Appaloosa
Le 03/10/2008 à 16:04Par Caroline Leroy
Pour son grand retour derrière la caméra, huit ans après le biopic Pollock consacré au peintre de génie, Ed Harris nous revient avec Appaloosa, western adapté d'un roman de Robert B. Baker dont il est littéralement tombé amoureux dès la première lecture. Le western est un genre qui se fait rare depuis quelques décennies, on n'est par conséquent guère étonné d'apprendre que le comédien a eu toutes les difficultés du monde faire financier son projet. D'autant qu'Appaloosa se situe aux antipodes d'une autre exploration moderne du genre très remarquée cette année, à savoir 3h10 to Yuma, excellent remake du film éponyme de Delmer Daves. Là où James Mangold joue avec succès la carte du spectaculaire, de l'intense, de l'extrême presque, Ed Harris opte au contraire - et avec autant de bonheur - pour la retenue : celle de l'action comme celle des sentiments.
Le film se déploie ainsi sur un rythme lent, presque pépère, à l'image de la relation de complicité évidente qu'entretiennent ses deux protagonistes principaux, Virgil Cole (Ed Harris) et Everett Hitch (Viggo Mortensen). Une complicité qui se passe de mots la plupart du temps, et donne lieu par ailleurs à de savoureux échanges lorsque sonne l'heure de prendre la parole - Hitch vient systématiquement compléter les phrases de Cole qui peine de manière comique à trouver les mots justes. Le charme d'Appaloosa tient à la justesse et à la sobriété avec lesquelles est dépeinte l'amitié fraternelle des deux compères, les mêmes sentiments semblant gouverner les deux acteurs dont le duo fonctionne extraordinairement bien à l'écran. Inséparables, les deux cow-boys sont aussi parfaitement complémentaires. Sans jamais donner l'impression de répéter ce qui a été fait précédemment, Ed Harris donne une vraie dimension à ces deux personnages qui auraient pu demeurer archétypaux, entre Hitch qui se satisfait d'une existence d'éternel nomade, et Cole qui aspire à s'établir enfin sur la terre de son choix. Le film, presque entièrement tourné au Nouveau-Mexique où se déroule effectivement l'action, est d'autre part un pur plaisir pour les yeux, les vastes paysages se voyant sublimés par la photographie de Deam Semler (Apocalypto), caractérisée par de subtiles nuances de tons chauds. Tant que Cole et Hitch ne s'occupent que de rétablir l'ordre à l'intérieur de la ville d'Appaloosa, se heurtant pour cela inévitablement à la terreur du coin, Randall Bragg (joué avec beaucoup d'humour par Jeremy Irons), c'est avec délectation que l'on se laisse bercer par le tempo et d'Appaloosa, western pur-jus comme il n'y en existait plus guère. L'arrivée du personnage d'Allison Frenc (Renée Zellweger) vient cependant quelque peu perturber cette tranquillité ponctuée d'éclats habilement dosés.
Personnage a priori fonctionnel dans ce type d'histoires d'amitié virile, Allison se voit pourtant accorder une place plus importante que prévu, le réalisateur se gardant bien de la réduire au simple rôle de "la femme qui vient mettre la zizanie entre les deux meilleurs amis". L'habileté de Ed Harris est de la révéler dans sa complexité à travers les propos de l'autre femme du film, la prostituée Katie (Ariadna Gil) que fréquente Hitch. Le souci qui se pose ne concerne pas le personnage lui-même mais plutôt la comédienne qui lui prête ses traits, Renée Zellweger. A l'inverse de la charismatique actrice espagnole Ariadna Gil qui parvient à donner à son personnage plus que ce qu'il y a sur le papier, Zellweger paraît étrangement éteinte dans la peau de cette Allison censée être la trouble-fête pétillante du film, et ce en dépit de ses efforts pour garder un sourire constamment plaqué sur la figure. Sans remettre en cause le talent de l'actrice, sa présence au casting d'Appaloosa ressemble bel et bien à une faute de goût. L'autre reproche que l'on peut faire au film tient à son parti-pris anti-spectaculaire : le climax intervient un peu tôt et la dernière demi-heure traîne de fait en longueur, sans apporter de pierre à l'édifice. Un petit souci de rythme qui découle peut-être de la franche coupe qu'a dû opérer Ed Harris pour réduire la durée de son film peu avant la sortie - au total, plus de vingt minutes ont été retirée du montage salles. Si ces deux petits hics ne plombent pas le film, loin de là, ils l'empêchent d'accéder pleinement à la perfection à laquelle il pouvait prétendre par ailleurs.