Bataille à Seattle

Un film ouvertement de gauche, limite anar’, soutenant l’alter mondialisme en envoyant un pavé dans une marre que le cinéma a trop longtemps laissé croupir, vous en rêviez ? Bataille à Seattle est fait pour vous. Racontant l’histoire de plusieurs personnages liés volontairement ou non aux émeutes ayant eu lieu aux abords du congrès de l’OMC en 1999 à Seattle, ce premier film du comédien irlandais Peter Townsend (vu notamment en vampire dans La Reine des Damnés et en Dorian Gray dans La Ligue des Gentlemen Extraordinaires) dispose d’un certain nombre de qualité qui en font la surprise inattendue de ce printemps 2008.

Si à la vision des premiers instants du film, hantés par le fantôme des peu mémorables Collision de Paul Haggis ou Bobby d’Emilio Estevez, on peut craindre que Townsend ne tombe dans la facilité d’user du terrorisme lacrymal pour arriver à ses fins, on est bien vite rassuré par la tournure que prennent les événements (façon de parler bien sûr). Il n’est pas question ici de juger l’homme (comme c’était le cas dans Collision) mais bien la société telle qu’elle est devenue lorsqu’elle a commencé à faire passer le profit avant les intérêts humains. Dès lors, le choix de peindre une histoire ou les destins de plusieurs personnages s’articulent autour d’un même événement est plus que judicieux, voire même très pertinent, puisqu’il permet d’offrir plusieurs points de vues distincts sur une situation établie. En d’autre terme, l’aspect "choral" du film de Townsend permet ici de faire comprendre que quelque soit notre origine, notre milieu, nos orientations politiques ou nos croyances, nous sommes tous concernés directement ou indirectement par le problème de la mondialisation. Et le résultat est édifiant en ce qui concerne le réveil des consciences.

Un film choc donc, qui s’appuie sur un message fort (bien plus en tout cas que n'importe quel discours pour néo-baba roots de José Bové), des images poignantes (parfois même dures à encaisser) et surtout sur une pléiade de comédiens qui semblent tous s’être donné à fond pour mener à bien ce projet (on imagine que le tournage fait à l’arrachée dans les rues de Toronto n’a pas du être de tout repos). On retiendra particulièrement la performance du couple Charlize Theron / Woody Harrelson, bluffante de justesse et riche en émotions. Seul bemol : la mise en scène de Townsend manque peut-être de finesse, puisque dans son style, Bataille à Seattle se rapproche grandement de Bloody Sunday de Paul Greengrass, l’aisance technique en moins. Mais qu'importe, le résultat est là, le film fonctionne, et en sortant de la salle, comme il est si bien dit dans le film "on ne sait pas ce qu’est vraiment l’OMC, mais on sait que c’est mal". CQFD.

Le cinéma comme vecteur de pensée politique, on avait fini par oublier que ça existait... Townsend nous le rappelle, et ça fait sacrément du bien.