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Coffret Douglas Sirk - Partie 3 - Les mélodrames allemands

Le 07/12/2009 à 07:59
Par
Notre avis
7 10

Regrets, amour et sacrifice, doutes, illusions, esthétique prestigieuse. Alors que Douglas Sirk s'appelait encore Hans Detlef Sierck, les quatre films réunis dans ce coffret annoncent en grande pompe les chefs d'oeuvres que le cinéaste allemand réalisera dans les années 50 aux Etats-Unis. Avec ce troisième coffret, Carlotta permet de contempler l'émergence d'un réalisateur au regard acéré sur la condition humaine comme dans le chef d'oeuvre La Fille des marais (deuxième film de Douglas Sirk) et même dans une oeuvre de commande (Les Piliers de la société) qu'il transcende. Si La Habanera, son dernier film allemand, déçoit fortement, Paramatta, bagne de femmes, installe définitivement Douglas Sirk au sein du cinéma comme l'un des maitres du genre mélodramatique.

Découvrez ci-dessous la critique du coffret Douglas Sirk - Partie 3 - Les mélodrames allemands


Critique du coffret Douglas Sirk, partie 3, les mélodrames allemands

La Fille des Marais : 20/20


La Fille des marais est le deuxième film de Douglas Sirk de son vrai nom Detlef Sierck et son premier mélodrame, réalisé en 1935 après une comédie légère. Marquant d'emblée le film de sa griffe, Detlef Sierck transcende une œuvre de commande et réalise son premier chef d'œuvre en instaurant des thèmes qui deviendront récurrents dans ses films comme les conventions aliénantes et la critique sociale rappelant furieusement celle de Tout ce que le ciel permet. A travers cette adaptation d'une nouvelle de l'écrivain suédois Selma Lagerlöf, première femme à avoir obtenu le Prix Nobel de littérature en 1909, le cinéaste ne compte pas s'en remettre entièrement à la popularité de l'auteur et de son œuvre. Il soigne chacun de ses plans. La Fille des marais apparait aujourd'hui comme l'une de ses plus grandes réussites plastiques, indiquant une maîtrise déjà grande des moyens cinématographiques alors que le réalisateur débutait à peine. Inspiré de Renoir et de Dreyer, Detlef Sierck prend goût au genre mélodramatique, tourne en extérieurs et tente diverses expérimentations en jouant habilement avec la clarté du jour et les ombres masquant les sentiments des personnages. La jalousie, le regard des autres, l'ostracisme, le dilemme face à soi-même (via l'éternel miroir sirkien) et le désir de mettre à bas les conventions sociales jalonnent La Fille des marais, d'une beauté visuelle à couper le souffle et passionnant de bout en bout.

 

Critique du coffret Douglas Sirk, partie 3, les mélodrames allemands

Critique du coffret Douglas Sirk, partie 3, les mélodrames allemands

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Critique du coffret Douglas Sirk, partie 3, les mélodrames allemands

 

Les Piliers de la société : 16/20

Troisième long métrage de Detlef Sierck, alors sous contrat avec la UFA, les studios de cinéma allemands. Les Piliers de la société marque une rupture de ton avec La Fille des marais et constitue une avancée technique considérable. Tiré d'une pièce du dramaturge norvégien Henrik Ibsen, Detlef Sierck n'hésite pas à trahir et modifier de nombreux éléments de la trame originale afin d'appuyer sa critique sociale en démontrant la part d'ombre dissimulée derrière les apparats des dirigeants. Dénigré par les puristes, Les Piliers de la société s'ouvre sur un prologue montrant l'un des personnages principaux basé en Amérique. Grand admirateur du continent depuis son enfance, le réalisateur allemand se fait plaisir en filmant cette séquence qui n'est qu'évoquée dans l'écrit d'Ibsen, même si le tournage ne s'est pas déroulé aux Etats-Unis et que Detlef Sierck a eu recours à quelques stock-shots. Ce mélodrame social repose sur une solide interprétation et malgré une première partie pataude et quelques raccourcis scénaristiques, la trame habile et shakespearienne se met en place petit à petit à travers les thèmes du remord, des secrets de famille enfouis, du mensonge, de la trahison et de la rédemption jusqu'à la dernière scène marquée par une tempête constellée d'éclairs quasi-mystique. Enorme succès public lors de sa sortie en salles, Les Piliers de la société fait de Detlef Sierck un réalisateur confirmé et respecté.

 

Critique du coffret Douglas Sirk, partie 3, les mélodrames allemands

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Paramatta, bagne de femmes : 16/20

Zarah Leander, vedette suédoise d'opérettes et de cabaret, signe en 1936 un contrat avec la UFA. Vedette fabriquée de toutes pièces par les studios qui désiraient en faire son égérie sous le III° Reich de Gobbels, alors ministre de la propagande, Zarah Leander tourne son premier film allemand devant la caméra de Detlef Sierck en 1937. Paramatta, bagne de femmes, sixième film du réalisateur, instaure les personnages "sirkiens" dans leurs tourments, ici une femme malmenée par le destin se sacrifiant corps et âme pour l'homme qu'elle aime en s'accusant d'un faux en écriture réalisé par son amant. Ce dernier n'a de cesse de se remettre en question sur sa condition, se montrant indécis et pris de remords, à l'instar du personnage incarné par Fred MacMurray dans Demain est un autre jour.

Zarah Leander ne brille pas par son jeu d'actrice et les chansons qu'elle clame de sa voix grave, devenues des tubes avant même la sortie du film, plombent légèrement l'ensemble. Il n'empêche que cette nouvelle star possède une présence certaine malheureusement alourdie par un rendu artificiel des émotions.

Tragédie lyrique dressant un tableau peu flatteur d'une aristocratie décadente,  film à la beauté formelle irréprochable, portrait de femme intime, Paramatta, bagne de femmes constitue une pierre angulaire dans la carrière de Detlef Sierck.

 

Critique du coffret Douglas Sirk, partie 3, les mélodrames allemands

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La Habanera : 08/20

Après le succès mondial de Paramatta, bagne de femmes, La Habanera marque la seconde collaboration entre Detlef Sierck et la comédienne Zarah Leander. Disons-le d'entrée, ce film s'avère l'un des plus faibles du cinéaste et croule sous les clichés du genre. Zarah Leander pousse une fois de plus la chansonnette, son jeu ne se résumant qu'à un visage figé et à un regard inexpressif. Le personnage du tyran portoricain est lourd et caricatural, l'histoire est redondante et poussive, voire inintéressante. Certes, Detlef Sierck traite une fois de plus d'une femme enfermée dans une prison dorée (omniprésence de barreaux verticaux dans le décor) devant faire face à ses illusions, devant se sacrifier et renoncer, mais le cadre exotique carte postale de l'ensemble sied mal aux intentions du réalisateur. Si le dépaysement est cependant garanti en comparaison à ses autres long métrages, Detlef Sierck s'efface derrière sa caméra et La Habanera apparaît alors comme un véhicule de star destiné uniquement à mettre en valeur les chansons (pesantes) de la nouvelle égérie du cinéma allemand créée par le Troisième Reich. Après ce succès international, Detlef Sierck profite de son passeport fraîchement émis pour le tournage de La Habanera aux Canaries afin de fuir le régime allemand en passant par la Suisse puis par la France pour s'installer aux Etats-Unis où il réalisera les plus grands mélodrames de l'Histoire du Cinéma sous le nom de Douglas Sirk.

 

Critique du coffret Douglas Sirk, partie 3, les mélodrames allemands

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