Crimes à Oxford
Le 08/01/2008 à 08:33Par Caroline Leroy
Quatre ans après Le Crime Farpait, le réalisateur espagnol Alex de la Iglesia nous revient avec un thriller intelligent, philosophique et surtout délicieusement ludique. Crimes à Oxford brille par un scénario imparable, une réalisation remarquable et un casting de choix.
Double changement de registre pour Alex de la Iglesia : avec Crimes à Oxford, le cinéaste délaisse un instant les comédies d'horreur et autre thrillers déjantés qui ont fait sa notoriété pour se glisser dans l'ambiance feutrée d'un polar cérébral adapté du roman de Guillermo Martinez, Mathématique du Crime, et tourné en langue anglaise. Des challenges non négligeables que le réalisateur relève haut la main avec un enthousiasme communicatif, sans jamais se laisser dépasser par la complexité de son sujet. Remarquablement écrit et réalisé, Crimes à Oxford est un pur bonheur pour les méninges.
Comme dans tout bon polar qui se respecte, Crimes à Oxford repose sur une construction méticuleuse qui ne cède rien au hasard. Les indices sont là, à la portée de tous, il suffit seulement de bien regarder. C'est un peu le message que se voit régulièrement rappeler Martin (Elijah Wood) au cours de son enquête sur la mort de son hôte, Mrs. Eeagleton (Anna Massey). Lui qui ne jure que par la logique des mathématiques et qui affirme ne croire que ce qu'il voit, va voir rapidement ses convictions ébranlées par les suites inattendues de cette affaire qui l'amène à faire équipe avec le très estimé Professeur Arthur Seldom (John Hurt), son idole. Or celui-ci est loin de partager le même idéalisme et les mêmes certitudes sur le monde. Selon lui, les calculs mathématiques ne sont d'aucune utilité lorsqu'il s'agit de résoudre les mystères de l'esprit humain comme les miracles de la nature. Le professeur est-il cynique ou tristement réaliste ? Au-delà de l'enquête elle-même, le film s'articule peu à peu autour de la confrontation intellectuelle de ces deux personnalités que tout oppose, à commencer par leur conception de la vérité - absolue pour l'un, relative pour l'autre. Là où d'autres auraient rapidement versé dans le pensum insupportable avec un tel sujet, Alex de la Iglesia parvient au contraire à conserver une incroyable fraîcheur de ton dans chaque scène, une légèreté apparente qui contribue à renforcer son propos plutôt qu'à l'atténuer, jusqu'au choc final.
Il est vrai que Crimes à Oxford n'est pas dénué d'humour, ne serait-ce que dans ses dialogues, très enlevés pour la plupart. Pour exemple, cette excellente scène de dîner qui suit le générique de début, et dans laquelle Martin est contraint d'assister à un règlement de compte verbal particulièrement sarcastique entre Mme Eagleton et sa fille Beth (Julie Cox). En l'espace de quelques minutes, L'œil aiguisé et la caméra toujours en mouvement, le réalisateur se montre aussi habile à capter les subtils non-dits d'une conversation faussement polie de cet acabit qu'à mettre en scène les tirades emportées du professeur Seldom. Le dynamisme et la fluidité extraordinaires de la réalisation d'Alex de la Iglesia confèrent au film un rythme soutenu qui ne confine jamais à la précipitation. Les scènes s'enchaînent avec évidence, tandis que chaque plan permet d'appréhender l'ensemble tout en ne négligeant jamais le détail - voir à ce titre le superbe plan-séquence qui conduit Elijah Wood sur le lieu du premier crime. Ce sont précisément ces qualités de mise en scène qui font de Crimes à Oxford un thriller à part, presque interactif dans sa façon d'amener le spectateur à s'interroger sur le moindre détail dissimulé dans le cadre, à la recherche d'un indice révélateur. Dans un tel contexte, on comprend que les comédiens donnent le meilleur d'eux-mêmes, à commencer par Elijah Wood qui trouve là son meilleur rôle depuis longtemps, à mille lieues du personnage coincé de Tout est illuminé. Ses échanges stimulants avec John Hurt, lui-même plus classe que jamais, sont un vrai régal. Tout comme le film.