A Propos d'Elly...
Le 27/08/2009 à 14:32Par Elodie Leroy
Drame reposant sur une quasi-unité de lieu et de temps, A Propos d'Elly s'enrichit d'un véritable suspense en poussant le spectateur à s'impliquer activement dans la résolution du mystère de la disparition d'Elly. Aussi fin psychologue que maître de la caméra à l'épaule, le cinéaste iranien Asghar Farhadi signe une oeuvre émotionnellement consistante et tire le meilleur de ses comédiens, parmi lesquels Golshifteh Farahani brille par son intensité. Découvrez ci-dessous la critique de A Propos d'Elly...
Ours d'Argent du meilleur réalisateur au 59e Festival du Film de Berlin, A Propos d'Elly est le quatrième long métrage du réalisateur iranien Asghar Farhadi et s'intéresse à un groupe d'hommes et de femmes dont l'escapade au bord de la mer va être bouleversée par la disparition de l'une des invitées. Entraînée dans ce voyage par Sepideh (Golshifteh Farahani) qui espère la voir se rapprocher de son ami Ahmad (Shahab Hosseini), Elly (Taraneh Alidousti) laisse entrevoir dès les premières séquences une personnalité timide et réservée, tandis que chacun des membres de cette bande d'amis composée essentiellement de couples mariés se livre à des commentaires plus ou moins ironique sur son attitude, sur sa personne, l'excluant insidieusement de la fête. L'évaporation aussi soudaine qu'incompréhensible de la jeune femme va non seulement jeter l'angoisse et la confusion au sein du groupe mais aussi briser sa cohésion.
Confirmant ses affinités avec la forme théâtrale, le cinéaste construit ce quasi huis clos en trois actes autour de cette disparition : l'avant, les recherches, l'après. Comme pour mieux souligner le caractère énigmatique d'Elly, sa disparition se déroule hors champ, signifiée par une ellipse particulièrement habile qui devient source d'un véritable suspense puisque le spectateur va lui aussi, à l'instar des personnages, tenter de reconstituer le puzzle et se perdre en interrogations. A-t-elle eu un accident ou est-elle simplement partie ? Qui est ou était vraiment Elly ? Rarement un film n'aurait aussi bien porté son titre : dans la bonne humeur qui caractérise le premier acte comme dans l'angoisse et l'abattement qui imprègnent le seconde et le troisième, Elly est au centre de toutes les préoccupations, de toutes les conversations. Elly se fait révélateur du caractère de chacun, des relations et des conflits au sein des couples, des relents de traditionnalisme et de machisme qui susbistent dans cette tranche moderne et éduquée de la classe moyenne iranienne. Les hommes rejettent à ce titre volontiers la responsabilité sur les femmes, comme en témoigne une violente scène de ménage entre Amir et Sepideh, cette dernière finissant par se murer dans le silence et la soumission alors qu'elle affichait jusqu'alors une nature extravertie et entreprenante.
Si l'on ne pourra que remarquer les différences de référents moraux entre l'Iran et la France à la vision d'A Propos d'Elly, celles-ci ne constituent nullement une barrière pour qui n'est pas familier de la culture iranienne puisque les réactions des protagonistes sont universelles, à commencer par leur besoin de juger Elly voire d'en faire un bouc émissaire, seul moyen de faire face au sentiment de culpabilité qui les ronge. Sur le plan individuel comme collectif, le cheminement psychologique des personnages s'avère crédible du début à la fin. Asghar Farhadi ne se fait pas juge des protagonistes mais les accompagne tout du long en s'impliquant directement dans l'action à travers un jeu de caméra à l'épaule très maîtrisé, nous plongeant dans ce décor hanté par le fracas des vagues sur les rochers. Si l'on pourra reprocher au troisième acte du film de tirer un peu trop sur la corde en mettant le groupe dans une situation exagérément compliquée, le naturel des comédiens est tel que l'on accepte sans trop de difficulté les coups de théâtre qui se succèdent. Sur le plan de l'interprétation, on retiendra particulièrement la prestation intense dans le rôle de Sepideh de Golshifteh Farahani (vue dans Mensonges d'Etat de Ridley Scott), mais aussi le visage angélique et le regard indéchiffrable de Taraneh Alidousti, interprète de la fameuse Elly.