A Single Man
Le 18/02/2010 à 12:25Par Caroline Leroy
Découvrez ci-dessous la critique du film A Single Man de Tom Ford
Il n'est jamais trop tard pour tenter de nouvelles expériences. C'est ce que nous démontre le célèbre créateur de mode Tom Ford avec A Single Man, un premier long métrage qui fait beaucoup parler de lui depuis sa présentation à la dernière Mostra de Venise. Ce film tout en nuances est une libre adaptation d'un roman publié par Christopher Isherwood en 1964. Aujourd'hui, placer au premier plan un personnage d'homosexuel notoire n'a plus rien de choquant aux yeux du public. Et pourtant, il y a quelque chose de novateur dans le portrait extrêmement sensible que Tom Ford propose de cet homme enfermé dans la solitude, dans le regard délibérément universel qu'il porte sur lui. Que ce soit dans son esthétique, dans son rythme ou dans sa structure, A Single Man est une œuvre singulière, qui ne ressemble à aucune autre. Un film très personnel, qui prend son temps et sait garder sa part de mystère à l'heure où les contingences hollywoodiennes réclament toujours plus de précipitation et de didactisme puéril.
Entre passé et présent, entre fantasme et réalité, le film déploie son intrigue sur la durée d'une unique journée durant laquelle un homme, George Falconer (Colin Firth), va - peut-être - voir son existence reprendre le sens qu'elle avait perdu depuis la disparition tragique de son compagnon Jim (Matthew Goode). S'il y a unité de temps, il n'y a pas unité de lieu puisque George multiplie malgré lui les rencontres, renouant avec une vieille amie, Charley (Julianne Moore), et allant jusqu'à subir - non sans un certain plaisir - les avances d'un bel étudiant particulièrement entreprenant, Kenny (Nicholas Hoult). Ecrit à la première personne, A Single Man met en scène Colin Firth dans ce qui restera certainement comme l'un des rôles les plus importants de sa carrière. Grand habitué des comédies romantiques (Le Journal de Bridget Jones, Love Actually, Un Mariage de rêve, pour ne citer que ceux-là), l'acteur britannique endosse avec élégance et pudeur le costume guindé de ce professeur d'anglais que plus rien ne semble devoir atteindre, et porte littéralement tout le long métrage sur ses épaules. Une performance qui ne donne pourtant jamais l'impression d'en être une, même dans les moments les plus tragiques, tant le comédien se place naturellement au service de son rôle et non l'inverse.
Visiblement passionné par son sujet, Tom Ford ne laisse rien au hasard et signe une œuvre certes esthétique, mais dans laquelle le fond et la forme sont étroitement liés ; où les cadrages, les jeux de couleurs et la musique sont pensés dans le but de retranscrire au plus près les émotions indicibles du personnage principal. Ce langage très sensoriel évoque davantage le cinéma asiatique - on pense à Wong Kar-Wai notamment -, que le cinéma occidental qui se repose davantage sur les dialogues lorsqu'il s'agit de transmettre du sens. Premier film oblige, l'exercice montre parfois ses limites, occasionnant ici et là quelques longueurs heureusement sans gravité, mais le cinéaste va quoiqu'il en soit jusqu'au bout de son idée et nous immerge selon son souhait dans l'âme meurtrie de George. Il y parvient en adoptant pleinement le point de vue de ce dernier, sublimant tous les acteurs de ce voyage onirique de façon aussi audacieuse que rafraichissante. Les partenaires de Colin Firth se retrouvent ainsi être les héros éphémères de scènes clés qui sont parmi les plus touchantes de A Single Man. Il ne reste plus qu'à espérer que ce premier long métrage unique ne soit que le premier d'une longue série...