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Ce nouveau master 1.77 respecté a été restauré par la Cinémathèque de Bologne en 2008 sous la supervision de Vittorio De Seta lui-même. Un lifting numérique haut de gamme offre à l’ensemble de ces dix courts-métrages, une homogénéité ainsi qu’une définition très soignée. Tourné en Ferraniacolor (procédé italien de colorisation trichromique datant du début des années 50), le film se caractérise par une palette colorimétrique composée de ciels argentés, une mer bleue-encre de Chine, souvent insondable, parfois d’une limpidité ahurissante, et une jolie clarté durant les séquences diurnes. Si le master révèle quelques sensibles imperfections, apparaissant surtout à la fin des courts-métrages, comme de sensibles rayures verticales, points noirs et poussières variées (surtout lors de la partie intitulée Parabole d’or) visibles entre autre sur le ciel cristallin, la copie demeure d’excellente qualité. Certaines parties apparaissent plus désaturées que d’autres, parfois à la limite du N&B (les Bergers d’Orgosolo, Iles de feu) tandis que certains plans fixes (le Vésuve en éruption, les lueurs crépusculaires, la pêche au thon au large des côtes siciliennes) se révèlent magnifiques. Le grain parvient à se faire rapidement oublier et la délicatesse du master flatte souvent les rétines avec des contrastes assurés. Notons toutefois quelques petits fourmillements sur les plans éloignés ainsi qu’un piqué somme toute modeste.
Comme il l'indique dans son entretien disponible dans les suppléments, Vittorio De Seta enregistrait le son lui-même mais n'utilisait pas forcément les bruitages correspondants aux images qu'il montrait. Capturant les sons et les effets sonores qui lui plaisaient, le réalisateur intégrait par exemple un chant traditionnel ou une conversation de manière décalée pour un meilleur effet sur le spectateur. L'éditeur respecte ces partis-pris à travers un mixage ardent, d'une propreté inouïe et surtout jamais perturbé par un quelconque souffle chronique. Mise à part un ou deux échanges légèrement couverts, les ambiances sonores participant grandement à l'immersion du spectateur sont magistralement rendues. Le vent, la tempête, la lave en fusion ou même le simple clapotis sont autant d'éléments narratifs que les images elles-mêmes et on reste souvent ébahis pas la richesse et l'ampleur du mixage mono proposé qui évite toute saturation intempestive.
Entretien avec Vittorio De Seta (2008 - 17min41)
Nous ne pouvions pas espérer mieux que cette interview du réalisateur qui revient sur ses débuts dans le documentaire et sur la production de ses courts-métrages. Ayant débuté des études d'architecture, Vittorio De Seta a toujours été attiré par le monde du cinéma et fini par y venir sur le tard (vers trente ans) d'abord comme assistant-réalisateur, mais peu désireux de faire du cinéma "industriel", il se lance dans le documentaire en 1954 avec le film Pâques en Sicile (quatrième segment du Monde perdu) sur les conseils avisés du scénariste Cesare Zavattini. Le réalisateur retrace de manière passionnante la conception de ses films, un véritable homme-orchestre qui s'occupait à la fois de la production, de la mise en scène (sans scénario préétabli ou de véritable préparation), du montage et de la prise de son. Révélant qu'il filmait parfois des choses sans savoir ce qu'il allait en faire après, Vittorio De Seta voulait comme il le dit lui-même se fondre dans le décor en construisant son documentaire progressivement avec comme ligne directive de ne pas se détacher de la réalité. Evidemment, le documentariste aborde le monde paysan, ouvrier et manuel vu dans le film et qui, selon lui, était déjà en train de disparaître au moment où il filmait ces traditions séculaires. Des coutumes importantes qui n'ont pas pu être épargnées en raison de l'industrialisation et de l'exode industriel vers le Nord du pays. Pièce unique de cette interactivité, cet entretien demeure indispensable.
