Contrairement à l'édition américaine "The Complete Dossier" éditée chez Paramount en 2006, les deux versions d'Apocalypse Now (1979 et Redux) ne sont pas proposées en seamless-branching, mais sur deux galettes séparées. Leurs masters sont tirées du récent Blu-ray "Full-Disclosure Edition" (Lionsgate, 2010) et offrent donc deux changements de poids par rapport à la précédente édition du film (sortie on le rappelle chez Pathé Vidéo en 2002), à savoir une nouvelle colorimétrie et un transfert qui respecte enfin le format de tournage 2.35 du film.
Pour le premier point, on constatera simplement que l'image du film s'offre ici une seconde jeunesse. Plus saturée, plus contrastée, granuleuse juste ce qu'il faut (on ne trouvera pas de traces de filtre DNR) et affichant des tonalités ocres qui n'étaient pas présentes sur le master de 2002, l'image d'Apocalypse Now se révèle plus chaleureuse que jamais. Seul problème : la version Redux étant plus longue que la version 1979 de quasiment une heure, on notera une assez grosse différence de définition entre les deux, due à une lourde compression pour faire tenir les 3h14 du film sur un seul DVD. Le bitrate de la version Redux ne dépassera donc que rarement les 5,5 Mbp/s, tandis que celui de la version 1979 s'offrira de son côté des pics aux alentours de 8Mbp/s. Des lors, le nouvel étalonnage du film entrainera quelques artefacts de saturation dans la version Redux, en particulier dans la gestion des couleurs vives (le vert par exemple) qui perdent facilement du détail. On comprend bien que ce master a avant tout été fait pour un encodage AVC de Blu-ray, que le codec MPEG-2 du DVD ne peut pas concurrencer.
En ce qui concerne le nouveau cadrage, il s'agit là d'une amélioration notable par rapport à toutes les précédentes versions du film de Coppola. Petite explication. Le chef opérateur du film, Vittorio Storaro, a toujours considéré que la résolution vidéo verticale des téléviseurs n'était pas suffisante pour rendre hommage à son Cinémascope chéri (format de tournage et de diffusion salle de ses plus grands films). Ainsi, il a conçu le format Univisum 2,00:1 qui était une sorte de chainon manquant entre le 1,77 et le 2,35 et qui, selon Storaro, sied beaucoup mieux aux télévisions. Dès lors, toutes les sorties en VHS et DVD d'Apocalypse Now (mais aussi du Dernier Empereur de Bernardo Bertolucci) ont été en Univisium. Avec l'avènement du Blu-ray et des téléviseurs HD 16/9, le chef opérateur italien a enfin donné son accord pour qu'Apocalypse Now soit édité en 2,35. Et là, c'est l'extase ! Dire que l'on redécouvre totalement le chef d'œuvre de Coppola relèverait de l'euphémisme, puisque dans cette nouvelle composition, tous les plans du film semblent (encore) plus larges et (toujours) plus beaux. Pour vous faire une idée, vous trouverez ci-dessous une petite comparaison entre l'édition 2002 du film et la version Redux de ce coffret 2011.
En conclusion, on peut dire que malgré ses défauts, l'image de cette édition 4 DVD d'Apocalypse Now fait largement oublier la précédente (rien que par ce nouveau format), mais qu'il faut bien garder en tête que son master a été pensé pour un Blu-ray et non pour un DVD. Pour ceux qui n'auraient pas encore investi dans du matériel HD et qui parleraient couramment anglais, on ne saurait que trop recommander l'édition Paramount "The Complete Dossier" qui dispose d'une qualité technique supérieure à ce nouveau coffret signé Pathé Vidéo.
En bas : Apocalypse Now Redux - Édition Collector Version Longue 2 DVD (Pathé Vidéo, 2002)
Avant de commencer à parler du son de ce coffret, il faut rappeler que si Apocalypse Now a autant marqué les esprits des cinéphiles, c'est en grande partie grâce à son environnement sonore qui reste à ce jour l'un des plus travaillés de l'histoire du cinéma. Et pour cause, ce sont bel et bien Francis Ford Coppola et Walter Murch qui ont introduit le 5.1 dans le Septième Art, offrant par là même une expérience sensorielle totalement inédite pour le spectateur. Ce DVD rend-il hommage à cette prouesse technique ? Plus ou moins...
On commence avec la version Redux. Comme sur la précédente édition, on trouvera deux pistes Dolby Digital 5.1, VO et VF, cette dernière proposant les "nouveaux doublages" réalisés il y a dix ans. Pour ceux qui aimeraient réentendre le doublage original, direction le deuxième disque et la version 1979 (qui propose une DD 5.1 VO et une DD 2.0 pour la VF). Dans un cas comme dans l'autre, on serait tenté de dire que nous sommes face à des pistes son qui, en 2002, pouvaient se targuer d'être parmi les plus impressionnantes pour un DVD tourné dans les années 70. Maintenant, en 2011, on aurait sans doute pu obtenir un résultat bien meilleur encore avec des pistes DTS mi-débit, au moins pour la VO.
Pour autant, le résultat est loin d'être mauvais. Que ce soit les dialogues, les nombreux effets sonores, la musique de Carmine Coppola ou encore les différents morceaux utilisés dans le film (l'intro sur The End de The Doors, La Chevauchée des Walkyries, le Suzy Q de Creedance Clearwater Revival...), tout résonne avec force et précision, tout en étant généreux sur le surround ... dans la limite de ce qu'a à offrir une piste Dolby Digital 5.1, bien entendu. Une fois encore, les habitués des nouveaux standards HD (comme le DTS HD Master Audio) pourront plutôt s'orienter vers le Blu-ray du film, disponible le même jour dans toutes les bonnes crèmeries.
En deux mots : semi-déception ! Sachant que de très nombreux bonus, plus passionnants les uns que les autres, sont disponibles dans l'édition américaine "The Complete Dossier", on se demande pourquoi ce coffret DVD ne contient sur son troisième disque que quelques vieux bonus datant d'une dizaine d'années ! D'autant que le Blu-ray Pathé, lui, les proposera.... Les voies de l'édition sont décidemment impénétrables. Fort heureusement, deux gros morceaux sont quand même disponibles ici.
Tout d'abord le Commentaire Audio de Francis Ford Coppola, présent sur les deux versions du film. Comme souvent avec le réalisateur, nous sommes en présence d'un happening de haute volée, qui apprendra beaucoup de choses aux cinéphiles et aux réalisateurs en herbe. Peu avares sur les anecdotes (la première, qui explique comment l'introduction du film a vu le jour, est d'ailleurs particulièrement savoureuse) et n'hésitant pas à dévoiler quelques unes de ses méthodes de travail (comme c'était le cas dans les commentaires de la trilogie du Parrain), Coppola se montre particulièrement pertinent dans ses interventions. Dommage néanmoins que quelques unes soient redondantes avec le documentaire Hearts of Darkness (1h30), disponible dans ce coffret pour la première fois chez nous. La transition est donc toute faite pour aborder le quatrième disque de cette édition, qui mérite à lui seul qu'on s'intéresse à cette sortie.
Pour faire simple, Hearts of Darkness est au documentaire making-of ce qu'Apocalypse Now est au film de guerre : une œuvre unique et jusqu'au-boutiste qui nous dévoile, images à l'appui, la folie d'un homme qui a connu l'enfer. Réalisé par Eleonore Coppola (ou pas ?), ce documentaire est une véritable plongée au cœur d'une aventure fiévreuse qui marquera à jamais la vie de Francis Ford Coppola, et accessoirement l'histoire du Septième Art. Et pour vous donner une petite idée de ce que contient ce film, il suffit de citer le réalisateur qui, lors d'une conférence de presse, dit tout simplement : "Nous étions trop nombreux, nous avions trop de moyens et nous sommes devenus fous. Ce n'est pas un film sur la guerre du Vietnam. C'est film, c'est le Vietnam." Bref, un document immanquable. Et pour ceux qui le connaitraient déjà par cœur, l'éditeur a eu la bonne idée de proposer un commentaire audio de Francis Ford Coppola et d'Eleonore Coppola qui vient parfaitement compléter notre soif d'informations sur le sujet. D'ailleurs, il ne s'agit pas là d'un commentaire, dans le sens où les deux Coppola ne commentent pas les images qui sont sous nos yeux - qui sont déjà explicités par une voix-off dans le doc. Non, ici, ils nous racontent ce que ce document représente pour eux, et la manière dont ils le considèrent 20 ans après. Eleonore Coppola nous raconte comment elle est rentrée (un peu par hasard) dans son rôle de "réalisatrice de making-of" et l'évolution de ses rapports avec son mari pendant le tournage. Ce dernier, quant à lui, nous explique ce que les images ne peuvent raconter, à savoir ce qu'il ressentait vraiment au moment des faits : la peur de l'échec, la paranoïa et, peu à peu, la folie des grandeurs. Bref, un commentaire presque aussi passionnant que le documentaire qu'il accompagne.
Sinon, comme expliqué ci-dessus, ce coffret contient également quelques petits bonus, déjà présents dans la précédente édition. Il s'agit des inégales Conférences de presse de Cannes (4mn pour celle de 1979, 45mn pour celle de 2001), d'une courte interview de Claude Berri, le distributeur du film (3mn), et d'une vidéo intitulée La Fin du règne de Kurtz, qui nous montre la destruction du camp du célèbre colonel. Rien de bien folichon et, une fois encore, il faudra se tourner vers le Blu-ray du film pour découvrir d'autres bonus.