaires pour enregistrer le mouvements des chevaux (cinq sur les selles et 90 sur les chevaux) et que les acteurs enfileront au moins une fois le costume de leur personnage, Robert Zemeckis considérant avec importance qu'ils aient "une idée de la réalité".
Le making of se termine par un petit aperçu de la façon avec laquelle les mouvements de caméra sont conçus par Zemeckis. Un petit boîtier permet au cinéaste de gérer et décider en temps réel des mouvements qu'il désire, et cela sans perdre du temps à décrire aux techniciens ce qu'il veut obtenir. Il est dommage que cette impressionnante étape soit si rapidement expédiée. Celui qui aimerait en savoir plus devra automatiquement se diriger vers l'Edition Collector 2 DVD ou le Blu-Ray de Monster House de Gil Kenan, autre production ImageMovers à utiliser avec brio la performance capture.
De ce module, nous retiendrons surtout qu'il aurait fallu sur un film à prise de vues réelles une journée de tournage pour mettre en boîte une seule séquence, tandis qu'à l'aide de la performance capture seules quarante minutes sont nécessaires ! Voilà un argument qui a convaincu entre autres (et pas des moindre) Peter Jackson et Steven Spielberg pour se lancer dans leur projet fou d'une trilogie sur Tintin.
A côté de ce making of donc, Warner Home Video a adjoint dans la section Préparer le voyage une dizaine de featurettes ne dépassant pas les cinq minutes se concentrant chacune sur une étape de la production.
# Technique utilisée
Ce module revient plus spécifiquement sur l'espace que l'équipe nomme 'Le Volume', espace où est précisément enregistré le jeu des acteurs. Le superviseur capture d'image Demian Gordon nous y explique que "le volume est divisé en quadrants" et que "chaque quadrant contient environ 40 caméra, plus un autre quadrant invisible qui flotte au dessus [des acteurs]." Il poursuit "les lumières rouges sont des caméras, chacune avec un spot" : "chacune [des caméras] a sa propre vue ; le logiciel prendra toutes ces vues pour les amalgamer, trianguler les positions de repères pour faire une reconstruction", permettant ainsi d'obtenir à l'écran un avatar de l'acteur.
Dennis James Hauck, Jr. avouera que chaque plan fait entre 1 et 21 gigaoctets : "on saisit jusqu'à 766 giga par jour" !
Nous est expliqué ensuite que deux types de capteurs différents couvrent les acteurs : un type de capteur pour les yeux ; un autre de taille variable allant du très petit pour le visage, de taille moyenne pour les mains à plus grand pour le corps. Chaque acteur est ainsi couvert de pas moins de 250 marqueurs !
# Modélisation
Comme son nom l'indique, ce module explique comment sont modélisés les comédiens. Avant et après chaque prise les ordinateurs doivent trouver les acteur. Ces derniers fontune pose T qui met en route l'ordinateur permettant ainsi de les identifier.
De même, tous les jours il faut faire deux fois des calibrages, "une danse idiote" d'après Ray Winstone qui met à contribution chacun des capteurs car "tout changement sur le costume doit être recalculé".
# Les Techniques et l'art
La Légende de Beowulf est le premier film au monde à utiliser cette technique révolutionnaire qu'est le E.O.G. c'est-à-dire l'électro-oculographe. On pose des électrodes autour des yeux des comédiens qui enregistrent les mouvements oculaires de ces derniers. C'est primordial tout autant que difficile, car comme le rappelle l'un des intervenants "les yeux sont une fenêtre sur l'âme".
# De l'ordinateur au plateau
Sont présentés ici les tableaux et les maquettes mis à la disposition des comédiens pour ne pas que ces derniers se sentent perdus dans ce Volume vide. Ils peuvent ainsi troyver leurs marques en imaginant plus facilement l'espace qui sera créé autour de leur performance.
# Un Regard aux constructions
Michel Gastaldo le chef accessoiriste explique : "on est forcé d'utiliser des accessoires en fil métallique parce que les objets solides bloqueraient la vue des points sur les acteurs et ça rend les ordinateurs complètement dingues". Il poursuit donc que "tout doit avoir un degré élevé de transparence".
Est ainsi présentée l'équipe chargée de construire les objets qui seront utilisés lors de la captation. A noter que chacun des objets utilisés par les comédiens possède un code-barre qui lui est propre permettant aux infographistes de savoir où et quand cet objet a utilisé, sans avoir à faire appel aux vidéos.
# Scanners
Ce module présente les différentes étapes de scan opérées sur les acteurs. Ils scannent en effet tout d'abord toutes les parties du visage (oeil droit, oeil gauche, nez, langue etc...) en faisant bien attention de cacher les cheveux, pour ensuite scanner 70 expressions faciales poussées à l'extrême.
Sont mesurés ensuite les comédiens des pieds à la tête tout comme le cou et la distance entre les yeux pour vérifier la précision de l'ordinateur lors du scan. Enfin, tout un tas de photo du corps sont prises pour modéliser au mieux les comédiens. Chargée de production, Julie Groll conclura à raison qu' "on connait les humains ; du coup, si quelque chose ne va pas, l'oeil le repère tout de suite, même si on ne sait pas exactement ce qui ne va pas".
# Cascades et trucages
Nous y découvrons les différentes structures utilisées par l'équipe afin d'aider les comédiens à mieux entrer dans leur personnage et les aider à s'immerger dans la séquence à tourner : des câbles, le tourne broche (aussi appelé lance-vomi par l'équipe de tournage après qu'un cascadeur ait rejeté tout ce qu'il avait mangé) pour les séquences marines du film, des grues etc...
# Plan d'attaque
Ce module présente trois étapes de conception de la séquence de la première attaque de Grendel. Dans un premier temps, sont montrés les storyboards, dans un deuxième temps en animatique (sorte de storyboards sommairement animés en 3D), enfin avec un rendu partiel de la performance des acteurs et des mouvements de caméra.
# Viens te battre
Ce module peu informatif revient rapidement sur la réalisation du face à face entre le monstrueux Grendel et son père Hrothgar.
# Il fait froid à l'intérieur
Les marqueurs collant difficilement avec la sueur, il faut impérativement que la température dans le Volume soit contrôlée autour de 20°C. L'équipe de Robert Zemeckis en profitera d'ailleurs pour jouer un sale tour au cinéaste... Anecdotique.
Le module Les Origines de Beowulf (5min13) quant à lui revient sur la mythologie de ce personnage et la transformation qu'il a subi entre les mains de Avary, Gaiman et Zemeckis.
Neil Gaiman rappellera tout d'abord que "Beowulf fait partie de ces histoires très anciennes, de celles qu'on racontait autour du feu et qui parlent de ce qui est tapi dans l'ombre". Pour Robert Zemeckis, "ce mythe est fondateur de beaucoup d'épopées", on y trouve en effet des traces entre autres chez Le Seigneur des Anneaux et Star Wars. Le poème d'origine écris par les moines ne l'attirait pas, ces derniers ayant sans aucun doute réécris l'histoire pour ajouter "leur propre point de vue, leurs propres descriptions". C'est donc avec joie que Zemeckis a lu le scénario écrit à quatre mains par Roger Avary et Neil Gaiman : "ils ont remis ce qui avait du être enlevé par les moines".
Les deux scénaristes avouent également avoir légèrement changé l'histoire afin que le troisième acte s'enchaîne avec les deux premiers. "A l'origine, Beowulf repart en suède pour devenir roi" dit Gaiman. "Dans notre version, Beowulf reste au Danemark, Hrothgar lui abandonne son royaume", continue Avary. "On a fait cette concession pour qu'il y ait une plus grande continuité."
Bien que Roger Avary porte son scénario depuis maintenant plus d'une dizaine d'années, la vision de ce module nous conforte dans l'idée que la force du film réside essentiellement dans l'apport de Neil Gaiman, le talentueux écrivain ayant apporté avec lui de nombreuses idées thématiquement puissantes. "On a voulu écrire une histoire sur la fin d'une ère, conclue-t-il, où le temps des monstres et des héros est révolu."
Le Dessin et la création des créatures et des monstres de Beowulf (6min56) présente le gros travail du chef décorateur (production designer semble plus approprié, puisqu'il travaille aussi bien sur les décors que sur les personnages) Doug Chiang (Star Wars 1 & 2). Nombreux dessins de productions à l'appui, ce dernier révèle qu' "au départ, [Grendel] était massif et puissant, et on la progressivement allégé pour le rendre plus frêle". Robert Zemeckis est ensuite arrivé avec l'idée que "Grendel devait personnifier la douleur", c'est dans cette optique que Crispin Glover "a joué une personne tourmentée qui se trouve être une monstruosité". "Le graphisme a progressé quand on a vu dans le jeu de Crispin des nuances que l'on a pu incorporer dans le dessin" poursuit Doug Chiang. Par exemple, le comédien "travaillait beaucoup avec son front, et dans le design original Grendel avait des furoncles qui [empêchaient] de profiter du travail de Crispin".
Le module se poursuit ensuite sur le personnage de Angelina Jolie, son physique qui transpire la sexualité (Steve Starkey le producteur : "on a d'abord pensé qu'on devait créer une sirène parfaite, qui n'existe même pas, et la faire jouer par une bonne actrice ; puis on a pensé à Angelina Jolie"), les monstres marins, et sur le dragon, interprété par Ray Winstone lui-même. "On a dessiné sa tête, en essayant de mettre du Ray Winstone dans les yeux pour que le dragon ressemble à Beowulf". "On a essayé de le rendre réaliste" conclu-t-il.
La Création de Beowulf (1min59)
Steve Starkey, producteur du film, avoue d'emblée "Bob [Zemeckis] envisageait un Beowulf plus grand que nature". Et c'est devant une représentation de Heny VIII par Ray Winstone que Zemeckis a réalisé qu'il était l'acteur idéal de par sa voix. "C'est là qu'on voit le pouvoir de la performance capture, concède Doug Chiang, car on était capables de créer une véritables icône sans être restreint par la nature physique de l'acteur".
La Magie de Beowulf (5min25)
Tout comme les deux précédents modules, La Magie de Beowulf revient sur la conception de l'univers du film, les recherches menées par l'équipe de Doug Chiang tant pour être fidèle historiquement que pour suivre la vision qu'en avait Zemeckis.
On trouvera enfin quelques scènes supplémentaires (11min31) dans lesquels les décors sont non finalisés et la performance des acteurs que très sommairement rendues. Aucunement indispensables, celles-ci auraient sans aucun doute alourdi plus qu'autre chose la narration.
On regrettera tout de même que le disque ne comprenne aucun module expliquant les différences dans la mise en scène qu'induit l'utilisation de la 3-D, le film ayant été exploité dans certaines salles en relief. Pour ceux qui aimerait en savoir plus, une featurette est disponible à cette adresse.
Image et son : Arnaud Mangin
Bonus : Yann Rutledge