Test DVD : La Religieuse portugaise

Ce master Haute Définition n'est pas exempt de défauts. Dès le plan d'ouverture, les travellings réalisés sur les différents quartiers de Lisbonne montrent une définition parfois fragile et le piqué n'est pas vraiment affûté. Cela est d'autant plus visible sur les gros plans des comédiens que nous attendions plus précis et nous remarquons même quelques fourmillements dans les arrière-plans ainsi qu'une infime granulation. Cela n'empêche pas certains plans de Lisbonne d'être superbes, notamment des plans fixes où l'on appréciera le relief et les textures joliment rendues. La palette colorimérique affiche de jolies teintes naturelles quoiqu'un peu trop douces et finalement ce sont les séquences nocturnes qui apparaissent le mieux équilibrées avec de belles ambiances chaleureuses, des contrastes plus harmonieux et un rendu des gros plans plus homogène.

Le réalisateur accorde autant d'importance au son qu'à l'image et souhaite restituer toutes les ambiances caractérisant la ville de Lisbonne et la piste unique Dolby Surround parvient à délivrer sans peine l'atmosphère propre à la capitale portugaise avec une belle harmonie. Evidemment, les dialogues abondent et sont souvent mis à l'avant-plan avec une belle densité. Les quelques séquences de fado sont quant à elles admirables et les frontales assurent une plongée intense dans ces chants mélancoliques caractéristiques du Portugal.

Le cinéma comme révélation du caché (23min)

Dans cet entretien dirigé par Jean-Baptiste Morain, critique aux Inrockuptibles, Eugène Green revient sur son processus créatif en expliquant tout d'abord ce que sont les fameuses Lettres portugaises évoquées dans son film. Ce livre épistolaire publié anonymement au XVIIème siècle raconte l'histoire d'une jeune religieuse portugaise, séduite puis abandonnée par un officier français, et livrant en cinq lettres exaltées toute la palette de ses sentiments. Comme le dit le réalisateur, l'authenticité de ces lettres a longtemps été critiqué et des recherches ont permis de connaître le véritable auteur de ce roman, un journaliste, écrivain et diplomate français du nom de Gabriel de Guillerague. Dans une seconde partie, Eugène Green en vient plus précisément à la structure du scénario, à l'usage du cadre et de la disposition des comédiens dans l'espace, à l'importance du Fado dans le film (l'âme sonore de la ville), à sa découverte du Portugal, en particulier de Lisbonne qu'il décrit longuement avec passion. Le rôle de chaque personnage est pleinement analysé, chaque rôle devant servir à raconter une facette de l'histoire de Lisbonne. Nous vous conseillons d'écouter cette interview passionnante avant de visionner le film pour mieux l'apprécier, au risque de rester quelque peu dubitatif devant l'entreprise du réalisateur. Ainsi, le désir d'Eugène Green de "rendre apparent le mystère de la réalité" vous sera plus accessible en cours de visionnage.

"Correspondances" (39min)

Ce mini-film réalisé en numérique par Eugène Green en 2007 raconte l'histoire de Virgile et Blanche, deux adolescents parisiens qui se rencontrent lors d'une fête et dansent ensemble sans se parler. Peu de temps après, Virgile parvient à connaître le nom et l'e-mail de la jeune fille, et entame alors une correspondance avec elle. Issu du film collectif intitulé Memories, ce court-métrage librement inspiré de La Princesse de Clèves, met en scène un jeune homme et une jeune femme issus des beaux quartiers parisiens, qui s'ennuient au point de vouloir mourir, s'échangeant des e-mail (dits en voix-off) dans un décor dépouillé, soit plongé dans l'obscurité où n'émerge que la flamme d'une bougie, soit dans un décor vide et diaphane où les visages regardent constamment la caméra comme dans La Religieuse portugaise. Les adulateurs du réalisateur adoreront cette correspondance dépouillée de tout (surtout d'émotion) tandis que les spectateurs qui auraient tiqué devant le long métrage d'Eugène Green seront encore plus consternés devant ce mini-film composé de plans fixes encore plus ascétiques que La Religieuse portugaise.