Comme pour son précédent travail éditorial consacré à Frank Borzage, l’éditeur livre une copie fort impressionnante de Liliom, réalisé en 1930 et proposé dans son format original respecté 1.20. Dès le générique d’ouverture, la copie (restaurée HD) subjugue par sa beauté, sa stabilité et surtout sa propreté quasi-immaculée où seuls demeurent de sensibles points blancs subliminaux. Totalement abstraite, la photo de Liliom rejette toute forme de naturalisme, se compose de formes géométriques et d’éclairages composés de clairs-obscurs très violents. Le N&B est magnifiquement contrasté, la palette de gris étendue et le piqué est tellement vif qu’on a souvent peine à croire que le film vient de fêter ses 80 bougies surtout quand on voit le relief des impressionnants décors du film. Les quelques panneaux narratifs, encore présents malgré l’avènement du parlant, affichent quant à eux un aplomb jamais démenti. Notons que les plans à effets spéciaux du dernier acte entraînent de petites sautes, divers fourmillements ainsi qu’un grain plus appuyé à cause de diverses couches d’images superposées, mais le master demeure de haut niveau.
Ce mixage 1.0 pèche par ses quelques saturations des voix féminines ainsi qu’un souffle parfois appuyé lors des scènes dialoguées, mais force est de constater que la bande-son a subi elle aussi un dépoussiérage de premier ordre. La musique est dynamique, bien mise en valeur et souvent ardente (comme lors des séquences de fête foraine) et il est amusant de noter le soin apporté à l’articulation des comédiens, qui détachent parfois exagérément les syllabes en raison des débuts du cinéma parlant. En dépit de quelques passages où la musique tend à s’emballer quelque peu, ou des dialogues sensiblement étouffés, l’ensemble est clair et distinct tout du long et les quelques accrocs constatés ne perturbent en rien le visionnage du film.
Préface d’Hervé Dumont (8min29)
Nous avions déjà écouté Hervé Dumont, historien du cinéma et ancien directeur de la Cinémathèque suisse, sur le DVD de Tous les biens de la Terre mais aussi et surtout sur les éditions Blu-ray Carlotta de L'Heure suprême, L'Ange de la rue et de Lucky Star. En 1992, notre interlocuteur avait signé une biographie consacrée à Frank Borzage intitulée "Frank Borzage : Sarastro à Hollywood". Comme il l'avait fait pour William Dieterle, et pour les trois films susmentionnés de Frank Borzage, Hervé Dumont replace en 8 minutes le film Liliom (adapté d’une pièce de l’auteur roumain Ferenc Molnar) dans la carrière du réalisateur. Notre interlocuteur évoque la mise en chantier de cet ovni total réalisé en 1930, qui connaitra d’autres adaptations dont la plus connue demeure celle de Fritz Lang réalisée en 1934, en se demandant comment un studio comme la FOX avait pu à l’époque donner carte blanche à Frank Borzage pour réaliser un film aussi singulier. Dans une deuxième partie, Hervé Dumont se penche sur le casting, l’aspect fantastique du film, l’échec public et commercial de cette oeuvre qui a failli ruiner la carrière de Frank Borzage, obligé après ce film de réaliser 2 ou 3 films alimentaires qui l’ont finalement conduit à Bad girl qui lui vaudra en 1931 son deuxième Oscar du meilleur réalisateur. Enfin, la dernière partie de cette courte mais passionnante autant qu’éclairante préface, propose une étude détaillée du fond et de la forme de Liliom ainsi que de la sortie du film marquée par une censure impitoyable des autorités religieuses, coupant purement et simplement les séquences évoquant l’au-delà du dernier acte. Une chose est sûre, c'est qu'on aimerait avoir plus souvent ce genre de préface aussi complète en à peine 10 minutes qu'une interactivité proposant souvent plus d'une heure de supplément sans rien à retenir !
L’interactivité se clôt sur une galerie photos (3"22 min).