Coffret Pierre Tchernia

StudioCanal rend un bel hommage à Pierre Tchernia, alias Monsieur Cinéma, en réunissant trois de ses films dans un coffret. Le premier n'est autre que son film le plus célèbre, Le Viager. Sorti en 1972, plus de 2 millions de spectateurs se précipiteront afin de voir Michel Serrault dans son premier grand rôle. Depuis, le film est devenu un incontournable de la télévision en passant une fois par an. L'année dernière encore, plus de 4 millions de spectateurs étaient rivés devant leur écran afin de rire devant la mauvaise affaire de la famille Galipeau qui décide de s'en prendre à l'increvable Louis Martinet à qui ils paient une rente viagère depuis près de quarante ans. Pierre Tchernia co-signe le scénario et les dialogues avec son ami René Goscinny dont on retrouve la griffe à chaque réplique et à chaque rebondissement. L'histoire de cette mauvaise affaire aurait pu tomber dans la méchanceté gratuite mais le duo égratigne de manière poétique la cupidité du Français aisé. Nous sommes ici en plein conte relevé par la voix narratrice de Pierre Tchernia himself qui appuie certains détails de l'histoire. Certes Le Viager caricature mais de la plus belle des façons en rendant finalement la famille Galipeau sympathique à force de voir le malheur s'abattre sur eux, s'obstinant malgré leur sottise et leur maladresse à vouloir précipiter la mort de Louis Martinet. Michel Serrault s'en donne véritablement à cœur joie. Saluons également toute la ribambelle de comédiens qui l'entoure comme Michel Galabru, Rosy Varte et Jean-Pierre Darras. La grande réussite du cinéma de Pierre Tchernia provient en outre des seconds rôles, réjouissants et marquants. Le Viager demeure l'une des meilleures comédies françaises des années 70, au montage acéré et aux répliques mordantes. Il constitue sans nul doute le film le plus représentatif de l'univers de son auteur.

Les Gaspards n'a pas le privilège d'être fréquemment diffusé à la télévision. On y retrouve néanmoins nombre de figures connues déjà aperçues dans Le Viager deux ans auparavant. Le film est truffé de gags visuels concoctés par Pierre Tchernia et René Goscinny et même si le rythme a tendance à s'essouffler dans la deuxième partie du film, on retiendra toutes les idées liées à l'histoire de ces Gaspards (des rats en argot) qui se réfugient dans les sous-sols parisiens afin de résister face aux nombreux chantiers mis en place par le ministre des travaux publics incarné par Charles Denner, désireux de moderniser la capitale. Son plus grand fantasme étant de bétonner la Seine afin d'y construire une autoroute. En ce début des années 70, Paris devient un véritable gruyère, se transformant littéralement en s'engouffrant dans la voie de la modernisation.

Il règne dans le film de Pierre Tchernia comme un refus de l'urbanisation et de l'uniformisation. Une nostalgie du vieux Paris caractérisé par le titre du livre écrit par le personnage de Michel Serrault intitulé Paris qui s'en va. A ce titre, Les Gaspards rejoint le chef d'œuvre de Jacques Tati, PlayTime.

Les Gaspards est un film de copains fait pour s'amuser et emmener le spectateur dans leur délire. Le cinéaste voue une passion pour le burlesque, plus précisément pour Buster Keaton, et joue avec talent de l'absurdité des situations. A sa sortie en 1974, le film déconcerte quelque peu le public et n'attire que 806 000 spectateurs dans les catacombes. Assez méconnu, Les Gaspards mérite d'être redécouvert d'autant plus que Pierre Tchernia s'y moque gentiment de l'autorité judiciaire et politique avec un humour décalé. Les politiciens s'étalent devant les caméras pour y dévoiler leurs projets insensés afin de mieux marquer leur époque. Pour finir, le film sert également de document rarissime montrant la transformation totale de la ville de Paris. Pierre Tchernia lui-même résume habilement Les Gaspards «  un album de couleurs qui réjouit nos âmes de grands enfants. »

Le dernier film disponible dans ce coffret est La Gueule de l'autre, réalisé en 1979. C'est Jean Poiret qui scénarise et signe les dialogues de cette comédie pataude dans laquelle on a bien du mal à saisir la patte du cinéaste qui préfère se reposer sur le cabotinage effréné de Michel Serrault dans un double rôle et de Jean Poiret lui-même. Doté d'un casting toujours aussi gratiné (même Curd Jürgens est de la partie), le film démarre mollement, s'enlise rapidement puis relève la tête dans la dernière demi-heure renvoyant aux plus récents débats politiques vus à la télévision.

Sans fioritures, Pierre Tchernia met en images le scénario de son grand ami Jean Poiret. Les gags tombent à plat une fois sur deux mais on retient tout de même la satire politique qui fait toujours mouche avec ses images très documentées des manifestations qui fleurissent (surtout de nos jours) de façon quasi-hebdomadaire. C'est aussi l'occasion de voir les magouilles politiques dévoilées au grand jour et la lâcheté des hommes qui la composent. L'autorité policière en prend une fois de plus pour son grade comme dans Les Gaspards.

Au final il n'y a pas vraiment de scènes cultes à retenir mise à part la séquence du discours au playback perturbé et le face à face Michel Serrault / Roger Carel, désopilant... de réalisme.