Bien que quelques légers artéfacts apparaissent de-ci de-là au cours du métrage (quelques soucis de définition notamment), ils sont heureusement éclipsés par un transfert de grande qualité respectant parfaitement les intentions esthétiques et colorimétriques du réalisateur James Gray. En effet, le film se caractérise par deux choix de tonalités antagonistes : pour la partie située dans la boite de nuit, le réalisateur a opté pour des couleurs chaudes et ambrées rappelant la surabondance de fête, d'alcool, de sexe et de drogue dans lequel est plongé le personnage de Joaquin Phoenix. Dans une seconde partie, les tons dorés laissent place à une palette de couleurs moins vive, des tons ocre et vert pâle ainsi qu'une image légèrement surexposée renforçant le manque de vie du commissariat.
Saluons donc le travail de l'éditeur qui a su habilement respecter les volontés du réalisateur en collant parfaitement à l'univers du film. Un résultat harmonieux de haute volée.
Pour l'édition de La Nuit nous appartient, Wild Side nous a concocté un son sensationnel et nous offre heureusement la version originale en DTS 5.1. Celle-ci demeure la plus impressionnante et tout y est ou presque : ampleur sonore, restitution des diverses ambiances en boite de nuit et dans les rues new-yorkaises, tonitruante résonnance musicale sur les surround (et pas des moindres) et clarté des dialogues. On poursuit avec la piste française Dolby Digital 5.1 qui se montre parfaitement claironnante tout du long, de plus le doublage a le mérite d'être joliment fichu (avec la voix de Dominique Paturel pour Robert Duvall) et pas ridicule pour un sou. Enfin, la piste stéréo anglaise délivre un maximum de clarté et de dynamisme sur les avants qui fait plaisir à entendre (exemples frappants : l'ouverture du film avec la musique de Heart of glass, et la séquence de l'attaque de la voiture sous une pluie battante).
Le manque d'originalité des propos distillés dans les différents modules apparaissent comme redondants, tout comme les images de tournage qui sont en grande partie reprises à chaque fois. Demeure le commentaire audio qui tient lieu de matrice à toute l'interactivité puisque le plus gros des informations y sont détaillées. En revanche ne loupez pas l'entretien accordé par James Gray pour l'édition française de son film, absolument passionnant.
DVD 1
Commentaire audio du réalisateur et scénariste James Gray (vostf)
Se retrouvant seul devant le micro, James Gray délivre un commentaire basique, ni plombant ni formidable, mais ne manquant jamais d'anecdotes de tournage et de culture pour finalement faire passer le temps durant près d'1h50. C'est bien simple, tout y passe, peut-être pas dans un ordre cohérent mais avec passion. Si le cinéaste se disperse quelque peu, l'exercice demeure plaisant. Pour ceux que les commentaires ennuient, sachez que les trois-quarts des propos tenus seront repris par James Gray lui-même, ainsi que par les acteurs et les responsables des départements artistiques. Luchino Visconti, Akira Kurosawa, Francis Ford Coppola, Roman Polanski et Bernardo Bertolucci s'imposent comme étant les grandes inspirations du réalisateur tout comme les grands auteurs grecs et Shakespeare.
DVD 2
Infiltration : sur les lieux du tournage (55min30)
Une grande partie de ce qui est dit ou de ce qui est vu au fil de ce documentaire sera repris ensuite dans les modules suivants. Tous les participants de La Nuit nous appartient, le réalisateur, les acteurs, les producteurs, ainsi que les responsables des divers départements techniques (décors, costumes, photographie) interviennent dans des discours flatteurs envers les autres, sur la réalisation, la reconstitution des années 80. On regrette que les images de tournage proposées soient encore une fois peu variées par rapport à celles qui suivront après dans les autres segments. Autrement, cette « infiltration » passe en revue l'histoire et les personnages, la préparation de James Gray qui a tenu à accompagner la police new-yorkaise de nuit dans leurs descentes. Pas grand chose à se mettre sous la dent ceci dit, à part peut-être l'anecdote rigolote de James Gray qui avoue rire pendant les prises quand il est lui-même surpris de la performance de ses acteurs et qu'il obtient quelque chose d'inattendu. Ce qui ressort surtout de cette longue section est l'importance accordée par le cinéaste à l'authenticité.
Scènes de crimes (9min53)
Module axé sur le tournage des scènes d'action, plus particulièrement la poursuite sous la pluie ainsi que la défenestration. James Gray ne cache pas que le tournage des scènes d'action l'ennuie et qu'il préfère s'en remettre au maximum à l'équipe des cascadeurs. Le cinéaste se souvient d'une phrase de Stanley Kubrick « On n'est pas là pour innover, tout a déjà été fait. On est là pour faire mieux. ». Prenant à cœur cette tirade, il imagine une scène de poursuite en voiture en visionnant à nouveau French Connection. Une poursuite qui se déroulerait de l'intérieur d'une voiture et sous une averse. James Gray a d'ailleurs fait visionner Le Parrain 1 et 2, French Connection, Raging Bull, Panique à Needle Park, Le Conformiste et Le Guépard à toute son équipe pour leur expliquer quel ton adopter, quels couleurs et quel style approcher. Le producteur exécutif Anthony Katagas et les responsables des cascades se penchent sur leur travail avec le réalisateur, leur préparation et le tournage proprement dit. La poursuite a été réalisée en quatre jours seulement au moyen d'une voiture-travelling, respectant scrupuleusement un story-board préétabli, sous des conditions météorologiques saines, ce qui a entraîné une reconstitution de l'averse en images de synthèse. Quelques incidents et collisions non prévues ont été gardés au montage final. La dernière partie de ce segment est consacrée au tournage de la défenestration, des premiers essais jusqu'aux répétitions du cascadeur.
Chronologie d'un crime : le Brooklyn de la fin des années 80 (8min36)
Le costumier Michael Clancy, James Gray, les acteurs, le producteur Marc Butan et le chef décorateur Ford Wheeler détaillent la reconstitution des années 80 où le mot d'ordre du cinéaste était une fois de plus l'authenticité. James Gray s'explique sur le choix des musiques, le souci du détail sans pour autant tomber dans le cliché et le déjà-vu. Les scènes les plus compliquées ayant sans doute été d'habiller les 300 figurants de la boîte de nuit avec les coiffures adaptées tout en respectant les décors de l'époque jusqu'à la reprise des bouteilles de Coca-Cola datant de 1989. Pour finir, le documentaire se fait plus technique en revenant sur le choix des couleurs. James Gray désirait des tons chaleureux, riches en détails contrastant avec le drame de l'histoire.
Témoin à charge : l'interrogatoire de James Gray (25min20)
Voilà un des éléments indispensables de cette édition collector. Dans un entretien exclusif, James Gray approfondit les thèmes exploités de son film et se dévoile passionnant et dense. Bien que reprenant partiellement ce qui a été énoncé dans le premier module, le cinéaste dit ensuite s'être inspiré de sa propre famille plus particulièrement des rapports avec son père et son frère. En effet, son père n'accordant pas une place primordiale à l'art, les conflits étaient inévitables avec James Gray qui se prédisposait au cinéma. Cette confrontation a nourri le film selon le cinéaste. « Chaque famille, même en bon terme, est faite de souffrances, de conflits, de rivalités. Ce sont les relations humaines qui ne peuvent pas être parfaites. Je voulais ça dans mon film. ».
Le but du film était d'explorer la communauté policière en s'immisçant au cœur d'une famille en conflit. L'occasion d'aborder quelque chose de nouveau grâce à un véritable mélodrame quasiment dépouillé de ses attributs policiers, la famille étant l'âme du film. A plusieurs reprises, James Gray fait référence aux tragédies grecques qui ont selon lui compris immédiatement les fondements de la nature humaine et ses complexités. C'est cette nature humaine que le réalisateur explore avec passion dans son film et dans cet entretien à ne pas rater.
Autopsie d'un crime : comment la nuit nous a appartenu (14min36)
On l'attendait, voici le supplément dédié aux interviews des acteurs (Joaquin Phoenix, Mark Wahlberg, Eva Mendes, Robert Duvall, Danny Hoch), ou plus précisément des fragments d'interviews disséminés ici et là entre deux extraits de film, des images de tournage et des propos de James Gray. Le cinéaste évoque brièvement le jeu et la maturité de Mark Wahlberg et de Joaquin Phoenix qu'il retrouve sept années après les avoir dirigés dans The Yards (2000). Ce segment n'évite malheureusement pas la redondance au moment où James Gray nous raconte une fois de plus la genèse de l'histoire, les rapports entre les personnages et les thèmes abordés. De leurs côtés, les producteurs se cantonnent de promouvoir le film avec une succession de superlatifs.
Le cinéma policier américain des années 70 (24min47)
A travers ce module concocté pour l'édition française de La Nuit nous appartient, Wild Side nous invite à un brillant exposé par le toujours intéressant Jean-Baptiste Thoret mais aussi par Patrick Brion (historien du cinéma) et le cinéaste passionné de polar Alain Corneau. Les propos tenus dans ce documentaire font échos à ceux déjà évoqués dans nos colonnes pour l'interactivité du film de Don Siegel, A bout portant. Les trois interlocuteurs se penchent sur la mutation du thriller américain qui se fait simultanément à celle des Etats-Unis à la fin des années 60. Le septième art se fait contestataire, rejette les règles classiques de la narration, se politise, devient exigeant. L'Amérique perd confiance en ses valeurs et ne croît plus au pouvoir incarné dans les mains d'un seul et même homme. Des cinéastes comme Don Siegel (Dirty Harry), John Frankenheimer (Un crime dans la tête), Sydney Lumet (Serpico), William Friedkin (French Connection) ou Peter Yates (Bullitt) ne croient plus à l'honnêteté des institutions, comme une grande partie de la population. Kennedy est mort, la confiance se perd envers le gouvernement. Pour Thoret, le film fondateur du cinéma policier américain des années 70 reste Bullitt : un policier totalement à l'intérieur du système doit sortir de la loi pour la faire respecter. Même la police est corrompue, du jamais vu à Hollywood. Peu de temps après, Don Siegel et Clint Eastwood débarquent avec Dirty Harry, sorte de radicalisation du personnage interprété par Steve McQueen dans Bullitt. Alain Corneau souligne d'ailleurs avec justesse la thèse et l'antithèse entre L'Inspecteur Harry et Magnum Force, deuxième volet de la saga, alors accusé de fascisme.
Les trois intervenants se démontrent une fois de plus passionnants et terminent en donnant leur avis sur le film de James Gray.
L'interactivité se poursuit avec une galerie de photos issues du tournage et tirées du film (une trentaine au total), les bandes-annonces du film en version française (1min46) et version originale sous-titrée (2min08), et une partie ROM.