Diary of the Dead - Chroniques des morts-vivants
Le 03/03/2008 à 09:00Par Arnaud Mangin
Durant des années, la sortie d'un film de George A. Romero était un événement, surtout s'il vouvoyait l'univers des morts-vivants. Ce cinquième chapitre Of The Dead non officiel n'est malheureusement plus aussi événementiel qu'il aurait pu être jadis et s'inscrit surtout comme une grosse pantalonnade horrifique loin d'être idiote dans son propos mais manquant cruellement d'une vraie carrure cinématographique dans sa forme. Résultat mitigé...
George A. Romero est fou ! Bon, il est aussi vieux - l'un expliquant sans doute l'autre - mais il conserve encore suffisamment la tête sur les épaules pour ne pas être sénile vis-à-vis des sujets qu'il aborde. Comme toujours lorsqu'il met ses zombies chéris en avant, le cinéaste est à nouveau interpellé par des faits de société actuelle à l'issue quasi apocalyptique. Après la guerre, les conflits de consommation, la bactériologie et le terrorisme, il s'intéresse désormais au chevauchement des médias et du voyeurisme. Ou comment les journaux TV, Internet, Youtube, Webcams, téléphones portables et autres outils de communications manipulables à l'infini permettent plus de satisfaire les amateurs d'images choc que de réellement informer. Une bonne occasion pour lui de jouer la carte des formats multiples pour livrer une histoire formellement intéressante et expérimenter le "film nouveau" avec tout ce que la technologie actuelle peut offrir. Plus précurseur que jamais, Diary Of The Dead se fond certes dans les tranchées déjà bien creusées des cadres en vue subjective par un héros tenant lui-même la caméra (après Le Projet Blair Witch, Cloverfield, Rec, etc) mais il éclate pourtant déjà ce nouveau genre de narration en trichant ouvertement et préférant ses bons vieux codes cinématographiques traditionnels. Le film est même un paradoxe à lui tout seul qu'affectionne le bonhomme : un film professionnel essayant de jouer la carte de l'amateurisme, mais dont les amateurs en question cherchent à faire du cinéma en illustrant musicalement leur documentaire au cadre et montage les mieux préparés. C'est malin, ça boucle la boucle et ça ne fait pas mal au crâne.
Mais comme dit plus haut, Romero est fou. Fou en ce sens qu'il atteint l'âge de la décontraction la plus complète et que malgré ses relents gores, Diary Of The Dead n'est même plus un film d'horreur mais une bonne grosse potacherie cynique et assumée lorgnant carrément vers le cartoon dans la mise à mort de ses monstres. Et oui, Romero se caricature... positivement. On est là pour rigoler, sans doute pour désamorcer le propos gravement malsain (un peu comme dans son culte Creepshow), et on explose des zombies à tire-larigot avec tous les outils qui traînent, on se vanne, on panique grave et courant dans tous les sens et on prend même le temps de faire de l'autodérision sur ses œuvres passées. Une scène d'ores et déjà culte avec un personnage Amish restera probablement parmi les plus mémorables de sa filmographie. Une fois passé cet étrange effet de surprise qu'est le fun, on prendra même le temps d'apprécier la scène finale où le réalisateur combine SA version délirante de La Momie et Resident Evil réunis, alors qu'on lui avait soustrait les projets officiels dans les années 90. Et ouais, George règle ses comptes avec Hollywood.
Le seul hic dans tout ça, c'est que George est aussi un vieux monsieur et qu'il n'a plus la pêche d'antan. Outre ses nombreuses mises à morts rigolotes et l'ambiance Farelly brothers /Shaun of the Dead de la chose, le film souffre d'une histoire ronflante (un road-movie où les personnages passent d'un point A à un point Z en traversant toutes les autres lettres de l'alphabet) et d'une direction d'acteurs franchement limite qui freinent quelque peu l'entrain général. Drôle, mais mou ! Au final, on attendait forcément un peu plus de la part du créateur de Zombie et cette cinquième aventure des morts ne restera qu'un moment sympa mais mineur de son œuvre.